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Mémoire des tirailleurs, le nouveau Président sénégalais a t-il de la mémoire?

Publié le 01 septembre 2013 par Ksd @KarfaDIALLO

DSC_3290(1)Depuis son accession à la Magistrature suprême, l’actuel Président sénégalais aura plus que respecté l’incontournable loi du clientélisme politique. Grassement remerciés ses alliés, ses amis, jusqu’à son personnel domestique et même ses adversaires ont eu leur lot de remerciement et de consolation. Il a, cependant, oublié l’essentiel : la mémoire du Sénégal, de l’Afrique et de l’Humanité.

Aux Tirailleurs Sénégalais morts pour la France
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des
Futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts obscurs
Die Swartz schande ! 
(Léopold Sédar Senghor, 1938)

SENENEWS.COM – Ce 23 août, le Sénégal devrait célébrer la Journée du tirailleur sénégalais voulue par le Président Abdoulaye Wade comme une “ manière d’affirmer le sentiment d’injustice qui a été faite à l’égard des tirailleurs sénégalais” et votée par l’Assemblée Nationale sénégalaise en 2004. Décidée dans la perspective des célébrations du 60ème anniversaire de la Libération de Paris et de la France (1944), la première commémoration avait réunie plusieurs chefs d’Etats africains du Mali, du Burkina Faso et du Bénin, principaux pourvoyeurs de ces soldats envoyés défendre la « mère-patrie » qui ne devaient leurs noms de « sénégalais » que parce que le Sénégal était la capitale de l’Afrique Occidentale Française. C’est, du reste, en mémoire du 23 août 1944 où la 6e RTS (Régiment des Tirailleurs Sénégalais) a libéré la ville de Toulon et surement aussi comme une manière de marquer cette année particulière où les soldats qui réclamaient leurs traitements  furent massacrés au camp de Thiaroye (novembre 1944), que sera décidée cette date symbolique.

Voulue par un président né sous la colonisation et formé par un Occident amnésique de la contribution des africains à son progrès et sa liberté, dont le « panafricanisme », avéré mais discutable, a conforté la place du Sénégal dans l’Afrique et le monde, cette Journée de commémoration est dédaigneusement ignorée par l’actuel locataire de l’ancien siège du Gouverneur de l’AOF, Macky Sall.

Macky Sall nous ferait-il regretter Abdoulaye Wade “le panafricaniste” ? Les commémorations sont des moments à haute valeur symbolique. Principaux moyens d’affirmation d’une République, de sa mémoire, de son unité et de son espérance. Ce petit bout de terre, cette pirogue a fait face à l’histoire et résisté à la violence de l’Océan et de l’Histoire en conservant précieusement le souvenir de sa traversée, ses ombres et lumières et de son rayonnement.

Si l’ancien Président a commis bien des torts, et les sénégalais le lui ont justement rappelé en le mettant à la retraite contrairement à sa volonté irréaliste et illégale de se maintenir au pouvoir, il reste un grand Président africain qui n’a eu de cesse de dénoncer l’impérialisme colonial et néo-colonial français tout en menant une politique pragmatique et libérale ayant servie à la modernisation d’un pays qui continue de maintenir son rang malgré les vicissitudes économiques, sociales et politiques.

Comme pour la loi sénégalaise du 27 avril 2010 (déclarant la traite des noirs et l’esclavage crimes contre l’humanité), la journée des tirailleurs n’est plus célébrée par l’Etat sénégalais depuis le départ précipité du Président Abdoulaye Wade et l’arrivée au pouvoir de Macky Sall.

Né en 1961, juste après l’indépendance sénégalaise, Mr Macky Sall remporte les suffrages des sénégalais sur la base d’une conception tout aussi libérale que son mentor (Abdoulaye Wade) mais avec un slogan, Yoonu Yokkute (la voie de la croissance), que les sénégalais tardent à voir se matérialiser.

Le seul acte mémoriel d’envergure qu’on pourra mettre sur son compte, nous le devrons aux récentes visites de François Hollande et de Barack Obama qui l’emmèneront dans leurs bagages à l’Ile de Gorée. L’importance exagérée donnée à  la célébration mensuelle de la levée du drapeau national, si elle est symbolique à un niveau interne, est une disproportionnée eu égard aux enjeux internationaux.

Alors qu’en France, par exemple, la journée des mémoires de la traite des noirs est célébrée tous les 10 mai par le Président de la République au Jardins du Luxembourg et que la commémoration de cette journée sénégalaise du tirailleur 23 aout est organisée, par exemple par la Ville de La Teste (Bordeaux) où reposent 956 soldats d’Afrique noire victimes de la Première Guerre mondiale (en présence de Ministres et responsables de l’Etat français), au Sénégal des urgences désespérément irrésolues semblent détourner l’attention de nos responsables politiques.

La principale ressource du Sénégal, c’est sa mémoire. Auraient t-ils oublié que la principale, incontournable et définitive richesse de notre pays réside dans la richesse et la qualité de ses hommes ?  Que le rayonnement international du pays tient encore et toujours au legs incommensurable des Pères de l’Indépendance (Léopold Sédar Senghor, Mamadaou Dia, Cheikh Anta Diop, etc) dont l’engagement est permanent pour une histoire africaine fière d’elle-même, une mémoire enracinée dans ses valeurs mais ouverte aux autres.

Si l’on doit se garder, à juste raison, d’auto-glorification à propos d’un héritage militaire et citoyen dont les ambiguïtés, liées à une période coloniale troublée par l’asservissement et l’instrumentalisation, sont manifestes, il reste une formidable expérience humaine et collective pour la liberté et la paix dans le monde. Et le Président Macky Sall ferait bien de s’en souvenir tant il est vrai qu’ « un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » Aimé Césaire.


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