MediaEntity (T1)

Eteignez tout ! Devenez invisible ! Renoncez à votre identité ! Le réseau s’en est emparé…

Scénario de Simon, dessin de Emilie. Public conseillé : Adultes, adolescents/ Tou puvlic / Adultes

Style : Polar Paru chez Delcourt, le 28 aout 2013 

L’histoire

La Défense, 21H. Au siège de la banque « SGC », Eric Magoni, un des meilleurs traders de Paris passe une mauvaise soirée. Il découvre sur son écran un déficit de cinq milliards d’euros, suite à des achats de Yen qu’il n’a jamais fait. Paniqué, il apprend que son collègue Jeremy le laisse tomber et que le conseil le convoque. Affolé, Magoni s’enfuit. Evitant les cerbères de la sécurité qui ont ordre de l’arrêter, il se terre dans le métro. Là, Wilhem, un vieux SDF excentrique, accompagné d’une foule de pigeons, lui demande d’effacer son « entité », de disparaitre…

Le pricnipe

Avec « MédiaEntity (T1) » Simon et Emilie nous invitent à découvrir un projet « transmédia » dont la Bande dessinée est la pierre angulaire. Projet ambitieux qui se décline de multiples façons, le premier impact visible est l’album « physique » MédiaEntity (T1). Ce tome très accrocheur, qui se rapproche dans sa construction d’un épisode de série TV, sera suivie de trois autres à parution rapprochée (tous les quatre mois).
En complément, l’album est proposé dans une version numérique, nommée « Turbo Média ». Les cases y sont découpées une par une, permettant une lecture plus « cinématographique » et séquentielle de la BD. Ce procédé n’est pas une révolution, mais propose une alternative numérique acceptable sur les plus petits supports (les portables).

Plus passionnant, l’album est complété par un cahier graphique et rédactionnel qui explique beaucoup d’éléments. Après avoir téléchargé l’application « Layar » sur son smartphone, on accède à des contenus exclusifs en « réalité augmentée ». Infos complémentaires, vidéos exclusives de type documentaire, ou adresses (mail, tél, réelles), ces précieuses informations cachées sont un vrai jeu de piste numérique ludique et addictif.

Dans les mois à venir, Simon et émilie nous ont promis d’autres amusements pour continuer à éveiller notre curiosité (jeux de piste, jeux de rôle, docufiction). A suivre donc…

Commençons par le début, l’album BD !

MédiaEntity (T1) est une BD qui m’a carrément accroché. Pourtant, Simon et émilie sont avares en explication. Plongé directement dans la vie « bousculée » d’Eric Magoni, trader de la SGC, j’ai eu du mal à comprendre ce qui lui arrive. Accusé d’avoir coulé sa banque avec des investissements ratés, tandis qu’il clame son innocence, ce n’est qu’avec les éléments complémentaires que j’ai glané dans le cahier supplémentaire (en réelle et en réalité augmentée) que j’ai compris le contexte. C’est sans doute ce manque volontaire d’information et l’obligation de s’investir pour comprendre qui rend cet album intéressant. Je ne vous en dirais pas plus pour éviter de vous « spoiler », mais sachez qu’avec un peu de volonté, la notion d’Entity et la société « MédiaEntity » n’auront plus de secrets pour vous.
Scénario ?
Construit comme une longue mise en place, ce premier tome de MédiaEntity est un « Road movie » classique. Dans cette fuite en avant, chasseurs et proie y jouent une course-poursuite très rythmée. Avec un ton contemporain et direct, Simon nous plonge la tête la première dans un système paranoïaque angoissant.
Si son héros (ou plutôt antihéros) n’est qu’une victime, il introduit d’autres personnages moins passifs et tout aussi intéressants. La femme et l’amante de Magoni, le vieux journaliste, ou Jeremy le collègue de Magoni, Simon place de nombreux personnages secondaires qui complètent intelligemment son récit hypnotique.
Simon réussi son pari. Malgré une lecture un peu trop rapide et très peu d’information distillées, j’en suis sorti comme après un épisode de 24H : un peu plus perdu qu’au début et impatient de lire le suivant pour espérer une explication.

Des thèmes très “tendance”

Avec ce premier épisode de MédiaEntity, Simon nous pose des questions actuelles. Faut-il avoir peur de l’identité numérique et quels en sont les risques ? Même si MédiaEntity n’est qu’un projet de divertissements (c’est pour rigoler, hein ?) son inspiration et son questionnement sont très actuels. Difficile de ne pas voir dans la société « MédiaEntity » un double numérique et encore plus puissant de Facebook. Simon n’est pas le seul à avoir « peur » de ces méga-sociétés au pouvoir de contrôle sur nos vies sans limite. A sa façon, critique et avec un vrai talent de conteur, il exprime fascination et rejet envers la société de l’information.

Le dessin

Emilie, la dessinatrice de la BD version papier et numérique a fait ses armes dans le dessin d’animation. Avec la réalisation de clip (« le café » du chanteur Odelaf), et de film (« Aux confins de chez moi »), elle a développé un style efficace au trait épuré et nerveux. MédiaEntity (T1) se place dans la continuité de ses travaux précédents. Cadrage cinématographique précis et clair, lisiblité maximale, cases assez vides, son dessin moderne et expressif accompagne bien le récit paranoïaque de Simon. Sans être fan de son style graphique, j’ai apprécié son dessin ultra-efficace, façon animation, rehaussé de belles ambiances colorées.

Pour résumer

Simon et émilie vous plongent la tête la première dans un polar paranoïaque et addictif. Collez aux basques d’Eric Magoni, trader accusé à tord de couler sa banque, dans un road-movie complexe, où réseaux sociaux et identité numérique semblent faussés. Porté par le dessin efficace d’émilie (dans un style « animation »), munissez-vous de votre smartphone (réalité augmentée), de vos pieds (jeux de pistes) et de vos neurones pour remettre en place une enigme éparpillée sur la toile…