L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, a remis, mardi 29 avril, au Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, et à la ministre du
logement et de la ville, Christine Boutin, son cinquième
rapport. On peut notamment y lire que le taux
de pauvreté monétaire n’a pas augmenté de manière significative depuis les constats du précédent rapport de l’Observatoire (2005-2006). Néanmoins, il ne diminue plus depuis 2002... De manière
chiffrée en peut dire qu'en 2005, 3,7 millions de personnes (6,3 % de la population totale) vivaient en dessous du seuil de pauvreté (681 euros par mois, seuil à 50%, pour une personne seule),
soit un nombre identique à celui de 2003.
Le rapport conclut aussi, comme on peut aisément l'imaginer, que la pauvreté est inégalement répartie sur
l’ensemble du territoire. Les zones particulièrement défavorisés se situeraient dans le nord et l’est, sur le pourtour
méditerranéen et dans les départements d’outre-mer.
On y lit également que l’isolement est un facteur majeur d’entrée dans la pauvreté, quel que soit l’âge de la personne
concernée. Les familles monoparentales, parmi lesquelles les femmes sont largement majoritaires en tant que chef
de famille, sont particulièrement touchées.
En fait, le véritable problème souligné par le rapport est que l'intensité de la pauvreté tend à s'aggraver. L'écart entre le niveau de vie médian des ménages pauvres et le seuil de pauvreté ne
cessant de s'accroître depuis 2002 (16,3 % en 2002 à 18,2 % 2005), de plus en plus de personnes tombent dans la précarité durable que notre système politique n'arrive pas à enrayer.
Si j'ai voulu traiter de cette question, c'est d'abord parce qu'il est très difficile de mesurer réellement la pauvreté. La mesure de la pauvreté est
en effet tributaire des définitions retenues. Une définition adoptée au niveau européen considère comme pauvres «les personnes dont les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si
faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’État dans lequel elles vivent». En France, nous utilisons une approche dite relative, c’est-à-dire liant la définition de
la pauvreté au niveau de vie propre à la société considérée. Par conséquent, dans notre pays, une personne est considérée comme pauvre au sens monétaire, si son niveau de vie est inférieur à 60% du revenu médian de la population (certaines définitions utlisent le seuil à 50% comme pour les chiffres
présentés ci-dessus). D'autres pays, comme les Etats-Unis et le Canada, privilégient une approche absolue de la pauvreté monétaire.
À titre d’exemple, un ménage composé d’un couple et de deux enfants de 14 et 8 ans, disposant d’un revenu mensuel
de 1 500 euros en 2005, sera considéré comme pauvre monétairement : en effet, son revenu corrigé de la composition du ménage est de (1 500/(1 + 0,5 + 0,5 + 0,3)) soit : 652,17
euros. Ce revenu est inférieur au seuil de pauvreté monétaire à 50 % (681 euros) comme à 60 % (817
euros).
Cela montre donc que même l'emploi protège de moins en moins contre la pauvreté. En 2003 et 2005, le phénomène des working poor (travailleurs pauvres) s'est ainsi accentué : il y a trois
ans, 1,74 million de personnes, soit 7 % des travailleurs, occupaient un emploi mais étaient malgré tout dans un ménage ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Deux ans plus tôt, ils
étaient 1,47 million...Plus de 40 % des travailleurs pauvres ont ainsi un revenu supérieur à un smic annuel mais qui, rapporté à la composition de leur ménage et en l'absence d'autres ressources,
ne permet pas de dépasser le seuil de pauvreté.
Il s'agit certainement là du plus grand échec de notre société moderne. Alors, arrêtons de parler d'heures supplémentaires et de sanctions systématiques pour les chômeurs lorsqu'une personne qui
travaille n'arrive même plus à couvrir ses besoins les plus élémentaires (logement, chauffage, nourriture,...).