Magazine Politique

Aron, PGEN, I, I, 2

Publié le 03 septembre 2013 par Egea

Dans cette deuxième section, Aron s'interroge sur "stratégie et buts de guerre". Où les objectifs militaires ne sont pas forcément les buts politiques, et où la confusion des deux peut poser de vrais troubles, soit par défaillance des politiques, soit des militaires, soit des deux.

Aron, PGEN, I, I, 2

Aron rappelle encore Clausewitz (abondamment cité dans ce premier chapitre) : "La guerre doit correspondre entièrement aux intentions politiques et la politique doit s'adapter aux moyens de guerre disponibles" (37). Prenant l'exemple du déclenchement de la guerre en 1914 et des premiers déroulements de la bataille, RA constate : "La guerre se rapprocha de sa forme absolue, dans la mesure même où les chefs d’État abdiquaient au profit des chefs d'armée et substituaient aux buts politiques, qu'ils étaient incapables de déterminer, un but strictement militaire, la destruction des armées ennemies" (38). Ainsi, l'absence de buts politiques nourrit l'escalade de la violence (sans même parler de l'escalade d'entrée dans la guerre due à des alliances devenues trop rigides, et là aussi sans but politique).

Au passage, ceci relativise la toute puissance de la phrase de Clemenceau (qui ne date pas de la guerre et évoque le "ministère de la guerre", voir billet) sur "la guerre chose trop sérieuse pour être confiée au militaires" : mais les politiques ne montrent pas systématiquement leur excellence (ni leur incompétence : pas de loi en l'espèce) en la matière...

"La substitution de l'objectif militaire -la victoire- à des objectifs de paix apparaît encore avec plus d'éclat dans la 2GM" (39). "La capitulation inconditionnelle répondait à la logique de la Guerre de Sécession".

Du coup, on en vient à penser que ces guerres "absolues" et non pas simplement totales sont plus dangereuses que les guerres limitées qu'on avait pris l'habitude de décrier. La vie de soldats vaut-elle de tomber pour des objectifs limités ? Peut-être pas, mais la guerre limitée a des objectifs limités, et donc accepte assez rapidement de cesser. Tandis que la guerre qui ne peut être légitimée que par une grande cause nécessite alors des objectifs à sa mesure. L'absolutisation de la vie humaine entraîne l'excès des buts de guerre, et donc une consommation encore plus effrénée des victimes (soldats ou civils, d'ailleurs). Autrement dit, on n'a cessé des guerres limitées que pour passer à des guerres totales, "justes et légitimes" mais bien plus sanglantes que les précédentes.

Au passage, l'époque nous réapprend la nécessité de ces guerres limitées (Bosnie, Afghanistan, Libye, Mali, - Syrie?) et on s'aperçoit à chaque fois que le politique n'y est pas à l'aise - et le militaire pas vraiment non plus.

"La guerre de Corée offre l'exemple contraire, presque pur, d'une guerre conduite à chaque instant en fonction de la politique et jamais en vue de la seule victoire militaire" (40). Au passage, si elle fut sanglante (la guerre limitée est une guerre, qui réclame son lot de sang), sa limitation a fait qu'elle n'apparaît pas, dans les registres, comme l'exemple le plus mortel.

Enfin, et voici une maxime d'actualité : "Il ne suffit pas de déterminer l'objectif, l'allié, l'ennemi pour profiter de la victoire. Mais si l'intelligence de l’État n'a pas déterminé clairement les buts, discerné la vraie nature des ennemis et des alliés, le triomphe des armes ne sera que par accident une victoire authentique, c'est-à-dire politique". (42)

O. Kempf


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Egea 3534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines