A ce propos: au lendemain de la visite de François Hollande et du président allemand Joachim Gauck à Oradour-sur-Glane, les représentants des Malgré-Nous, Alsaciens et Mosellans incorporés dans l'armée allemande suite à l'annexion de leurs territoires par le Troisième Reich en 1940, ont regretté que le Président allemand ne profite de sa présence en ce village-martyr pour exprimer clairement ses regrets quant à cette incorporation: «C’est une honte ! Il n’a eu pratiquement aucun mot pour les Alsaciens, pas un mot de repentir. C’est comme si on était des Allemands !», a déclaré René Gall, 87 ans et président délégué de l’Association des évadés et incorporés de force (ADEIF). «Il aurait dû reconnaître que l’incorporation de force était un crime de guerre», ajoute Paul Ritzenthaler, 85 ans, autre ancien Malgré-Nous (Libération, 05/09/13). Avec tout le respect que l'on doit aux Alsaciens-Mosellans en général, et à ces vieux messieurs au passé douloureux en particulier, la vérité oblige à dire qu'il faudrait, tout de même, voir à ne pas trop pousser mémé dans les orties.
Parmi les soldats de la division SS "Das Reich" qui massacrèrent de sang-froid 642 civils, hommes, femmes, enfants, en cette funeste fin de printemps 1944, se trouvaient des Alsaciens. Treize d'entre eux furent condamnés pour ce crime de guerre en 1953 - dont l'un, que la justice considéra comme ayant été particulièrement zélé, à la peine capitale - avant d'être amnistiés quelques années plus tard. Que nombre de ces Alsaciens aient, ce jour-là, préféré se trouver ailleurs (comme d'ailleurs, sans doute, certains de leurs compagnons d'armes "allemands d'origine") est plus que probable, voire certain. Il n'empêche qu'en ce 10 juin 1944, Malgré-Nous ou pas, à leur corps défendant ou non, ils se trouvaient du bon côté du fusil, du pistolet-mitrailleur ou du lance-flammes. Il faut donc admettre que se poser en victime, dans ces circonstances, est un exercice un peu capillo-tracté.D'autant que sans nier l'aspect dramatique, pour beaucoup, de l'annexion au Reich et de l'incorporation dans l'armée allemande, nul ne peut affirmer sérieusement que l'intégralité des Alsaciens-Mosellans, sans exception, vécut ces événements comme un déchirement terrible. L'attrait du fascisme voire du nazisme, en France, dans les années trente, n'était pas un phénomène marginal (cf. "Ni droite ni gauche, l'idéologie fasciste en France" de Zeev Sternhell, Gallimard): il se trouva des milliers de Français pour s'engager sous l'uniforme de la Wehrmacht puis de la SS, comme l'ancien communiste Jacques Doriot. On ne voit pas pourquoi l'Alsace, puisqu'elle était si française, aurait été épargnée par ce phénomène idéologique. Dès lors on peut raisonnablement supposer que tous les Alsaciens-Mosellans qui se retrouvèrent en uniforme feldgrau ne vécurent pas la situation comme catastrophique.

