© Hero Corp
Une fois n’est pas coutume, j’ai pris un risque. Et pour une prise de risque, c’en était une. Je veux dire, acheter les DVD sans même avoir visionné un seul épisode auparavant, sur une échelle de je-larve-sur-le-canapé à je-descends-de-la-montagne-à-poney, acheter une série en DVD sans l’avoir vue est une prise de risque plus que raisonnable. Non ? Bon. Quand bien même, je ne prends pas ce genre de risque souvent (dernièrement Mildred Pierce et Arrested Development) mais à bien y réfléchir c’est assez excitant de se lancer dans une aventure sériephilique à tâtons, aveuglée par cette envie soudaine de posséder -dans tous les sens du terme- une série inconnue. C’est un peu l’équivalent du fantasme de s’envoyer en l’air avec quelqu’un dont on ne connaît rien. La digression pointe déjà le bout de son nez…
Quelque part dans un village isolé, des habitants cachent un lourd secret, ils
sontétaient tous des super-héros…
Commençons par le début. Découverte assez tardive pour moi, Hero Corp est une série française à tendance humoristico-fantastique créée et imaginée en 2008 par Alban Lenoir et Simon Astier, le frère d’Alexandre mais pas que, même s’il est clairement difficile de faire abstraction de la ressemblance à la fois physique et vocale entre ces deux-là. D’abord diffusée sur Comédie+, la série produite par CALT (Caméra Café et Kaamelott parmi ses plus gros succès) a été renouvelée pour une saison 3, sauvée des eaux par ses fans principalement, et par l’équipe qui a cru en ce projet dès le départ. Une sorte d’OVNI de la planète série télé, tant par son histoire que par son scénario complètement loufoque et bourré de références. La saison 3 revient cet automne sur France 4, je me suis donc procurée les deux premières saisons en DVD (très beau coffret d’ailleurs, avec 3h30 de bonus) en avril dernier afin de rattraper à temps pour suivre en live.
Hero Corp raconte les histoires de super-héros vivant reclus dans un village au fin fond de la France d’aujourd’hui, après une guerre qui a fait rage dans les années 80 et à l’issue de laquelle l’agence Hero Corp fut créée. Mais ces héros-là, ceux qui habitent en Lozère (c’est dire si c’est reculée comme région, ça équivaut à la Vendée où il n’y pas d’électricité, ou encore à la Franche-comté où il n’y a pas de beurre demi-sel, reculée je vous dis !) représentent vraiment les tréfonds du super-héros : des tocards, des démissionnaires, des j’ai-plus-de-pouvoirs, bref des sous-héros… en apparence. Leur petit monde paisible est bouleversé lorsque John (Simon Astier) revient dans la contrée pour [insère ici un événement à la fois tragique et bouleversant, forcément]. Lui aussi est un super-héros sauf qu’il ne le sait pas. Bah oui, sinon, aucun intérêt. Ils vont devoir faire face au retour du super-vilain a.k.a The Lord. John va devoir sauver le monde. Rien que ça. Autant vous dire qu’ils sont plutôt très mal barrés.
Sous ses airs de série ridiculo-burlesque, Hero Corp suit en fait un schéma somme toute classique : un anti-héros qui apprend à devenir héros via l’apprentissage de son passé/héritage, le retour d’un méchant et de ses péripéties pour prendre le pouvoiiiiiiiiiiir, une bande de sidekick (amis du héros) tantôt bras cassés tantôt utiles, un ennemi caché sous les traits d’un ami, et surtout la découverte d’un monde différent, d’histoires passés, présentes et futures, d’histoire d’amour aussi [spoiler : avec la fille du grand méchant, EVIDEMMENT], d’agence mondiale, et bien d’autres choses encore. Alban Lenoir et Simon Astier l’ont même joué "international" avec une terminologie proche de celle des comics américains (les prénoms, le titre de la série, Montréal, etc.) mais aussi dans leurs références (par exemple le poster de Conan The Barbarian) et influences directes assumées.
Hero Corp jouit d’un humour second degré et même carrément improbable auquel, et je n’insisterai jamais assez sur ce point, il faut totalement adhérer au risque de ne pas comprendre voire de lever les yeux au ciel parce que c’est tout bonnement le socle de la série. L’autre qualité de Hero Corp, est justement qu’elle ne repose pas uniquement sur un humour grotesque. Avec cela à l’esprit, passé la première moitié de saison qui sert principalement à introduire John dans la communauté des super-héros, les 7 derniers épisodes prennent une autre dimension où créateurs glisseront petit à petit vers un récit plus proche du véritable enjeu commun à tous les personnages : la chute de The Lord, moyennant au passage quelques péripéties toutes aussi absurdes les unes que les autres mais toujours contrebalancées par des axes scénaristiques tournés vers l’émotion et la recherche de soi, spécialement pour John. Si au début il ne se sentait pas chez lui et a passé le premier tiers de la saison à vouloir s’en aller à tout prix de ce trou paumé où le seul événement digne d’intérêt de la journée est la rencontre de deux vaches au coin d’un brin d’herbe, c’est véritablement à la fin qu’il désire plus que tout rester, au sein de sa famille, de ses amis. Ce n’est pas si mal que cela la Lozère. Et combattre des super-méchants n’est pas une activité anodine. Il a trouvé dans toute l’absurdité dont il a été témoin quelque chose à quoi se raccrocher.
Des super-héros tournés en dérision, en voilà une idée qu’elle était bonne. Hero Corp est pour moi une très bonne surprise. Cette première saison, on le sent dès le début, se cherche encore et peine parfois a imposé son rythme, notamment parce que le peu de moyens financiers, et donc techniques, se fait lourdement ressentir (par exemple la grande majorité de l’action se déroule dans le fameux village de Lozère). Il y a eu, il faut l’avouer, quelques loupés mais vite oubliés sur l’ensemble d’une saison enthousiasmante qui, cerise sur le gâteau, s’est vue attribuer de très bonnes guest-stars (Disiz La Peste, Jonathan Lambert, ou Arnaud Tsamère, pour ne citer qu’eux). Personnellement, des super-héros qui pensent que les "civils" sont bizarres (un peu à la façon moldus/sorciers), parce qu’ils boivent leur pipi et que c’est une bonne raison pour leur balancer des œufs dans la tronche tous les matins, ça me fait étrangement pouffer de rire, tout comme le super-héros qui se nomme « Captain Shampooing ». Et pas uniquement pour son côté loufoque et décalé mais aussi parce que sous ces dialogues rocambolesques et bruts se cachent bien souvent des critiques inhérentes au commun des mortels.