Magazine

Décès de Bal Thackeray : éloge d'un extrémiste

Publié le 19 novembre 2012 par Dopalruka @DoPalRuka
Le leader d'extrême droite hindoue Bal Thackeray est décédé le 17 novembre à Mumbai à l'âge de 86 ans. A travers les hommages qui lui ont été rendus, cet homme politique radical est soudain devenu respectable.
Décès de Bal Thackeray : éloge d'un extrémiste

Aux dernières heures de Bal Thackeray, et à l'annonce de sa mort, 2 millions de personnes se sont réunies autour de sa demeure. Mumbai s'est arrêtée de travailler et de vivre pour se tourner vers cette figure de l'extrême droite hindoue, ultra populaire dans la capitale du Maharashtra et dans tout l'Etat. Les stars de Bollywood se sont précipitées à son chevet. Les hommes politiques de tous bords, jusqu'au premier ministre Manmohan Singh, ont exprimé leurs condoléances et rappelé l'importance de Thackeray sur la scène politique indienne et pour les habitants du Maharashtra. Sa crémation publique a bénéficié des honneurs nationaux et de ceux de toutes les chaînes de télévision. Un vibrant hommage qui ferait presque oublier son discours de haine et la peur qu'il faisait naître à Mumbai en déchaînant ses « boys» pour faire régner sa loi. En réalité, ce sont ces hommes de main, membres de son parti Shiv Sena - qui a gouverné dans la région avec le BJP dans les années 1990 - qui ont ordonné à tous de fermer boutique et de cesser leurs activités en signe de respect pour leur leader.Au premier rang des cibles de Thackeray, les musulmans. En 1992, il a encouragé et aurait participé à la destruction de la mosquée Babri dans la ville d'Ayodhya par une foule de fidèles hindous et aux émeutes intercommunautaires qui ont suivi. Même s'il a montré un changement de point de vue dans une interview en 1998, il avait alors écrit un éditorial incendiaire intitulé « Vers Ayodhya » dans les colonnes de Saamna, le journal de son parti Shiv Sena. Il y incitait les hindous à se joindre à ce déchaînement de violence. 

Mais si les médias internationaux, à l'image de l'agence de presse AP, titrent sur la mort d'un « extrémiste hindou », les journalistes indiens évitent les adjectifs et les noms qui pourraient fâcher ses millions de supporters. Soudain, son appel de 2002 à la création d'escouades terroristes pour contrer les islamistes semble s'effacer des colonnes des journaux. «  Le terrorisme islamiste augmente et le terrorisme hindou est la seule manière de le contrer », avait-il pourtant clairement affirmé.  

«"Le tigre", "Le plus grand des leaders politiques", le "meneur des cœurs  : aperçus de l'analyse critique de la vie de Bal Thackeray à la télé en ce moment », ironise amèrement le journaliste Raheel Khursheed sur Twitter. Dans des éditoriaux compatissants, les médias décrivent l'homme extraordinaire qu'il était. Sanjoy Jog salue dans le Business Standard « un savant et une personne profondément religieuse, un leader perturbateur, un orateur énergique et surtout un homme des masses » avec un « indomptable esprit combatif ». The Hindu euphémise et titre sur « un leader qui a apporté la politique ethnique dans le melting-pot de Mumbai »
Décès de Bal Thackeray : éloge d'un extrémiste
Soudain, c'est comme si on lui pardonnait sa diatribe contre les immigrants du Bihar, de l'Uttar Pradesh et du Sud de l'Inde qui s’accapareraient le travail des Mumbaikars. Selon les mots deSreenivasan Jain sur le site de NDTV, Bal Thackeray est pourtant l'homme qui a « injecté une culture d'intolérance dans les veines de la ville la plus tolérante d'Inde ». Sur Twitter, certains observateurs critiquent le fait que Bal Thackeray soit subitement devenu un homme politiquement correct : « Donc juste parce qu'il est mort, aduler un politicien très communautaire et étroit d'esprit est acceptable? » demande Raheel Khursheed. « Il a fallu moins de 24h après sa mort pour que Thackeray et son parti politique soient "rachetés" aux yeux des chaînes de télévision. Incroyable. », commente Ammu Kannampilly, correspondante de l'AFP.
Ses positions et ses actes contre les musulmans et les minorités ne sont bien sûr pas omis par les journalistes mais sont souvent réduits à un sens de la provocation et à son dévouement pour les hindous. Il n'est jamais clairement condamné, ses parts d'ombres toujours contrebalancées par ses qualités de leader et son extraordinaire stature. Est-ce le sentiment de terreur que savait inspirer le « Tigre » qui continue de dominer les esprits?

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dopalruka 105 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte