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Mildred Pierce (2011) : femmes de la Grande Dépression

Publié le 08 septembre 2013 par Jfcd @enseriestv

Mildred Pierce est une minisérie de cinq épisodes réalisée par Todd Haynes, diffusée en 2011 sur les ondes de HBO aux États-Unis et depuis le 7 septembre à Radio-Canada. L’action débute en 1931 en Californie alors qu’un couple est en pleine querelle. Les économies de Bert Pierce (Brìan F. O’Byrne)  ont fondu comme neige depuis le crash boursier et celui-ci s’éloigne de plus en plus du foyer pour passer du temps avec sa maîtresse. Son épouse Mildred (Kate Winslet) n’en peut plus et le l’expulse du domicile conjugal. Forcée de subvenir aux besoins de ses deux filles, Veda (Morgan Turner et plus tard Evan Rachel Wood) et Ray (Quinn McColgan), cette femme monoparentale travaillera d’abord comme serveuse, puis ouvrira plusieurs restaurants. Malgré tous ses accomplissements, ce sont ses relations houleuses avec Veda qui prendront le devant de la scène. Adaptation du roman de 1941 de James M. Cain, Mildred Pierce est un drame touchant qui rend à sa façon hommage aux femmes qui ont dû passer à travers une des pires dépressions économiques de l’histoire des États-Unis.

Mildred Pierce (2011) : femmes de la Grande Dépression

Orgueil et nécessité

De 1930 à 1933, le taux de chômage aux États-Unis est passé de 9 à 24,9 %. Mildred, mère de deux filles de respectivement 11 et 7 ans, n’a d’autre choix que de se trouver un travail. Cependant, la vie commune avec son mari l’avait habitué à une certaine aisance, et ce, jusqu’à ce qu’il fasse faillite et qu’il ne l’abandonne. Bien que Mildred n’ait jamais travaillé de sa vie, elle garde tout de même un certain orgueil qui lui joue des tours. Ainsi, elle a le « privilège » d’être sommée pour une entrevue afin de devenir gouvernante dans une maison de Beverly Hills. Devant la façon hautaine dont elle est abordée par la maîtresse de maison, elle n’hésite pas à refuser l’offre, quitte à se trouver un emploi de serveuse dans un petit restaurant. C’est à cet endroit qu’elle fera connaître ses talents de cuisinière en vendant des tartes, et de fil en aiguille, elle fera preuve d’assez de volonté et saura se servir de ses contacts pour ouvrir son propre restaurant. Le succès sera tel, qu’elle pourrait en ouvrir d’autres.

Si du point de vue professionnel, Mildred semble être né sous une bonne étoile, il en va tout autrement de sa vie personnelle. La malchance la touche dans un premier temps lorsque Ray, sa plus jeune fille, succombe à la suite d’une maladie fulgurante. Elle place désormais tous ses espoirs en Veda, la comblant de cadeaux et d’affection, laquelle ne le lui rend pas. D’un égoïsme sans bornes, sa mère n’en fait jamais assez et à plusieurs reprises, elle lui fait sentir son mépris. Sa vie sentimentale ne va guère mieux. Un jour au restaurant, elle rencontre Monty Beragon (Guy Pierce), un homme nanti dont la fortune est à faire pâlir. Mais tout comme Bert, il subira les contrecoups de la crise économique et c’est Mildred qui lui viendra en aide financièrement. Ce nouvel équilibre créera bien vite des tensions au sein du couple : après tout, une femme d’affaires prospère dans les années 30, ça en dérangerait plus d’un…

Mildred Pierce (2011) : femmes de la Grande Dépression

La mère et la star

Si des années 30, on retient davantage la misère, le chômage et l’avant-guerre, à l’inverse on les associe aussi au cinéma. Les gens, désœuvrés,  cherchaient à s’évader de leur quotidien maussade; à rêver et le meilleur endroit était dans une salle de projection. C’est ainsi qu’à partir de cette période, on parle de l’Âge d’or du cinéma. D’ailleurs, c’est dans ces années que des acteurs tels John Wayne, Cary Grant ou Katharine Hepburn ont fait leurs premières armes et ceux-là même figurent aujourd’hui au panthéon des stars. L’industrie du cinéma était si lucrative qu’en 1942, l’actrice Bette Davis, déjà récipiendaire de deux oscars, était la femme la mieux payée des États-Unis. C’est peu dire.

Dans Mildred Pierce, Veda est l’incarnation de cet univers. Égoïste, narcissique et hautaine, elle rabaisse à plusieurs reprises sa mère, notamment lorsqu’elle apprend qu’elle est serveuse. Dans un premier temps, elle aspire à devenir une grande pianiste. Quand plusieurs professionnels la découragent d’aller dans cette voie, elle décide plutôt de se tourner vers le chant et deviendra  une soprano colorature adulée.

Quand on compare le destin pour le moins extraordinaire des deux femmes, plus on s’attache à Mildred, plus on déteste Veda. C’est à force d’acharnement et de persévérance que la mère gagne ses galons. La fille, bien qu’elle chante de façon divine, doit entre autres sa notoriété à son physique et son attitude faussement ingénue. En ce sens, elle est comparable à l’idée que l’on se fait des divas du cinéma. Dans sa critique de la série, Benjamin Campion dit du réalisateur qu’il porte :« un regard mêlant fascination et dégoût sur l’âge d’or hollywoodien, où les travers et caprices des stars étaient couverts par leur statut d’icônes.»  Dans Mildred Pierce, c’est cette dualité entre la mère et la fille qui retient d’abord l’attention. On est indigné par la bonasserie de Mildred à l’égard de Veda, mais en même temps, il est fascinant de voir cette dernière faire preuve de tant de cruauté. Plaisir coupable.

Kate Winslet & Joan Crawford

La minisérie vaut définitivement le coup d’œil. Reconstitution de décors et de costumes d’époque, musiques aux empreintes de jazz et de swing; rien n’a été laissé au hasard dans cette superproduction. Le personnage de Mildred Pierce a quelque chose d’extrêmement poignant qui a valu à son interprète, Kate Winslet, de remporter un Golden Globe en 2012 pour sa performance. D’ailleurs, l’histoire s’est répétée puisqu’en 1945, c’est l’actrice Joan Crawford qui a remportait un Oscar pour le même rôle.




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