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Pour sonner les 3 coups, il en faut d'abord 2

Publié le 09 septembre 2013 par Egea
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Cette affaire syrienne qui n'est plus syrienne, mais "l'affaire" de la rentrée, ne cesse de nous apporter des rebondissements. On se croirait à un match de foot disputé, où chaque équipe marque un but à tour de rôle, et maintient le suspense jusqu'à la fin du match. Voici donc deux beaux coups, bien tordus, qui viennent d'être joués. Malgré tout ce qu'on dit de la médiocrité des gouvernants, ils ont des équipes qui peuvent avoir du talent.

Pour sonner les 3 coups, il en faut d'abord 2
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Premier coup

Angéla s'en retournait chez elle, par l'avion, d'un G20 à Saint-Pétersbourg. Elle paraissait assez satisfaite d'avoir maintenu une ambiguïté non constructive, puisque le sommet n'avait débouché sur rien. C'est du moins ce qu'elle croyait, jusqu'à l'atterrissage à Berlin. En effet, elle était partie trop tôt, et découvrait un communiqué où 11 des 20 pays du G 20 dénonçaient l'usage d'armes chimiques, considéraient le régime syrien comme responsable et appelaient à une réponse internationale "forte". Forte ? forte !

Et outre les États-Unis, la France et la Turquie, il y avait aussi la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Espagne. Autrement dit, tous les grands pays européens. Tous, sauf l'Allemagne. Pourtant, la France paraissait avoir été neutralisée, elle qui s’était ménagé une porte de sortie en annonçant qu'elle attendrait le rapport des inspecteurs avant de prendre sa décision. Avec un peu de pot, On pourrait enterrer tranquillement cette histoire. Et voilà qu'Obama faisait de la "diplomatie par derrière". Par derrière qui ? Berlin.

Du coup, le lendemain, à Vilnius, lors du sommet européen, c'est un communiqué unanime qui est signé. Autrement dit, Mme Merkel s'est fait tordre le bras, comme l'explique très bien le Spiegel (en anglais), ce qui fait l'aubaine de l'opposition, à dix jours des élections.

ON voit dès lors la tactique d'Obama : puisqu'on n'aura pas de résolution au CSNU, on va trouver une légitimité de remplacement, avec un soutien de la ligue arabe, un soutien du G20, un soutien de l'UE et, mécaniquement (et à venir) un soutien de l’Alliance atlantique). Soutien sans participation, mais suffisant pour justifier la coalition of the willing. La politique est un sport cruel. Même la politique internationale. Et puis il y avait le front intérieur, celui de convaincre le Congrès, grâce à l'interview prévu pour cette nuit devant les six grandes chaines de télé.

Tant pis pour les conséquences : d'une part, l'Allemagne va se souvenir de ces pays latins dont la situation financière n'est pas flamboyante, Italie et Espagne. Car même si "la crise de l'euro est finie", elle ne l'est pas tout à fait. D'autre part, on pousse un peu plus l'Allemagne dans les bras de la Russie. Mc Kinder nous expliquait que le "pivot" ne devait pas basculer vers le heartland... vieille grille d’explication, me direz vous. Certes.

C'est alors que vint le deuxième coup.

Splendidement joué par les Russes, avec un art du timing (juste avant la conférence d'Obama, juste après Vilnius) et du contre pied ! de la belle ouvrage. Donc, Vladimir que tout le monde se complaît à dévaloriser au motif qu'il a l'air vulgaire (on peut être vulgaire de mœurs, et fin manœuvrier), Vladimir fait cette superbe proposition, reprenant une suggestion faite par Kerry : placer les armes chimiques de la Syrie sous contrôle international. Approbation immédiate du ministre syrien des affaires étrangères. Et la France qui juge recevable la proposition russe, et l'Allemagne qui la trouve intéressante.

Alors que tout le monde ne cesse d'appeler "à une solution diplomatique", voici une porte de sortie qui arrange tout le monde : les pacifistes européens qui ne veulent pas y aller. Les faucons qui se rendent compte que l'opinion publique ne suit pas. Les ceusses qui ont dit qu'ils iraient et qui se trouvent fort embarrassés quand la brise fut venue. Les médias qui se sont rendus compte qu'ils ont embrayés au début de l'affaire sur de l'émotion frelatée et qui trouveront là un moyen de s'en sortir. Les Nations-Unies qui retrouvent une sorte de légitimité puisque le contrôle international se déroulera sous leurs auspices. La Syrie qui échappe aux frappes. Et la Russie qui apparait comme le grand pacificateur, et n'est plus le grand méchant loup que le "narrative" en vogue désignait comme le monsieur véto empêchant de sanctionner en rond. Comment voulez vous que "l’Occident" n'accepte pas ?

Splendide, vous dis-je. Et si ça marche, je vous mets mon billet que les prochaines attaques chimiques qui auront lieu seront toutes faites avec du gaz trafiqué monté sur des roquettes artisanales (pas forcément nouveau). Et là, le régime pourra dire : "c'est pas moi". Enfin, comme il y aura des Russes dans chaque équipe de contrôle, on ne pourra étendre les sanctions ce qui pérennisera le régime en place, lui laissant le champ libre pour attaquer sur les positions qu'il ne contrôle pas (et où, par construction, il n'y a pas de stocks d'armes chimiques). Autrement dit, ce dispositif international fiabilisera les positions de Bachar Assad, pas celles d'en face.

Je vous ai parlé hier d'un jeu de go : là, c'est un superbe coup d'échec.

J'attends avec impatience la suite du spectacle... Le troisième coup va-t-il être frappé ?

Bizarre, toutefois, ce spectacle qui se déroule avant les trois coups...

O. Kempf


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