Deadline

Tu vois la rambarde, là, qui forme une ligne ? Ça, mon pote, c’est la deadline ! Le doigt de Dieu…

Scénario de Laurent Frédéric Bollée, dessin de Christian Rossi, Public conseillé : Adultes et adolescents

L’histoire

Hartsville, Tenessee, décembre 1901. Après une hésitation, un étranger traverse la rue, sonne à une porte, assomme la vieille servante qui lui ouvre et se jette sur un vieillard. Il vient de tuer John C. lester 67 ans, ancien officier de l’infanterie (sudiste) et un des fondateurs du Ku Klux Klan.
Géorgie, août 1864. 17 ans à peine, le jeune Louis Paugham, engagé de force dans l’armée sudiste prend son poste au camp d’Andersonville où des milliers de soldats de l’union croupissent. Devant l’avancée des troupes nordistes, il participe au déplacement des prisonniers par petits groupes. Dans le lot des hommes qu’il surveille, un noir, aussi farouche que beau le fascine…

Coup de poing !

C’est une grande année pour Laurent-Frédéric Bollée, qui signe coup sur coup « Terra Australis » (une BD documentaire remarquée sur la naissance de l’Australie, « Deadline » avec Christian Rossi et le nouveau « XIII Mystery 6-Billy Stockton » à paraître en octobre 2013)
Avec Christian Rossi au dessin, il nous offre un Western « coup de poing » lent et émouvant, qui nous prend à la gorge. Encrée dans la guerre de Sécession, c’est un drame émouvant dans lequel Laurent-Frédéric nous raconte la vie (difficile) de son personnage principal « Louis Paugham ». En commençant par la fin (l’assassinat du vieux capitaine Lester), il déroule habilement les tranches de vie de cet homme brisé, sans porter de jugement, pour nous permettre de comprendre ce geste.

Un face-à-face !

Western moderne et particulier, (la référence au « Secret de Brokeback mountain » s’impose), Laurent-Frédéric nous rend témoins d’une relation forte entre un soldat et un prisonnier. Fasciné par ce prisonnier noir dont on ignore jusqu’au nom, Louis, le jeune soldat sudiste enrôlé de force, glisse tout doucement vers un sentiment profond.
Cet homme noir inconnu, charismatique et beau, Louis éprouve pour lui un amour total et sans concession.
Plus que de traiter d’homosexualité, Bollé choisit de traiter d’amour au sens large. Louis n’est pas incapable d’aimer des femmes, mais visiblement et inexorablement, il tombe amoureux de cet homme là. Présenté ainsi, il est difficile de ne pas accepter ce sentiment. En écho à nos débats de société (le mariage pour tous), Laurent-Frédéric Bollé affirme haut et fort que cet amour est naturel et légitime !

Qui d’autre ?

Si le prisonnier noir inconnu dont s’éprend Louis reste un mystère, Laurent-Frédéric développe un autre personnage particulièrement intéressant avec le père adoptif de Louis (Philip Paugham). Cet homme cultivé et ouvert, qui prêche l’abolition de l’esclavage se voit imposer un rôle paternel. L’acceptant par bonté, ou par devoir, il refuse à son enfant la liberté qu’il imagine pour les autres. Pleins de contradictions et de doutes, c’est un homme capable des pires erreurs.

Un thème universel ?

Western dramatique, “Deadline” aborde des questions existentielles. Lorsque nous sommes confrontés à des choix de vie, submergés de doutes, indécis face aux bonnes mœurs de la société, comment réagissons-nous ? Qu’est ce qui définit un homme ? Franchir la Deadline (la ligne “socialement’ interdite) ou rester sagement dans son coin ?

Le contexte historique

Laurent-Frédéric Bollée apporte un soin tout particulier au contexte. « Deadline » s’inscrit durablement dans la guerre de sécession. Pour Louis, c’est l’arrière-plan de sa vie, qui caractérise son enfance (la montée de la haine), qui le définit en tant qu’homme (l’amour de sa vie) et qui le poursuit tout au long de sa vie d’errance.
De plus, en intégrant à son récit des vérités historiques (les noms et les dates de mort des fondateurs du Ku Klux Klan), Laurent-Frédéric entretient un doute qui ancre son récit dans la véracité…

Le dessin

On ne présente plus Christian Rossi. Grand monsieur de la Bande Dessinée (W.E.S.T, Tirésias, Jim Cutlass, La gloire d’Héra, Le cycle des deux horizons…) il nous offre un dessin solaire et écrasant. Son trait classique aux couleurs chaudes s »exprime dans de grandes cases où hommes et décors semblent perdus. Sud sauvage, dur, brutal, il croque attitudes corporelles et expressions avec réalisme et précision. Tantôt très détaillés, tantôt épurés jusqu’à l’extrême, ses décors immergent les personnages dans une ambiance pesante et palpable.
Pas de doute, avec Deadline, Christian Rossi signe un album graphique qui fait date parmi les top de l’année. Ne ratez pas ces 80 pages de pur dessin !

Pour résumer

L. F. Bollé et Rossi inventent un Western moderne dans le ton et les thèmes. Récit d’une vie, amour entre hommes et questionnement universel, ils nous rendent témoins d’une aventure dramatique dans un monde dur et brutal (la guerre de sécession). Magnifié par le dessin solaire de Rossi, Deadline redéfinit la BD Western et vous attend pour une claque magistrale !