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Théâtre : Quand les mémoires s’entrechoquent

Publié le 10 septembre 2013 par Thierry Gil @daubagnealalune

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La guerre d’Algérie en toile de fond d’une partie de pétanque samedi sur le terrain des Castors

Yvan Audouard, grand conteur du Sud, a dit du jeu de boules qu’il était à la Provence ce que le théâtre de Delphes était à la Grèce antique : un lieu de tragédie. Tout comme l’acteur, le joueur de boules s’appuie sur la présence du public, simples badauds intéressés par le jeu ou plus secrètement par la relation entre les différents protagonistes, et s’en nourrit. C’est sur cette scène, un terrain de boules classique, que se joue « Les Pieds Tanqués », une pièce de la compagnie varoise Artscénium. Créée en 2012 à l’occasion du 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, elle met en scène quatre personnages dans une partie de boules au cours de laquelle la parole va se libérer et raviver la mémoire d’une période de notre histoire qui a encore des répercussions sur notre quotidien aujourd’hui. Il y a là quatre français d’origines différentes : un rapatrié d’Algérie, un provençal « pure souche », un immigré de la seconde génération et un Francilien fraîchement débarqué. Ils s’opposent, se liguent, livrent leur vérité, mais chacun a à cœur de finir le jeu, sur ce terrain qui les unit au-delà de tout.

Pour l’auteur et metteur en scène passionné d’histoire, Philippe Chuyen, « les Pieds Tanqués » est plus qu’une simple « pagnolade », c’est un moment de théâtre pour avant tout raconter une histoire et exprimer des idées, des sentiments : « Je pense depuis longtemps que le théâtre peut dans le domaine historique se faire le médiateur efficace d’un travail de mémoire, explique t-il. Et ceci, je le précise, non pas pour le seul plaisir d’invoquer l’Histoire mais afin de servir le présent, sans désir de polémique ni mise en accusation ou construction d’un discours culpabilisateur ». Si la guerre d’Algérie est un épisode de notre Histoire recouvert encore de nos jours d’un voile pudique, elle constitue pourtant un moment crucial du basculement de la France dans l’époque moderne et elle traîne encore ses vieux démons. Pour Philippe Chuyen, il faut tenter par tous les moyens de comprendre et rompre avec cela, de donner l’occasion aux gens de regarder leur passé en face, de libérer la parole. Lui a choisit d’agir par le théâtre comme d’autres le font avec l’étude scientifique, le documentaire, le cinéma ou le roman.

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La Pièce de Philippe Chuyen évite la caricature et livre un propos fort en nous propulsant dans les suites de cette guerre d’Algérie qui n’en finit pas de cicatriser (photo : Julien Anselme)

Primée au festival Off d’Avignon en 2012, la pièce est servie par quatre comédiens formidables parmi lesquels l’auteur et metteur en scène Philippe Chuyen. A ses côtés il y a Gérard Dubouche qui enchaîne les rôles au théâtre, à la télévision et au cinéma. Il est notamment l’un des « Collègues » du film de Philippe Dajoux aux côtés de Patrick Bosso ; un routier dépressif dans « La Grande Vie » avec Michel Boujenah ; le plombier Batavia, bête et raciste, dans « Travail d’Arabe » de Christian Philibert. Complice également le comédien Thierry Paul qui a débuté au théâtre dans les années 80 et qui a tourné lui aussi pour le cinéma et la télévision. Et enfin, Sofiane Belmouden, découvert dans la série « Plus belle la Vie » dans le rôle de l’avocat Malik Nassri,  qui est passé à la réalisation avec un premier film, « Moussa », court-métrage sélectionné en 2010 au festival international du film d’Aubagne. Aux côtés des acteurs, le musicien Jean-Louis Todisco et son accordéon ajoute une note sensible à cette partie de pétanque en servant d’intermède entre les différentes scènes.

Samedi 14 septembre à 17h au terrain de boules des Castors (sous la Médiathèque Marcel-Pagnol). Spectacle gratuit.


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