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Hier

Publié le 11 septembre 2013 par Gentlemanw

Aujourd'hui elle regarde par la fenêtre, le temps est à la pluie, une fin d'été qui embrasse déjà l'automne. Les gouttes sur cette vitre, le jardin, les meubles à l'intérieur, rien n'a changé depuis plus de trente ans. Il est rare, peut-être pas finalement quand on veillit, de voir des souvenirs vivants, présents du moins. Dans les générations nouvelles, on change de meubles, de vie, de mode, de mari. Mais quand on a atteint la soixantaine, la retraite, parfois et surtout pour les plus âgés, le temps s'arrête, on garde la nostalgie près de soi, par manque d'argent, surtout par une envie profonde, silencieuse de conserver cette vie si belle qui est derrière nous.

Papy était parti depuis plus de vingt cinq ans, le jardin était enretenu par un voisin et ami, un peu de causette, des gâteaux sur la terrasse, des légumes partagés par moitié entre retraités, et puis le plaisir de sa parler de tout, de rien. Les petits services, une présence pour Mamy.

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Elle range les affaires, pas convaincue, mais c'est fini, elle est partie aussi. Personne ne viendra plus faire du tricot près de la cheminée, les bûches attendent, l'odeur de cette pièce ne semble pas avoir changé depuis trente ans. La pipe du papy est encore là, un souvenir de lui, des photos de la famille, des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants, de tous. Les vivants et les morts, immortalisés ici à tous les âges, dans près d'un siècle de vie.

Le bahut du salon contient tout, des boîtes anciennes à gâteaux, ceux de son enfance, les liqueurs en bas, les assiettes du dimanche au centre. Elle sourit, elle pose les albums de photos, les liens de toute une vie. Avant on ne faisait pas des intagrams flous sur rien et surtout sur rien, on prenait la pause, on était raide, on attendait le flash ou le signe pour sortir de l'état figé. Il y a peu, mais elle voyage dans le temps.

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Années 20, 30, 40, 50, 60, les années de vie, d'enfance, d'adultes et de guerre, de souffrances et de nouveaux départs, elle suit le parcours, les petits mots notés par Mamy sous les clichés, des instants qu'elle n'avait jamais vu. Des têtes inconnues, un frère avant la guerre, plus ensuite, où est-il passé ? Là, d'autres photos jaunies, un grand-père usé, bouffi par l'alcool, casseur de pierre pour fabriquer des pavés pour les rues de Paris, puis pour le Sacré-coeur, la seule fois où il avait été à la Capitale. Un forçat du froid en hiver, du chaud en été, du caillou plus que dur. Il est là, souriant la casquette sur les genoux, l'oeil froid. Elle voit sa mère, les rues après la Libération, des instants de l'histoire qui parraissent si loin, pour d'autres même, et soudain la famille est là, toute entière et silencieuse. 

Les pages se tournent, elles défilent. Les évolutions, les mariages, les enfants, les photos couleurs, les jupes qui grandissent ou rapetissent suivant les années, les décennies. Les photos de classe. Tout est là. Véritables souvenirs de papier , et bien plus de morceaux choisis, d'une vie, de plusieurs vie, d'une famille.

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Une larme, des fantômes, la pluie sur la vitre coule doucement.

Nylonement


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