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Les chiens aboient....

Publié le 11 septembre 2013 par Egea
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  • SYrie

La réaction française à la proposition russe a frappé par sa dureté, et par son résultat négatif. Certains l'ont trouvée "habile". Cela mérite, au moins, discussion.

Les chiens aboient....
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Au début, Blair avait été surnommé le "caniche" de Bush. L'expression était restée dans les cerveaux britanniques, au point que D. Cameron a été victime d'un vote sanction de T. Blair qui avait quitté le pouvoir il y a plusieurs années ! Du coup, certains nationalistes anglais se laissaient aller à leur déconvenue : puisque Albion n’était plus le meilleur allié du grand large, ce serait à ces rosbeefs d’être, à leur tour, traités de caniches. A quelque chose, malheur est bon.

Pas de chance, Paris jouait plutôt le rôle du Bouledogue, celui qui aboie tout le temps et que son maître a du mal à tenir en laisse. C'est du moins ce que certains se plaisaient à croire, sur les bords de la Seine (sur les quais de Paris, comme dit la chanson).

Ivresse française de la puissance ? Depuis qu'on a réussi la Libye et le Mali (deux opérations que j'ai soutenues, souvenez-vous, ce qui m'autorise, je pense, à manifester une once de distance aujourd'hui), voici pourtant que nous apparaissons comme des va-t-en-guerre. La réaction FR à la proposition russe avec ce projet de résolution ultra maximaliste à l'ONU montrait surtout notre dépit d'avoir été dupé. Cela a été rejeté, bien sûr, et surtout fait apparaître à quel point nous sommes non le caniche, non le bouledogue, mais le roquet aboyeur de Washington : cela me fait penser à ces vieilles dames embarrassées de voir leur petit chien aboyer comme un fou et déranger tout le monde, surtout quand en face il y a un gros chien qui lui reste bien élevé même s'il n'a qu'une envie, aller donner un coup de croc à ce petit malotru qui l'asticote. Les roquets sont arrogants, c'est une caractéristique qu'on prête souvent aux français, allez savoir pourquoi.

Du coup, voulant être à la pointe du camp du bien, Paris est toujours décalé par rapport aux intentions américaines. Plus que du suivisme, c'est du strabisme divergent. Ce doit être ce qu'on appelle l'indépendance, je présume. Résultat, après l'attitude tonitruante, nous voici isolés, les Américains ne nous ayant pas suivis. L'avant-garde, cela amène souvent à l'isolement. Voire à la perdition.

Voici quelles étaient, ce jour, mes réactions initiales à l'attitude radicale de la diplomatie française. Et puis right or wrong, my country, je me suis dit qu'il y avait, peut-être, un peu de subtilité. Et que même si les déclarations du ministre paraissaient incroyablement sincères (quel talent), il y avait peut-être une pincée de surjoué ? Y aurait-il calcul ? Faut-il y voir un deuxième degré ? Vous voyez bien que je ne suis pas totalement critique et que je peux même prêter des capacités de manipulation....

Supposons donc que ce ne soit pas sincère, et que le ministre n'ait pas été parfaitement en ligne avec sa ligne ultra maximaliste qu'il tient depuis de longs mois sur la crise syrienne. Ou plutôt que bénéficiant justement de cette "posture", il s'en soit servi, utilement. Dans ce cas, la proposition française aurait eu pour seul but de faire redescendre de son Olympe la diplomatie russe, qui venait de montrer qu'elle jouait bien aux échecs, et surtout qu'elle maîtrisait l'art de l'enfumage.

Pour cela, il fallait provoquer une sorte de véto, pour "montrer" et démontrer que la Russie n'était pas aussi pacifique qu'elle le prétendait : d'où cette incroyable proposition de résolution, assortie de conditions toutes plus énormes les unes que les autres, et notamment le placement sous chapitre VII avec menaces ouvertes d'aller plus loin si jamais des fois que vous froncez les sourcils, et en plus l'inclusion d'un passage devant la CPI des responsables. C'était tellement énorme, grossier, vulgaire que bien évidemment, personne ne pouvait croire que les Russes accepteraient. Effectivement, ils ne l'ont pas accepté. On ne s'est même pas réuni, on n'a même pas écouté les uns et les autres, on n'a bien sûr pas voté, on est directement passé à autre chose.

Mais au moins les avait-on agacé, mis en colère, et montré qu'ils ne voulaient pas vraiment "sortir de la crise". Ce n'était pas très fin, c'était tordu et au deuxième degré, c'était une "manœuvre diplomatique" ou plus exactement un coup tactique. Au fond, on jouait au fox-terrier (non, je n'ai pas dit Fox-TV), ce chien de chasse qu'on envoie débusquer le gibier là où il s'est caché, afin de permettre au chasseur de mieux le tirer. Chacun son rôle, n'est-ce pas ?

Comme souvent, les deux explications sont compatibles. La deuxième a l'avantage d'avoir une certaine intelligence, ce qui permet de flatter l'honneur national. Ne pas désespérer du quai. On dira alors qu'il n'y a pas de différence avec Washington, et que ce coup a été minutieusement réglé , chacun jouant son rôle dans la comédie.

Et au fond, ce n'est pas très grave si quand les Français veulent parler aux Russes, ceux-ci répondent aux Américains, puisque MM Kerry et Lavrov ont décidé de se rencontrer demain, entre grandes personnes. Les chiens aboient, .... vous connaissez le proverbe.

PS : On apprend mercredi que Damas est prêt à signer le traité sur les armes chimiques. Donc, il ne l'avait pas signé. Donc, il n'était pas lié par lui. Donc, il ne l'avait pas violé. Donc, il n'a pas rompu la "légalité internationale" puisqu'il n'y était pas tenu. J'entends les arguments d ceux qui disent "avec leur proposition, les Russes et les Syriens ont donc reconnu que Damas avait un arsenal chimique". Je ne savais pas qu'ils le niaient, mais j'accepte en revanche la conclusion qui est tirée. Mais du coup, qu'on admette en retour que cette reconnaissance de la convention sur les armes chimiques a une portée qui va au-delà du symbole.


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