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Alliance défensive

Publié le 13 septembre 2013 par Egea
  • Alliances

Un peu de jus de crane, sur les objectifs des alliances. Elles servent, d'abord, à se défendre. Pas qu'à cela. Mais d'abord à cela.

Alliance défensive
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Pour toute collectivité politique, la première démarche stratégique consiste d’abord à se défendre. La frontière (linéaire ou étendue) limite le territoire qui est le lieu de la souveraineté. Or, cette frontière marque la différence entre soi et l’autre, ou plus exactement « les autres ». Sauf à être enclavée (situation exceptionnelle et peu durable ), toute entité a au moins deux voisins et souvent plusieurs. Son évaluation du rapport de force va la conduire à s’allier avec un au moins de ses voisins contre un autre au moins de ses voisins. Ici, l’alliance défensive est source de liberté : en se liant, on se libère de la contrainte. C’est d’ailleurs la recherche de cette garantie ultime de perpétuation qui explique le paradoxe stratégique de l’alliance, qui peut apparaître comme une restriction de souveraineté. Mais ce qu’on y gagne dépasse ce qu’on y perd.

En effet, dans la configuration primitive, les objectifs sont d’abord territoriaux. Il s’agit d’alléger la défense d’une partie de ses frontières (celles limitrophes à l’allié) pour renforcer une autre partie (celle limitrophe à l’adversaire potentiel), face à la direction jugée la plus dangereuse. Il y a ainsi spatialisation de l’alliance.

Ce schéma de principe peut bien sûr être raffiné : chaque entité peut choisir des alliances permanentes ou circonstancielles, des alliances formelles ou tacites, des alliances indirectes ou de revers, … Pour ce dernier cas, l’exemple le plus saisissant est l’alliance nouée par François Ier avec le sultan ottoman, afin de contourner l’empire des Habsbourg. A l’époque, cette alliance avec le diable avait scandalisé les esprits européens, qui y avaient vu une menace contre la chrétienté. Mais pour la France, alors encerclée, c’était le seul moyen de desserrer l’étau impérial. L’histoire abonde de ces exemples d’alliance défensive.

Ce mécanisme simple suppose que chacun fasse exactement le même type d’effort avec les mêmes capacités. La chose était aisée aux temps anciens, lorsqu’il n’y avait pas d’énormes disparités technologiques (même si de nombreuses puissances ont obtenu un avantage géopolitique grâce à leur maîtrise, à un moment donné, d’une technique de combat en avance sur leur temps, qu’il s’agisse du char, de la phalange, de l’arbalète ou du système divisionnaire ; toutefois, ces avantages durent rarement dans le temps et on observe généralement une égalisation des facteurs). Cette configuration initiale suppose l'égalité politique des alliés (ce qui est la conséquence logique de la souveraineté), mais aussi un même niveau d’effort de défense avec une même efficacité (vérifier Belgique 1914) D’une certaine façon, le dispositif allié au cours de la guerre froide, où les corps d’armée s’alignaient le long de la frontière entre les deux Allemagnes, manifeste cette égalité des efforts.

La juxtaposition des forces permet de se défendre « activement » quand les hostilités commencent ou sont sur le point d’éclater. Et même si l’ennemi choisit de n’attaquer qu’un des deux partenaires, l’alliance préalable permet de répondre sur deux fronts. Alors, l’alliance est un moyen de modifier le rapport de force et de conduire une escalade programmée de la violence.

Toutefois, cela nécessite d’avoir été anticipé. Si on est en train de perdre, une tierce partie ne se précipitera pas pour secourir celui qui est en train de perdre, mais pourra estimer qu’il est de son intérêt de s’allier au vainqueur afin de partager les dépouilles. Ainsi, Mussolini déclare la guerre à la France en juin 1940, quand les jeux sont faits à la suite de la campagne de France et qu’il n’y a plus de risque (même si les troupes françaises réussissent à contenir son offensive alpine). Le seul contre-exemple réside dans un partenaire tiers cherchant à maintenir un équilibre général du système, et donc à empêcher qu’un des acteurs prenne un avantage trop important à l’issue du conflit. Il reste que ce cas est rare et qu’on ne l’observe dans l’histoire que de la part de la Grande Bretagne au XIX° siècle (check and balance).

Ainsi, dans la plupart des cas, les alliances défensives sont préventives.

O. Kempf


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