15 septembre 2013 par Scolaris Legisperitus
Compte rendu de Robert Reilly, The Closing of the Muslim Mind : How Intellectual Suicide Created the Modern Islamist Crisis, Wilmington, Intercollegiate Studies Institute, 2011, 245 p.
[Au milieu du IXe siècle, le calife] Al-Mutawakkil revint à une théologie traditionnaliste, sous l'égide notamment des Hanbalites [... disciples d']Ibn Hanbal, fondateur de l'école de jurisprudence hanbalite, la plus littéraliste des quatre maddhabs [écoles juridiques sunnites ...]. L'école hanbalite, la plus récente, est aussi la plus virulente contre la pensée grecque [...]. Malgré la dureté des propos d'Ibn Hanbal et de ses élèves, le travail de sape intellectuel fut accompli par une nouvelle école de pensée, les Acharites [disciples d'Al-Achari].
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L'acharisme considère que [...] la nature n'est pas dotée de lois stables, puisque son existence et sa prolongation à chaque instant sont l'œuvre d'un miracle permanent. Cette option philosophique, connue sous le nom de volontarisme, affirme que Dieu est la cause directe de tout : si la laine brule au contact du feu, c'est parce qu'Allah lui a ordonné de brûler. Parce qu'il est œuvre de volonté et non de raison, l'univers ne peut être connu : la volonté est sa propre finalité. Chercher à comprendre la volonté divine relève alors de l'impiété.
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À chacun de ces moments, Dieu détruit l'univers pour le recréer l'instant d'après dans sa position suivante, ce qui permet de justifier le volontarisme dont nous avons parlé. Plus encore, comme la seule force motrice de l'univers est la volonté toute-puissante et arbitraire de Dieu, un moment n'a pas nécessairement de rapport avec le précédent : c'est l'idée même de causalité qui s'effondre.
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À part les Hanbalites, opposés par principe aux raisonnements philosophiques, tous les autres maddhabs ont fini par accepter l'acharisme (plus précisément : tous les Malikites, les trois-quarts des Chaféites, et le tiers des Hanafites ; le reste adhère au maturidisme, une variante subtile de l'acharisme) [...] bénéficiant entre autres de l'appui du puissant vizir Nizam al-Mulk et plus tard de Saladin.
C'est toutefois Al-Ghazali, aujourd'hui encore révéré comme un des plus grands philosophes de l'Islam, qui a poussé l'acharisme dans ses conclusions les plus extrêmes. Arbitraire, le monde ne peut plus être connu du tout.
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Revenons sur la personne de Al-Ghazali [fondateur de l'école de théologie de Nishapur] : l'objectif de son œuvre majeure, L'incohérence des philosophes, est de montrer que la philosophie ne peut aboutir à la moindre certitude.
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L'incohérence des philosophes d'Al-Ghazali porta un coup fatal à la philosophie en terre d'Islam, en exposant que le seul but de la raison était de démontrer sa propre inutilité. Près d'un siècle après, Averroès tenta d'allumer un contre-feu, écrivant L'incohérence de l'incohérence pour réfuter l'ouvrage précédent, mais trop tard : les œuvres d'Averroès finirent brûlées.
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