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Halka

Publié le 15 septembre 2013 par Porky

image_gallery.jpgVoici donc l’opéra qui a assis la réputation de Moniuszko et que j’ai rapidement évoqué dans la présentation du Manoir hanté. Rappelez-vous : le livret est tiré d’un conte de Wocicki, Goralka et a été écrit par Wlodzmierz Wolski.

La composition de ce premier opéra dramatique de Moniuszko va être assez rapide puisqu’elle commence en 1846 et que la version originale en deux actes est donnée dans les salons de la famille Müller, à Wilno, le 1er janvier 1848. Mais il faudra attendre le 16 février 1854 pour que l’œuvre soit créée publiquement au théâtre de Wilno. Le succès est tel qu’on projette de faire monter l’ouvrage par le Grand Théâtre de Varsovie. Et les ennuis arrivent à la vitesse grand V.

N’oublions pas qu’à cette époque, la Pologne est occupée par des puissances étrangères dont –entre autres- la Russie. Et cette sombre histoire de jeune fille pauvre, séduite et abandonnée par un jeune noble peut effrayer les autorités d’occupation d’un pays toujours prompt à la révolte. Et puis, le cadre rustique, la musique populaire, risquent de choquer les oreilles sensibles, habituées au raffinement de Bellini. On multiplie donc les obstacles et ce n’est que le 1er janvier 1858 que la nouvelle version de Halka en quatre actes sera présentée au public de Varsovie, soit dix ans après sa création privée. L’œuvre est augmentée de plusieurs numéros dont une éblouissante mazurka et connait un succès foudroyant. « La soirée est une suite d’acclamations, l’ouverture est ovationnée, le compositeur rappelé quatre fois après le troisième acte et le lendemain, le beau-frère de Moniuszko écrivant à la femme de ce dernier, restée à Wilno, peut parler d’un « enthousiasme sauvage. » Les représentations suivantes vont se jouer à guichet fermé. » (1) Elle entame une carrière qui l’emmène à Berlin, Moscou, Milan et New York.

Comme Le Manoir hanté, Halka n’a pas connu en-dehors des frontières polonaises une grande carrière, à part dans les pays slaves qui ont été les premiers à l’accueillir. Dans son pays natal, l’opéra jouit d’une immense popularité. En Europe occidentale, il est quasiment inconnu. Il faudra attendre 1957 pour que l’œuvre soit montée pour la première fois en France, à Toulouse.

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La raison de cette méconnaissance est sensiblement la même que pour Le Manoir hanté : le sujet a une portée résolument nationale et ce n’est peut-être pas suffisant pour prêter à l’ouvrage une dimension universelle. « Pour un compositeur nationaliste du 19ème siècle, la notion d’un sujet « avantageux » ne réside pas nécessairement dans l’aspect spectaculaire que peut fournir, par exemple, un événement historique célèbre ou une légende haute en couleurs, mais tout aussi bien dans l’impact de la vérité sociale que peut révéler une histoire apparemment banale. […] En mettant en scène Halka, paysanne séduite par un noble qui la pousse au suicide en la délaissant pour épouser une femme de haute classe, Moniuszko n’a certes pas choisi un personnage glorieux ni un fait marquant ; l’héroïne est la victime d’un drame finalement assez courant de la vie sociale et des rapports entre le peuple et la noblesse. » (2)

C’est ce qui, justement, faisait la nouveauté de Halka : mettre au centre de l’intrigue deux personnages socialement insignifiants, Halka et Jontek. La lamentable aventure d’une pauvre fille séduite par un noble est prise dans le quotidien d’un passé relativement récent, puisque l’opéra se déroule à la fin du 18ème siècle, ce qui donne à l’histoire tout son pathétique.

Autre « nouveauté » : Halka est un opéra sans héros. Il y a d’un côté des personnages négatifs comme Le Sénéchal, Janusz, Dziemba, mais sans grande envergure et au fond très traditionnels dans le genre « scélérats méchants », et de l’autre côté les victimes (Halka et Jontek), personnages faibles aussi bien moralement que socialement. Le peuple, lui, manque de consistance et lors du dénouement, il affiche une « veulerie consternante » (2). Ces défauts nuisent évidemment à la portée humaniste de l’œuvre et en limitent l’envergure. Cette vision assez peu sympathique du peuple paysan vient certainement de l’événement historique qui s’est passé en 1846 : « un mouvement démocratique avait essayé de dresser les paysans polonais contre la domination autrichienne, mais les Autrichiens réussirent à renverser la situation en retournant les paysans contre les meneurs de la révolte. Moniuszko, patriote fervent, avait été péniblement affecté par cet échec, et, mettant face à face la noblesse et le peuple, il ne put s’empêcher de laisser paraître que sa foi dans ce dernier s’était altérée. » (2)

L’écriture musicale n’a pas la perfection de celle du Manoir hanté. L’inspiration est inégale, tout comme d’ailleurs la dramaturgie ; ces défauts sont à imputer aux faiblesses du livret. Par exemple, le dénouement est visiblement bâclé. La scène est brève (mais ce n’est pas forcément un handicap, la fin de Katia Kabanova, de Janacek, est également très rapide mais d’une force prodigieuse) ; ici, on a plutôtl’impression que librettiste et compositeur ont voulu se débarrasser au plus vite de personnages qui commençaient à devenir embêtants. C’est surtout l’incroyable volte-face de la populace qui est difficile à admettre : trente secondes à peine pour s’apitoyer hypocritement sur la mort de Halka et on passe à un joyeux chœur pas trop convaincu pour chanter (en quelques mesures) le bonheur des nouveaux mariés. « La fête l’a emporté sur le drame et les apparences sont sauves ». (2)

(1) Gérard Corneloup in L’Avant-scène Opéra n° 83.

(2) André Lischke in L’Avant-scène Opéra n° 83.

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ARGUMENT : A la fin du 18ème siècle : actes I et II : aux environs de Cracovie ; actes III et IV : dans le village de Janusz, dans les montagnes.

ACTE I – Dans le manoir du Sénéchal - Un grand bal est organisé à l’occasion du mariage de la fille du Sénéchal, Zofia, avec le jeune noble Janusz. Soudain s’élève dans le parc une voix de femme chantant un air mélancolique. Il s’agit de Halka, jeune paysanne amoureuse de Janusz qui l’a séduite puis abandonnée. Le Sénéchal et Zofia sont surpris que quelqu’un ait pu pénétrer dans le parc. Janusz est troublé car il a reconnu la voix. Il sort et Halka se précipite vers lui ; il la rassure hypocritement et lui donne rendez-vous la nuit, au bord de la Vistule. Il rentre au manoir et la fête reprend de plus belle avec la grande mazurka finale.

ACTE II – La nuit. Halka attend Janusz. Partagée entre la crainte et l’espoir, elle sent sa raison parfois vaciller. Elle est rejointe par Jontek, un jeune paysan qui l’aime mais qui n’est pour elle qu’un camarade. IL cherche vainement à la persuader de la trahison de Janusz. Un chœur s’élève à l’intérieur du manoir, célébrant les futurs jeunes mariés. Halka appelle désespérément Janusz et on apprend alors qu’elle a eu un enfant de lui. Jontek qui craint la colère du seigneur essaie de la calmer lorsque parait Janusz. Il ordonne à Jontek d’emmener Halka, promettant au jeune homme de le récompenser s’il obéit. Halka et Jontek s’en vontsous les commentaires peu amènes de l’assemblée.

ACTE III – Le soir, au village. C’est la fin des vêpres. Les villageois se rassemblent sur la place pour chanter et danser. Arrivent Halka et Jontek, défaits et épuisés. Jontek explique ce qui s’est passé ; son récit déclenche des réactions indignées et compatissantes.

ACTE IV – Sur la place devant l’église. Le mariage de Janusz et Zofia va avoir lieu. Jontek, seul, se lamente sur le sort de Halka. Passe un joueur de cornemuse qui joue un air entraînant ; Jontek lui demande de jouer quelque chose de triste. Les villageois arrivent pour assister au mariage. Parmi eux, Halka qui va s’asseoir sur une pierre, à l’écart. Le cortège nuptial apparaît. Zofia, le Sénéchal et les invités sont troublés de voir cette fille pâle et hagarde, mais tout le monde entre dans l’église. Halka laisse éclater son désespoir tandis que Jontek essaie de la réconforter. Des cantiques proviennent de l’église. Halka adresse une dernière pensée à Janusz et à son enfant qui est en train de mourir de faim puis elle allume un fagot afin de mettre le feu à l’église. Elle y renonce, dans un dernier sursaut. Les mariés sortent de l’église. Halka court vers la rivière et se jette dans les flots. Après un court instant de consternation, le peuple, houspillé par le majordome, acclame les mariés.

VIDEOS :

- Mazurka

- Aria de Halka par Térésa Zylis-Gara

- Acte III, scène 4

 

 


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