Magazine

La Prospérité du vice – Daniel Cohen

Publié le 08 septembre 2013 par Charlotte @ulostcontrol_
La Prospérité du vice – Daniel CohenLa lecture de La Prospérité du vice est un vrai plaisir. Daniel Cohen a une écriture fluide, agréable, très compréhensible et accessible. C’est avec beaucoup d’habilité et sans fioritures que l’économiste nous propose une rétrospective sur l’économie mondiale –depuis quasiment la préhistoire, en se proposant de répondre à la problématique suivante : pourquoi l’occident (et pourquoi les Etats-Unis) ? Pourquoi le monde et l’économie ont-ils évolués sous notre impulsion et pourquoi pas sous elle de la Chine ou de l’Inde –on rappelle que la Chine avait inventé la poudre et la boussole bien avant nous (par exemple), et avaient exploré l’Afrique bien avant nous.Pourquoi ces pays ne sont pas aujourd’hui les « meneurs » de l’économie ? Et que va-t-il leur arriver ? Comment vont-ils évoluer ?
C’est un essai des plus normaux : les nombreuses théories économies viennent appuyer le propos de Cohen et enrichir l’œuvre, la pléthore d’exemples illustre les théories et les idées soutenues par Cohen.
Le début du livre de Cohen nous transporte à travers l’Empire Romain, la Grèce Antique, la dynastie Ming… jusqu’aux guerres mondiales du XXe siècle. Les théoriciens classiques (Keynes, Malthus, Smith, Ricardo…) viennent étayer son propos (une bonne occasion de réviser son cours d’économie !) et nous proposent une analyse intelligente des politiques menées par la Chine et par l’Europe au XVe siècle : alors que la première se replie sur elle-même, délaisse les conquêtes et explorations, se concentre sur sa stabilité politique interne après une invasion mongole tout en délaissant son industrie sidérurgique, la seconde se lance quant à elle dans la découverte de l’Amérique, donne une impulsion à ses futures colonisations et amorce une révolution industrielle qui aura lieu 3 siècles plus tard.
La seconde partie de l’œuvre se concentre sur le XXe siècle, ses deux guerres mondiales, sa crise de 1929 et la naissance de l’Etat-Providence. On nous dresse ici le portrait d’une Europe, dont le moteur était autrefois la concurrence entre ses Etats, aujourd’hui autodestructrice et qui voit sa prépondérance diminuer au profit de celle des Etats-Unis. Crise après crise, elle subit les aléas des cycles économiques et les mutations de l’économie mondiale.
Daniel Cohen termine enfin par une troisième partie définitivement inquiétante : nous sommes sous le joug de la crise écologique, nous voyons notre planète menacée par notre faute, notre incapacité anticiper, à prévoir, à analyser et à se mettre d’accord sur une solution. Ce constat s’applique également aux crises financières, et notamment à celle des subprimes de 2008 : notre incapacité d’anticipation nous aveugle et nous précipite dans un gouffre de récession et de dépression. Entraînés par notre consommation, nos crédits, nos produits technologiques, électroniques… dans un « nouveau » monde, de nouveaux enjeux s’imposent à nous. Nous sommes aujourd’hui dans un monde « imaginaire », où la violence est symbolique (peur des minorités, attentats du 11 Septembre…) et entretenue par un monde virtuel (celui des jeux vidéos notamment) qui fait perdre aux jeunes tous leurs repères : enfants de la consommation de masse et de l’envie, les conséquences sont telles que nous avons perdu notre sens de la réalité : nous sommes incapables de prendre les choses en main à temps en ce qui concerne la crise écologique, nous avons perdu tout sens de la responsabilité et de l’honnêteté dans le domaine financier (ce qui nous a valu la crise de 2008).
C’est un monde absurde que nous avons construit. Au final, la question économique se termine finalement par une question philosophique et éthique : qui sommes nous, où est notre place ? C’est une quête quasi identitaire qui nous attend dans ce monde mondialisé. La prise de recul, l’honnêteté intellectuelle, la responsabilité, le sérieux sont autant de valeurs qu’il nous faut réapprendre dans un monde qui devient progressivement une « civilisation unique ».
Inquiétant, troublant, passionnant, intéressant… Mais aussi accessible et agréable à lire, cet essai est un vrai bijou et ne peut être qu’un classique pour un féru d’économie et d’actualité. Il aura définitivement une place de choix dans ma bibliothèque et est voué à être lu et relu, et relu.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Charlotte 266 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte