Constitutionnellement limitée dans ses pouvoirs, Angela Merkel est freinée par son absence de convictions et entravée par son incompréhension de l’économie.
Par Alex Korbel.
Le dernier chancelier allemand doté de réels pouvoirs s’est suicidé en 1945, laissant derrière lui une Europe en ruines.
Depuis, l’appareillage politique du pays a été conçu de façon à empêcher les dérapages d’un pouvoir sans frein ni contrepoids. Le fédéralisme, le bicamérisme, la représentation proportionnelle, une Cour constitutionnelle et une Banque centrale indépendantes : toutes ces institutions ont été érigées afin de limiter le pouvoir de la personne qui se piquerait de diriger le pays.
La constitution allemande (la Loi fondamentale) attribue au chancelier le pouvoir de « fixer les grandes orientations de la politique » (article 65) de l’État fédéral. Les ministres du gouvernement fédéral dirigent cependant leur département de façon autonome (ils peuvent préparer des projets législatifs sans intervention du chancelier), sous leur propre responsabilité et doivent répondre de leurs actes non devant le chancelier, mais devant le Bundestag. Le chancelier n’intervient qu’afin de résoudre les divergences d’opinion entre les ministres !
Songez que le chancelier ne peut pas nommer de juges, qu’il ne commande pas aux forces armées en temps de paix ou qu’il ne peut pas opposer de veto aux lois votées. Comparez cette fonction d’arbitrage avec le pouvoir exercé par le président américain, le premier ministre britannique ou le président français. Il est apparent que le chancelier allemand, qu’il se nomme Angela Merkel ou non, est bien le moins puissant du lot.
Mais ces enviables limites constitutionnelles ne sont pas la seule raison de l’impuissance d’Angela Merkel. Même si la chancelière ne voyait pas son pouvoir limité constitutionnellement, elle ne saurait pas quoi en faire.
Il manque en effet à Angela Merkel deux outils importants : une compréhension de la crise des dettes publiques de la zone euro et une stratégie claire pour la résoudre.
Rappelez-vous qu’au début de la crise, en 2010, elle a d’abord refusé toute aide à l’État grec. Quelques mois plus tard, elle a accepté le premier plan de renflouement grec. Elle a ensuite très fermement rejeté le concept d’euro-obligations « jusqu’à mon dernier souffle » avant de l’introduire par la petite porte dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité. Elle a enfin souligné que la stabilité des prix était le seul objectif de politique monétaire mais a donné tout son soutien à Mario Draghi quand celui-ci a affirmé vouloir défendre l’euro à tout prix.
Certains de ses détracteurs prétendent qu’en faisant cela, Angela Merkel suit un plan subtil afin de saper la démocratie allemande, d’établir un super-État européen et de subjuguer les autres États-membres depuis Berlin. Cela n’a jamais été son intention. Tout ce que la chancelière tente de faire est de rester au pouvoir et sa capacité à diriger, sans parler de régler la crise des dettes publiques de la zone euro, est extrêmement limitée. Comme l’étain, elle fléchit, fond, s’adapte et lie.
Constitutionnellement limitée dans ses pouvoirs, freinée par son absence de convictions et entravée par son incompréhension de l’économie, elle n’est pas l’agressif voilier tirant des bords face à la crise mais plutôt le bois flotté chahuté par les vagues.
Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur ce que veut vraiment Angela Merkel. Étant donné que son pouvoir n’est qu’apparent, ce que pense Angela Merkel n’a en réalité aucune importance.
---Article originel publié sur 24hgold.com.