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Marcel Gauchet a encore frappé !

Publié le 20 septembre 2013 par Edgar @edgarpoe

Au Fait avait publié un entretien avec Marcel Gauchet.

Un autre entretien vient juste de sortir, cette fois-ci dans le Journal du Dimanche

C'est un signe qu'il est maintenant permis de critiquer l'Union européenne, même dans les sphères qui pensent bien, dans leur version "on est entre nous" (Le Débat, dont Marcel Gauchet est le patron, Au Fait, revue un peu haut de gamme) et même dans la version "chut, les enfants écoutent" (le JDD donc).

Ca commence comme de la soupe libérale comme on peut lire dans le Figaro, façon les français sont rétifs aux changements : "La France d’aujourd’hui est un pays profondément inquiet, et donc profondément crispé. Un pays qui a peur du changement, vécu comme un danger potentiel."

Gauchet continue, sur un ton d'analyste expliquant le décalage entre la France, pays littéraire et aimant l'Etat, face à un monde de comptables optimisateurs.

Là où cela devient intéressant c'est quand il prend position et se lance dans une explication de la crispation française :

"JDD : L’Europe devait nous aider…

MG : Oui, mais l’Europe a complètement changé de nature du fait de la mondialisation. François Mitterrand a vendu l’Europe aux Français en leur disant "on va faire à l’échelle européenne ce qu’on ne peut plus faire en France", c’est-à-dire résister à la mondialisation. La promesse était de construire une Europe puissante capable de jouer d’égal à égal avec les États-Unis. Or c’est l’inverse qui s’est produit. L’Europe est devenue un accélérateur de la mondialisation et de la pénétration de ses normes en France. Elle n’a pas été le rempart annoncé, mais un cheval de Troie. Et l’on s’étonne ensuite de la désaffection de l’opinion !"

Plus loin il revient sur une idée que je crois très forte, c'est que la cause de notre europhilie actuelle, irraisonnée, est un fruit direct de la défaite de 1940. Il ne va pas jusque là, mais il fait de cette défaite un évènement fondateur d'un malaise des français par rapport à la France :

"... la France est un pays qui a un grave problème avec la vérité à son propre sujet.

 JDD : Depuis quand ?

À mon sens, depuis mai 1940, quand nous avons brutalement cessé d’être une grande puissance. Nous traînons encore le boulet de cette défaite jamais vraiment assumée."

(je note au passage qu'au JDD on ponctue maintenant apparemment à l'américaine, sans espace entre le mot et le point d'interrogation. Peut-être façon d'agacer Gauchet.)

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L'Europe est bien le refuge que nous avons trouvé après l'épisode gaulliste :

"Je pense que la clé du déblocage se situe du côté du rapport à l’Europe. Il faut sortir de cette mécanique infernale qui est devenue paralysante et contre-productive par rapport à ses objectifs initiaux. Il ne s’agit pas de se replier dans son coin, mais de concevoir l’Europe autrement. Elle a démarré à six pays avec une intention fédérale, en vue d’une défense commune contre la menace soviétique. Or il n’y a plus d’Armée rouge, elle regroupe 28 pays, l’idée d’un État-nation européen n’a plus de sens et nous fonctionnons toujours avec les mêmes institutions! Comment cela pourrait-il marcher? Il faut reposer la question européenne à nouveaux frais."

Là on est encore dans l'illusion d'une autre Europe, comme s'il était donné aux français de refaire, dans leur coin, un truc en réalité ingérable.

Mais tout de même, le discours de Gauchet a fait sonner l'alarme du chien de garde journaliste : "JDD : C’est le discours des extrêmes, Marine Le Pen et Mélenchon…

Les extrêmes vivent des questions que les partis de gouvernement laissent en jachère. Ce n’est pas parce qu’ils y apportent des solutions absurdes ou démagogiques que les questions n’existent pas."

Gauchet n'a pas de réponse, il a au moins le mérite de mettre le doigt très exactement là où ça fait mal. On pourra trouver cela encourageant ou déprimant, selon l'humeur...


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