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L'optimisation fiscale est un droit

Publié le 21 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

L'optimisation fiscale est montrée du doigt dans un rapport de la Commission européenne. Problème : l'optimisation fiscale est un droit.

Un article du site Marché Gris.

L'optimisation fiscale est un droit
Le Monde s’apprête à publier un rapport de la Commission européenne sur le manque à gagner fiscal des États de l’Union européenne. Bruxelles estime ainsi à 32,2 milliards d’euros la différence entre le montant de la TVA théorique et celui de la TVA réellement perçue en France, soit un cinquième des recettes potentielles. Si le gouvernement conteste ces chiffres, les causes du problème font consensus : sont ainsi montrés du doigt les fraudes, les impayés dus à la crise, et l’optimisation fiscale. Problème : l'optimisation fiscale est un droit.

En tant que telle, l’optimisation fiscale n’a rien d’une fraude. La jurisprudence administrative reconnaît au contribuable le droit de minorer son impôt par tous les moyens légaux dont il dispose. La distinction entre optimisation et fraude fiscale est donc sans équivoque, il n’y a pas de gradation entre l’une et l’autre : ou bien le contribuable parvient à payer moins d’impôts par des moyens illégaux, et alors c’est une fraude fiscale, ou bien il parvient à payer moins d’impôts par des moyens légaux, ce qui relève alors de l’optimisation fiscale.

Cette frontière entre légalité et illégalité est toutefois fragilisée par la notion d’évitement fiscal (tax avoidance), que l’OCDE définit comme l’ensemble des moyens employés par le contribuable pour payer moins d’impôt de manière certes légale mais en contradiction avec l’esprit des lois en vigueur. Une aubaine pour les gouvernements qui ne peuvent accuser de fraude les OTT, ces multinationales comme Google et Amazon régulièrement accusées de payer moins d’impôts qu’ils ne « devraient ». Car « rien de ce que font les OTT n’est illégal », comme l’admettait en avril la Fédération française des télécoms, qui appelle par ailleurs de ses vœux une harmonisation fiscale en Europe. Pour les détracteurs de l’optimisation fiscale, il s’agit dès lors de montrer qu’un comportement légal peut être sanctionné, ce qui nécessite de prendre en compte non plus seulement la légalité des montages fiscaux, mais aussi leur intention.

Notre gouvernement a donc réagi. La Tribune a récemment révélé que le gouvernement envisageait d’élargir la notion d’abus de droit définie à l’article L.64 du livre des procédures fiscales. Jusqu’ici, l’optimisation fiscale était sanctionnée dès lors qu’elle avait pour seul motif de minorer l’impôt. Une modification de la loi restreindrait encore davantage le champ de l’optimisation fiscale légitime : il suffirait que la minoration de l’impôt soit le motif « essentiel » pour que le contribuable se voie infligé des pénalités.

Mais ne perdons pas de vue que, même telle que nous la connaissons aujourd’hui, la notion d’abus de droit est théoriquement absurde et pratiquement inutilisable.

Théoriquement absurde tout d’abord, puisque sanctionner un montage fiscal légal au nom de l’article L.64 du LPF revient à dire que, toutes choses égales par ailleurs, le contribuable confronté à un choix entre deux options n’a pas le droit de privilégier la moins coûteuse fiscalement. Il est même dans l’obligation de préférer l’option la plus coûteuse.

Pratiquement inutilisable ensuite, puisque il est difficile de prouver que la minoration de l’impôt est l’unique motif (ou même le motif essentiel) du contribuable soupçonné d’optimisation fiscale abusive. Dans le monde réel en effet, le raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » ne tient pas, le taux d’imposition n’étant qu’un critère parmi d’autres. Il est donc relativement facile au contribuable bien conseillé de défendre la légitimité de ses montages fiscaux. Mais ce flou conceptuel offre également aux contrôleurs du fisc une grande liberté d’interprétation, ce qui est très problématique pour les entreprises mais aussi pour les particuliers, qui recourent eux aussi à l’optimisation fiscale.

La question se pose alors de savoir quel but poursuit le gouvernement en modifiant la définition de l’abus de droit : le perfectionnement d’une législation ambiguë ou l’extension de l’arbitraire ?
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