Théâtre populaire : Le collectif Manifeste Rien ne s’en laisse pas conter

La comédienne Virginie Aimone réalise une véritable performance en interprétant chacun des personnages de ces fables savantes (photo D.R.)

Dans « La Domination Masculine » le 1er octobre aux Passons et « Chacal, la fable de l’exil » le 10 octobre au Comœdia, le collectif marseillais Manifeste Rien analyse les rapports de domination entre les individus

Si tu ne viens pas au théâtre, le théâtre viendra à toi. C’est un peu le leitmotiv du collectif marseillais Manifeste Rien dont le dernier opus « La Domination Masculine » sera joué le 1er octobre à la Maison de Quartier des Passons avec la complicité de la Médiathèque Marcel-Pagnol. C’est une constance pour ce collectif de jouer là où on ne l’attend pas forcément. Les bibliothèques, les maisons de quartiers, les lieux associatifs et la rue sont autant de scènes possibles. Pour le metteur en scène Jérémy Beschon, cette démarche s’inscrit à la fois dans une volonté de toucher tous les publics mais aussi de provoquer des rencontres et des débats, bref de divertir tout en amenant le spectateur à se saisir de cette matière vivante, le théâtre, pour réfléchir à sa propre condition et en tirer des clefs de compréhension et de transformation du monde.

"L’art est nécessairement engagé" Jérémy Beschon

« La Domination Masculine » puise son inspiration à la fois dans le livre éponyme du sociologue Pierre Bourdieu publié en 1998 dans lequel il développe une analyse des rapports sociaux entre les sexes. Pierre Bourdieu tente d’expliquer dans cet ouvrage les causes de la permanence de la domination des hommes sur les femmes dans toutes les sociétés humaines. Il s’appuie en particulier sur une étude anthropologique de la société berbère de Kabylie. Au montage du livre s’ajoutent les mythes et les poésies populaires kabyles, ainsi que les témoignages des deux rives de la Méditerranée, transcrits et analysés par l’anthropologue Tassadit Yacine-Titouh. Cette spécialiste du monde berbère, auteure de nombreux livres, n’en est pas à sa première collaboration avec le collectif Manifeste Rien. L’un de ses textes, « Chacal, ou la ruse des dominés », a inspiré la pièce qui sera jouée le 10 octobre par le collectif sur la scène du théâtre Comoedia. Intitulée « Chacal, la fable de l’exil », elle aborde un thème déjà exploré par des sociologues de manière savante, les rapports de domination, mais à partir de ce matériau plus universel que sont les fables animalières, la mythologie kabyle et plus généralement berbère. A travers ses fables, le metteur en scène et l’auteure parviennent à rendre les sciences sociales accessibles au plus grand nombre, à interroger le public sur ses rapports à l’autre et au monde, le théâtre étant le lieu et l’instant où s’opère cette alchimie. La comédienne Virginie Aimone qui connaît elle aussi le travail de Tassadit Yacine-Titouh joue sur scène tous les personnages de cette fable de l’exil, en faisant ressortir ces matériaux mythologiques en résonance avec le monde. Dans « La Domination Masculine », elle est à nouveau seule sur scène où elle fait surgir des personnages, des situations et des lieux qui métamorphosent et remplissent l’espace de jeu. Cette performance théâtrale, savante et populaire à la fois, sera suivie d’un débat avec le public.

Thierry Gil

La Domination Masculine, mardi 1^er octobre à 18h30 à la Maison de Quartier des Passons. Entrée libre

Chacal, la fable de l’exil, jeudi 10 octobre à 21h au théâtre Comœdia. A partir de 8 ans (représentations scolaires). Renseignements au 04 42 18 19 88.