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Jean-Louis Terrade : Une saison au club.

Par Rolandbosquet

Terrade

   Nous sommes à la mi-juillet. Poussés par une haute brise de traverse, quelques nuages blancs ponctuent le ciel au bleu d’azur. L’air est chaud mais à l’ombre des sapins de mon courtil, je savoure le calme de la campagne. Un rouge-queue à front blanc me surveille depuis la branche basse d’un bouleau. Dès que je tourne une page du roman de Jean-Louis Terrade, "Une saison au club", dans lequel je suis plongé, il disparaît dans les buissons de forsythia pour revenir quelques secondes plus tard. Jean-Louis Terrade, lui, aura mis trente longues années avant de revenir à la littérature. Je l’avais rencontré lors d’un entretien radiophonique quelques mois après la parution de ses nouvelles, "L’enfant perdu", chez Calmann-Lévy. « Je les traînais dans un tiroir depuis quelque temps. En fait, je suis un écrivain qui n’écrit plus ». Semblable mésaventure arrive à son héros, Nilo. Il prend des notes pour cent ouvrages tels que sa vie à Sète avec d’autres réfugiés italiens fourvoyés dans les rêves des Brigades Rouges. Mais en vain. Il ne parvient qu’à rédiger des fiches de lectures sur les romans des autres à destination de sa libraire préférée. En réalité, il repousse toujours à plus tard le livre de sa vie. Comme si de la traduire en mots, en phrases, en chapitres, risquait de figer un passé dont il ne tire guère de gloire. Trop de questions demeurées sans réponses. Par refus, semble-t-il, d’affronter la réalité. Par simple lâcheté, peut-être. Par peur de se découvrir tel qu’il est. C’est pourtant lui que Jean-Louis Terrade fait parler. Mais il n’avance qu’à petits pas. En contournant soigneusement le sujet. Jusqu’à la phrase qui éclaire une facette ambiguë de l’histoire. Le lecteur en apprendra alors un peu plus. Juste ce qu’il faut pour commencer à comprendre. Jusqu’à la petite phrase suivante qui permettra de progresser d’un pas. Et ainsi jusqu’à la conclusion. Á la fois attendue et surprenante. Le monde de Nilo, fait de football, côté déchus, de femmes perdues, de connaissances plus que d’amis, de rêves avortés, oscille continuellement entre le passé et le présent. Un monde qui s’étiole et qui meurt. Sans espoirs. Sans perspectives. Les personnages qui gravitent autour de lui resteront insaisissables comme Sergio,  lointains et flous comme Claudia ou surtout Anna. Comme son passé. Une histoire désenchantée et empreinte de mélancolie. Moins charnue et moins vivante que celle de "La Limousine noire", moins âpre et moins violente que celle de Tristan du "Bleu algérien", les deux précédents ouvrages de Jean-Louis Terrade. Mais contrairement à eux, une histoire dont on cherche la raison d’être. Á moins qu’elle ne soit, masquée, celle de son auteur. Et il nous montre par là que malgré toutes ses bonnes intentions, son monde comme celui de tout un chacun peine toujours à tourner rond. ("Une saison au club", Jean-Louis Terrade, éditions Fayard)

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