Quel lien unit les lecteurs passionnés de Tintin et les fous furieux du téléphone portable : leur âge. Ils ont entre 7 et 77 ans (voire plus).
Cependant autant les lecteurs de Tintin nous bercent d'une note de fraîcheur, indispensable dans ce monde de brutes, autant les porteurs de cet instrument détestable, mais hélas nécessaire (parfois), nous privent de la plus élémentaire des courtoisies.
Ainsi vos copains qui prennent un pot ou viennent dîner chez vous, se jettent dessus à la première sonnerie, n’hésitant pas à vous imposer leurs apartés ou carrément se mettent à table le téléphone vissé à l’oreille.
Dans la rue, concentrés sur leur conversation, ces gens marchant comme des taureaux, vous rentrent dedans ou vous piétinent sans vergogne.
A la plage, votre voisin qui est tellement proche de votre carré de serviette que vous pourriez l’enduire de crème s’il le souhaitait, passe trois heures à bavasser avec son pote jojo qui se trouve à 100 mètres de lui. Si comme moi vous n’êtes pas un "Y" parce que vous n’aimez pas les oreillettes ou que le casque vous donne l’air d’un œuf de Pâques, pour la lecture de votre polar entre deux ploufs dans la grande bleue, vous repasserez.
Bref où que vous soyez, Pierre, Paul ou Jacques vous imposent leur téléfon.
Mais tout cela n’est rien par rapport aux transports en commun où la nuisance sonore atteint son apogée.
Il y a bien sûr les "Y" qui sont dans leur monde et malgré tout répondent à leur téléphone (retour à ce qui est écrit plus haut).
Ceux qui ne sont pas "Y", à qui on a dit qu’il ne fallait pas utiliser leur téléphone dans le bus (on parle de courtoisie) mais qui le laisse sonner, en général des heures. Bizarrement ils ne savent pas couper la sonnerie ou au minimum la réduire. Vos tympans en témoignent.
Enfin ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre et qui causent, nous mettant bien malgré nous dans une posture de voyeur.
Ainsi je vous raconte l’histoire de Catherine, la malheureuse.
Au cours d’un de ces trajets en bus où j’aime bien que mon esprit dérive, mon attention s'est soudainement focalisée sur un carillon, d’autant plus virulent qu’il s’agissait de quelqu'un juste derrière moi. Nous avons entendu, mes copains de bus et moi, une voix masculine assez forte et nantie d'un timble qu'il était impossible d'ignorer. Un son très métallique.
La conversation démarre par "Catherine, ne m'appelle plus jamais".
Le quart du bus où j’étais assise a retenu son souffle, ceux qui évidemment n’avaient pas d’écouteurs, attendant la suite avec impatience. Il y a eu juste un laconique : "je n’ai pas d’explications à te donner", suivi de " ne me rappelle plus (encore)" et il a coupé.
Son voisin direct a laissé échapper " et ben dites donc !". Quelques secondes après le téléphone a de nouveau résonné, Catherine sans aucun doute, mais sans succès. Le voisin à nouveau s’est exprimé : "vous ne répondez pas ? ".
Je pense que nous avions tous une furieuse envie de prendre de force ce foutu téléphone et dire à cette malheureuse Catherine d'organiser une soirée mojito avec ses copines, suivie d’une nuit en boîte où elle rencontrerait peut-être un beautiful stranger qui la ferait chavirer.
Au fond qu’avait-elle fait pour ne pas mériter qu’il attende d’être sorti du bus pour lui parler ? Une courtoisie tant à son égard que du nôtre.
Petit qcm façon ELLE :
- elle avait batifolé avec son meilleur ami, justifiant ainsi son courroux,
- lui avait présenté ses parents et il s’était senti pris au piège,
- adepte de « Fifty shades of Grey », elle lui avait suggéré quelque expérience, provoquant son ire éternelle,
- elle lui a avoué avoir voté Sarko aux dernières élections, prouvant ainsi qu'elle lui avait effroyablement menti.
Je peux vous le dire, en descendant, je l’ai regardé, il n’avait pas l’air rigolo.
Décidément, je HAIS le téléphone portable.