Un récent article rappelait les résultats de l’enquête nationale de 2011 sur les ménages en rapport avec la place de la religion dans la vie des Canadiens. La province de Québec compte 12% d’individus qui affirment n’avoir aucune appartenance religieuse, tout de suite avant Terreneuve qui est la plus religieuse avec 6% de non-croyants. La plus athée est la Colombie Britannique avec 44%.
Je ne suis pas surpris de cette statistique en rapport avec le Québec. Encore aujourd’hui, les Québécois, descendants d’occidentaux, élevés surtout dans la religion catholique mais aussi dans le protestantisme et les religions orthodoxes et juives, demeurent croyants même si un grand nombre ne sont plus pratiquants. Cela se manifeste lors de grands évènements. À ces moments-là, l’église devient le point de ralliement pour marquer à nouveau notre foi, prier, se consoler mutuellement et écouter les paroles apaisantes d’un prêtre. On l’a constaté à nouveau récemment à Lac Mégantic suite au terrible accident ferroviaire. Quant aux funérailles de monsieur-et-madame-tout-le-monde, si elles ne sont tenues que rarement à l’église à cause des coûts plus élevés, elles le sont au salon funéraire lors d’une cérémonie à caractère religieux présidée soit par un prêtre, un diacre ou une personne autorisée. Je n’ai été témoin qu’une seule fois où un ami avait demandé de n’avoir aucune cérémonie.
Les nombreux immigrés venus s’installer au Québec depuis de nombreuses années pratiquent pour la plupart une religion. Ceux d’Amérique du sud sont généralement catholiques, ceux d’Arabie sont musulmans ou coptes, ceux d’Asie sont hindouistes, taôistes ou sikhs; ceux de l’Europe de l’est sont orthodoxes… Chacun a son clergé, ses pasteurs, ses imans, ses moines ou même ses gourous. Pour plusieurs, c’est la foi en un Être suprême. Pour d’autres, c’est une manière de vivre ou une réponse aux questions difficiles de l’humanité. Pour les non-croyants, ce n’est que de la superstition.
Malgré les 88% de croyants québécois, l’État du Québec est laïc. Je considère que c’est bien ainsi et peu de personnes questionnent cet état de fait. Cependant, nous croyons en la liberté de religion pour chacun.
La « charte des valeurs québécoises » n’implante pas la laïcité puisqu’elle existe déjà. Elle est proposée par le gouvernement actuel qui soupçonne que les serviteurs de l’État profitent de l’occasion qu’ils ont de rencontrer personnellement le public pour faire une propagande en faveur de la religion dans laquelle ils croient. Il ne tient pas compte que les fonctionnaires ont un devoir de réserve.
Pourquoi présenter une telle proposition à ce moment-ci, alors qu’il n’y a pas vraiment de problème entre les races au Québec ? Pourquoi susciter inutilement à l’extérieur des émotions négatives envers le Québec ? Pour défendre le port du voile intégral ? Mais il n’y a pas une fonctionnaire québécoise qui le porte !
Certes, nous avons connu il y a quelques années, la« crisette » d’Hérouxville, petite municipalité de 1 300 personnes, suite à l’adoption par le conseil de ville d’un règlement stipulant notamment que « la lapidation des femmes et le fait de les brûler vives, de même que l'excision, étaient interdits dans la municipalité ». Il craignait qu’une famille musulmane s’installe dans son patelin. Cette réaction xénophobe a été amplifiée démesurément par certains politiciens qui ont joué sur la perception négative de plusieurs Québécois envers les musulmans pour soulever la nation. Pourtant, c’est l’intolérance qui a été mise en évidence à ce moment-là. Voulons-nous répéter cette hystérie collective ?
Trop de Québécois ne font pas la différence entre l’Islam et le mouvement islamiste. Et on ne peut les blâmer. Ils ont été témoins de l’attentat du 11 septembre 2001 sur les tours du World Center de New York. Et depuis, ça n’arrête pas. Encore aujourd’hui, c’est le brutal acte terroriste au centre commercial en Nairobi au Kenya qui fait les manchettes. Ces islamistes nuisent à la réputation des musulmans monde.
Je connais plusieurs Algériens de Montréal. J’ai signé des documents d’immigration pour quelques uns. Ce sont de bonnes gens, qui sont venues s’implanter chez nous pour y vivre, travailler, élever leurs enfants et assurer l’avenir de chacun. Et, ils réussissent et veulent contribuer et s’intégrer à notre société puisque leurs espérances sont similaires aux nôtres. Nous nous devons de les comprendre car eux aussi sont victimes d’islamistes. Ils sont un groupe parmi toutes les cultures différentes qui sont venues au Québec pour y vivre et qui ont droit à leur chance. Nous nous devons de faire la part des choses et leur assurer notre appui. La discrimination n’a pas sa place.
J’ai grandi dans un milieu fortement multiculturel. Ma famille et celles de nos voisins francophones sont demeurées, malgré cela, canadiennes-françaises « pure-laine ». Pour nous, les plus jeunes, ce fut positif de vivre avec des anglophones. En plus d’être devenus parfaits bilingues dès notre très jeune âge, leur esprit cartésien a laissé des traces positives sur notre formation, notre personnalité.
L’identité du Québec est principalement sa langue. Elle est protégée par la loi 101. D’où qu’ils viennent, de quelques langues qu’ils parlent, quelque soit leur culture, les nouveaux immigrés deviendront avec le temps des Québécois parlants-français. Peut être pas les parents, mais leurs descendants sûrement puisqu’ils devront obligatoirement fréquenter l’école française dès le niveau élémentaire. Tout comme ce fut le cas pour les anglophones dont 70% parlent le français, aujourd’hui. Et, avec le temps, le score sera encore plus haut. Cela démontre bien l’importance de la loi 101 et la raison pour laquelle nous devons veiller à ce qu’elle soit protégée et toujours respectée.
Les néoquébécois sont là et de nouveaux viendront, à moins que l’on change toutes les lois… ce qui n’arrivera pas. Nous nous devons d’accepter cette évidence et réaliser le potentiel extraordinaire que cette diversité nous apporte. Dans un premier temps, libérons-nous de la peur instinctive face aux immigrants qui hante plusieurs d’entre-nous. Devenons plus conciliants. Cela ne changera rien pour nous, ni en nous, puisque nous serons toujours ce que nous sommes !
La langue majoritaire sera toujours le français. Notre identité demeurera intacte. On ne se fera pas de mal en nous ouvrant aux autres. Au contraire. Nous comprendrons mieux ce qu’est le monde et ses habitants et les avantages que leurs cultures peuvent apporter aux connaissances des membres de notre société.
Les immigrants vivent la fracture avec leur pays d’origine. C’est difficile pour eux même s’ils l’ont quitté volontairement. Mais avec le temps, et on a de multiples exemples du passé qui nous le démontrent, ils se joindront de plus en plus à nos activités culturelles, sociales, sportives…. Certes, il y aura des problèmes et des conflits… mais ces différends seront réglés. Pour juger de ce potentiel, on n’a qu’à écouter à la télé des jeunes de familles chinoises, coréennes, haïtiennes et d’autres qui parlent le français avec un bel accent québécois. Ce sont des exemples d’intégration et une démonstration claire des effets de la loi 101.
Face à la réalité, notre gouvernement devrait renseigner les Québécois et les préparer à l’avenir. Qu’il ait confiance en l’intelligence de notre peuple ! Nous comprenons que tout change rapidement et que nous devons bien saisir l’opportunité, ouvrir nos esprits, être généreux, oublier nos préjugés, raffermir notre culture et s’assurer que les néo-québécois participent au développement culturel et économique de notre société francophone. Voilà un objectif positif.
Je souhaite que mon gouvernement mette l’accent sur les vrais défis de demain et bâtisse notre coin de pays au lieu de semer une zizanie qui ne crée que des conflits.
Claude Dupras