Dernière étape dans mes rattrapages en séries réalisés au cours de ce mois de septembre, aujourd'hui, direction le Canada, et plus précisément, le Québec. L'an dernier, la découverte d'Unité 9 avait été autant un coup de cœur qu'une révélation sur ce petit écran. J'en avais retiré l'envie d'explorer la télévision québécoise. Faute de temps, j'ai longtemps remis à plus tard cette résolution. Septembre est heureusement arrivé pour corriger cela. Parmi les recommandations les plus fréquentes, figurait notamment Apparences, une série écrite par Serge Boucher datant de 2012. Après avoir hésité, j'ai finalement opté pour une découverte plus chronologique en commençant par la première série de cet auteur : Aveux.
Il s'agit d'une fiction, comprenant 12 épisodes de 45 minutes environ, qui a été diffusée sur Radio-Canada du 8 septembre au 24 novembre 2009. En France, la série a été projetée au Festival SeriesMania en 2010. Elle a reçu le prix de la meilleure réalisation (confiée à Claude Desrosiers) au Festival de la Rochelle. Elle a enfin été diffusée sur TV5 Monde au printemps 2013. Pour tout vous dire, je blâme un peu Aveux de me gâcher la rentrée en me faisant trouver si fades tant de nouveautés parmi celles testées ces derniers jours. Cette série n'est pas un simple coup de cœur sériephile, c'est une œuvre à l'intensité et à la justesse émotionnelle aussi rares que précieuses. Le téléspectateur n'en ressort pas complètement indemne, mais qu'est-ce que c'est bon...
[Pour préserver la force du récit à toute personne n'ayant pas visionné la série - tout en essayant d'aiguiser sa curiosité -, la review qui suit est garantie sans spoilers.]
Carl Laplante a tout quitté à 18 ans. Il a laissé derrière lui sa famille et ses amis, sans leur donner la moindre explication, ni leur transmettre de nouvelles par la suite. Ses parents l'ont d'abord recherché, puis chacun a baissé les bras, le départ de Carl restant une blessure jamais cicatrisée dans leur cœur. Quinze ans ont passé depuis. Carl s'appelle désormais Simon. Il s'est inventé un autre passé et s'est construit une nouvelle existence auprès de Brigitte dont il partage la vie depuis huit ans. Malgré les secrets et les mensonges, il a retrouvé un équilibre, aussi précaire soit-il, aux côtés de sa belle-famille et de nouveaux amis, avec un emploi tranquille de livreur.
Tout se déroule pour le mieux jusqu'au jour où son passé ressurgit soudain, malgré lui, par le hasard d'une livraison. Sonnant à une maison pour y apporter un canapé, il tombe nez-à-nez avec Olivier, un ami d'enfance, qui le reconnaît instantanément. Ces retrouvailles inattendues obligent Carl/Simon à renouer avec son passé, et tout cet entourage qu'il avait laissé derrière lui à 18 ans. Il lui faut faire face aux interrogations et aux incompréhensions. Que s'est-il passé il y a presque deux décennies ? Pour quelles raisons le jeune homme a-t-il choisi de s'enfuir et de couper tous les ponts ? Quels secrets ont été préservés pendant tout ce temps au sein de la famille Laplante ?
Aveux est le récit de difficiles retrouvailles familiales, et des douloureux secrets qu'elles vont conduire à exposer. Elle est traversée par une tension psychologique prenante. Derrière le mystère des raisons du départ de Carl/Simon, apparaissent peu à peu des drames intimes, des incompréhensions jamais levées et des non-dits anecdotiques sur le moment, mais déterminants sur le long terme. A mesure que l'histoire progresse, des pans du passé se dévoilent, avec toute la subjectivité des regards biaisés d'alors et des éventuels quiproquos jamais balayés. Allant de révélations en confrontations, la narration fluide et cohérente happe le téléspectateur. Chaque personnage se voit contraint de faire face à des vérités qu'il aurait voulu laisser enfouies, et pour certains, aux culpabilités qui les rongent. Car si le processus est éprouvant, il est aussi nécessaire pour définitivement solder ce passé qui pèse tant et envisager un avenir. Aveux mêle ainsi habilement les ingrédients d'une solide série à suspense et l'exploration plus personnelle d'une quête de soi, identitaire, au terme de laquelle Carl/Simon peut peut-être espérer faire la paix avec lui-même.
Outre l'habile gestion des interrogations et des révélations rythmant le récit, Aveux marque par l'authenticité et le réalisme qui caractérisent ce portrait d'une famille dont les membres se sont perdus les uns par rapport aux autres. L'écriture est très fine, d'une rare justesse. La série repose sur ses dialogues, laissant vraiment le temps à ses personnages d'échanger. Optant pour une caractérisation fouillée et nuancée, privilégiant le naturel, elle permet aux protagonistes d'avoir des réactions qui sonnent justes. Les figures mises en scène sont ordinaires, avant tout humaines, avec toutes leurs ambivalences inhérentes, leurs craintes et leurs aspirations : elles paraissent ainsi très proches au téléspectateur, l'impliquant d'autant plus à leurs côtés. Aucune n'est oubliée dans les développements que va nous conter la série, avec une cohésion d'ensemble appréciable. Le fil rouge central reste la confrontation avec son passé de Carl/Simon : il va falloir, à lui et à ses proches, aller au-delà de ses mensonges et de sa fuite en avant permanente, qui sont autant de mécanismes de défense, de survie, qu'il a mis en place en deux décennies. C'est avec prudence et une intensité émotionnelle marquante que la série réalise cela, délivrant une histoire dense qui ne peut laisser insensible.
Formellement, Aveux est une œuvre solide et réussie. La série se construit sa propre identité visuelle, avec une caméra dynamique qui suit les personnages et des flashbacks en noir et blanc incrustés dans le récit. La réalisation est travaillée, la photographie soignée. La bande-son est pareillement bien dosée, jamais intrusive, mais accompagnant parfaitement la tonalité des scènes concernées. Le générique, avec sa musique et ses ruptures, en devient même presque entêtant, symbolisant toutes les ambiguïtés sur laquelle la série joue.
Enfin, Aveux réunit un casting solide et homogène qui s'efforce de respecter le souci d'authenticité de la fiction. Carl/Simon Laplante est interprété par Maxime Denommée (Un monde à part). Ses parents sont joués par Guy Nadon (Musée Eden) et Danielle Proulx (Les héritiers Duval), tandis que Evelyne Brochu (Mirador, Orphan Black) est sa soeur, Joliane. Catherine Proulx-Lemay (Unité 9) incarne sa femme. Dans leur entourage proche, Marie-Ginette Guay (Chabotte et fille) est l'ancienne directrice d'école dont le mari s'est suicidé il y a presque vingt ans, Benoît McGinnis (Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Trauma) jouant son neveu et celui par lequel les retrouvailles ont lieu puisqu'il est le premier à retrouver Carl/Simon par hasard. Interprétant le petit ami de Joliane, Steve Laplante (Mirador, Tu m'aimes-tu ?) est parfait dans un rôle de poil-à-gratter, trop curieux, voire provocateur. On retrouve également Marie-Hélène Thibault (Providence), Vincent Bilodeau (Les Bougon : C'est aussi ça la vie), Micheline Bernard (Vice caché), Pier Paquette, mais aussi René Gagnon dans le rôle de Sandrine.
Bilan : Récit de retrouvailles qui précipitent au grand jour de terribles secrets et des non-dits sur lesquels des quiproquos se sont bâtis, Aveux nous fait revenir sur deux décennies qui ont déchiré de l'intérieur la famille Laplante. C'est une série intense émotionnellement, qui sait jouer sur ses mystères et les questions qu'ils suscitent pour capturer l'attention du téléspectateur et construire un suspense. Misant sur une authenticité travaillée, son écriture fine et nuancée permet d'aborder sans artifice des thèmes durs et des sujets très sensibles. Elle a le souci constant de les traiter avec sincérité et beaucoup de justesse, évitant ainsi bien des écueils. Capable de passer du rire aux larmes, de moments profondément bouleversants à des passages chargés de chaleur humaine, Aveux est tout simplement un magnifique moment de télévision... et certainement mon coup de cœur sériephile des visionnages de septembre. A découvrir.
NOTE : 8,25/10
Le générique de la série :