Où il est question de routine!

Par Vivresansargent

29/09/13

Quinze jours, presque. Deux cent kilomètres, presque. Dix sandwichs, presque. Mille rencontres, presque. Beaucoup d’émotions, de sensations et de sentiments à l’heure de faire mon premier bilan.

Le voyage est bel et bien lancé. La routine du pèlerin se met en place.

Quoi que l’on fasse, quelque soit notre statut, nos responsabilités, notre rôle dans la société, du roi au servant, la routine propre à chaque situation, est reine en la demeure. Notre société nous incite, en usant de mille divertissements, à briser la routine de notre quotidien, à la repousser tel un ennemi sanguinaire. J’ai longtemps lutté. J’ai longtemps dépensé beaucoup d’énergie pour essayer de tuer cette routine qui me semblait destructrice. Je me trompais. Il m’a fallu me révolter et me dresser un nombre de fois incalculable et à chaque fois perdre la partie, pour finir par comprendre que la routine ne doit pas se fuir mais se dompter. La nuance est de taille. Il n’y a pas de différence entre la routine du père de famille qui chaque jour se lève, accompagne son enfant à l’école et calque le rythme de sa journée sur celui de cet enfant qu’il faut servir et éduquer et la routine du moine qui tout le long du jour, suit le rythme du gong, des prières ou des rituels du monastère. La routine est un défi que la vie nous offre inlassablement et très généreusement, jusqu’à ce que l’on comprenne qu’une fois ce défi relevé, une grande force et une grande sérénité nous pénètre et nous caractérise. J’ai découvert que ce défi est relevé lorsque l’on accepte la routine, sa routine. Il ne s’agît pas de se résigner, de courber l’échine et d’abandonner, en se disant qu’il n’y a rien à faire, si ce n’est se taire et pleurer. Il s’agît, d’après moi, de se mettre debout, de sourire et d’accueillir les bras grands ouverts toutes les tâches, y compris les plus ingrates, qui constituent notre quotidien. Avec un état d’esprit joyeux et lumineux, laver la vaisselle devient un moment ou l’on a l’occasion, la chance même, de pouvoir développer notre force intérieure. Quand on met le doigt dans ce cercle vertueux, chaque situation devient un tremplin. Plus la situation est, a priori, pénible, plus la récompense est grande quand elle est bien appréhendée, bien gérée. Avec cet état d’esprit en poche, on se surprend, un jour, à chercher les événements délicats, les épreuves. Mon secret réside dans la juste mesure, un pas après l’autre. Si je ne suis pas capable de rester positif quand je fais la vaisselle comment pourrais-je rester positif en cas de mal de tête. Si je deviens malheureux quand j’ai mal à la tête comment pourrais-je espérer être heureux en cas de perte d’un doigt. Si je sais rester heureux avec un doigt en moins, je peux espérer l’être encore si je devais perdre l’usage de mes jambes. Et si j’accepte d’être à se point handicapé je pourrais certainement accepter de mourir. Je crois qu’une vie heureuse, paisible et sereine n’est possible que là où la mort est acceptée, totalement. Avant de pouvoir sourire devant la mort, il nous faut passer en cuisine. Vive l’éponge, la vaisselle et le torchon !

Hier, j’ai tordu le coup de ma routine de pèlerin, à mon arrivée à Champfleury, petit village au sud de Reims. J’aperçois une bande de copains qui jouent au football devant la mairie. Je viens juste de repérer un porche attenant à l’église, près du cimetière. Dormir avec les morts ne me dérange pas. Néanmoins, je suis en panne d’eau. Je demande aux jeunes si il y a une fontaine dans le coin. A ce moment là j’aperçois un homme qui fait prendre l’air à ses enfants. Je le salue et on fait les présentations. Je lui demande de l’eau. Il me donne de l’eau. On parle un peu de ma route, de mon itinéraire et de fil en aiguille, il va chercher une carte détaillée du coin et ainsi, je visualise bien la direction à prendre pour le lendemain.

Dans la conversation, je lui dis que je vais dormir près de l’église. Il me dit de m’assurer que la personne responsable du cimetière, Simone, ne va pas fermer la grille à la tombée de la nuit. Il se propose d’aller avec moi et ses enfants dans leur charrette, à la rencontre de cette dame. En chemin, il s’arrête. Il me regarde. Dans un sourire, il me propose un vrai lit, une vraie douche et une vraie chambre ! Merveilleux. D’autant plus que je ne me suis pas douché depuis deux jours et que j’ai dû me toiletter avec des lingettes pour bébé, ce qui est efficace mais pas très relaxant.

J’ai passé une soirée très agréable chez ce couple de médecin très accueillant. Le repas était succulent, fruits de mer avec un fond de Riesling. Mon meilleur repas depuis mon départ. Après le repas, une fois les enfants couchés et le calme revenu dans la maison, Mathieu et moi avons eu une discussion très intéressante. En effet, il est un médecin très ouvert d’esprit et tout à fait à l’écoute. Notre échange à été passionnant car notre point de vue sur la médecine est différent. Je suis de ceux qui pensent que le malade doit être considéré dans son ensemble et que de se concentrer sur les symptômes n’est pas la meilleur méthode pour parvenir à la guérison. C’est le fameux conflit entre la médecine allopathique et holistique. C’est un débat passionnant. Comme il est agréable de pouvoir communiquer nos différences sans entrer en conflit. Je fais juste le constat que notre santé se dégrade. On vit plus longtemps mais pour la plus part, le prix à payer est immense. C’est comme si nos vieillards étaient drogués pour rester debout ou pour continuer à respirer. Depuis peu est introduit dans nos sociétés, la nouvelle notion d’espérance de vie sans incapacité. Les chiffres dégringolent :  61 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes, à l’échelle européenne (2009). Ces chiffres révèlent une vérité. Nos vieillard survivent puis meurent en mauvais état.

Je suis de ceux qui savent que le meilleur médicament est notre état d’esprit, notre mental, la couleur de nos pensés. La joie est le remède. A l’inverse, les pensés sombres, la colère, le ressentiment, les tensions, le stress, la haine, la rancœur et toutes les autres négativités nous apportent maux et souffrances.

Un immense merci Mathieu pour ce moment passé en ta demeure.

Le bonheur, c’est la santé !

Essayez, vous verrez.