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La saga des légumes bios

Publié le 02 octobre 2013 par Rolandbosquet

bio

   La mode était à la consommation de légumes bios. Les consommateurs se précipitaient chaque samedi matin sur la place du marché de leur quartier et remplissaient leurs cabas de tomates bios, de concombres bios, de carottes, petits pois et navets bios. Les producteurs de légumes bios se frottaient les mains. Pour certifier la qualité bio de leurs productions, il leur suffisait d’apposer un label bio sur leur emballage biodégradable et les vendre plus cher que les produits de consommation courante réservés désormais aux pauvres. Et des cargos géants, des avions spéciaux et des camions longs comme des immeubles de quatre étages acheminaient ces merveilles jusqu’aux étals des marchés, des supermarchés et des petites épiceries de quartier ouvertes jusqu’à 22 heures. Puis, sous la pression des lobbies écologistes, la mode évolua. Les légumes se devaient d’être désormais non seulement bios mais aussi de proximité. L’objectif étant de limiter  la production du gaz CO2 si nocif pour la planète. Hélas, les quantités devinrent insuffisantes pour répondre à la demande d’une clientèle de plus en plus étendue et exigeante. Le cours de la laitue romaine s’envola vers des sommets himalayens. Il fallut réagir. Les maraîchers les plus entreprenants recouvrirent alors leurs champs de tunnels de plastique. Ainsi abritées des intempéries et cultivées hors-sol,  d’innombrables et belles salades aux  feuilles tendres et croquantes à la fois gagnèrent bientôt les étals. Carottes, haricots, petit-pois et salsifis les rejoignirent en compagnie des topinambours, des céleris raves et autres panés. Le monde allait incontestablement tourner bien mieux désormais lorsque de nouveaux problèmes surgirent. Ces merveilleux légumes exigent d’être  nettoyés à grande eau, épluchés avec soin et cuits longuement avant de devenir mangeables. La consommation d’eau potable augmenta. La consommation d’électricité d’origine nucléaire l’imita. En contrepartie, le temps de repos dominical de la ménagère diminua. Le stress la gagna dès le vendredi soir à l’idée des courses contre la montre qui l’attendaient le lendemain. Elle languit bientôt au point de perdre l’appétit. Ce qui était un comble face à des légumes aussi bénéfiques pour sa santé. Elle consulta. La faculté prescrivit des bêtabloquants, des  anxiolytiques, des antidépresseurs et même des neuroleptiques pour les cas les plus douloureux. Les laboratoires pharmaceutiques s’apprêtaient à  lancer de grandes campagnes de publicité en faveur des produits bios de proximité lorsque l’un d’eux, sentant le vent venir, réinventa la phytothérapie. Associez quatre plantes telles que la passiflore, la ballote, l’aubépine et la valériane et votre cuisinière retrouvera la sérénité et peut-être même le sourire. La nouvelle médication rencontra un succès d’autant plus foudroyant qu’elle était "naturelle". Hélas, la passiflora-incarnata est d’une production capricieuse et fort lointaine. L’explosion de la demande pesa sur son cours qui s’envola vers des sommets stratosphériques. Il fallut réagir. Sentant le vent venir, un importateur entreprenant signa des contrats particulièrement rémunérateurs avec des pays en voie de développement. On arma des cargos, on affréta des avions, on chargea des camions longs comme des immeubles de quatre étages pour acheminer les précieuses feuilles jusqu’au laboratoire. Le monde se remit alors à tourner presque moins mal qu’avant. Mais pour combien de temps ? Selon certains syndicats, le laboratoire menacerait de délocaliser sa production phytothérapique. On voit par là que même lorsque le progrès avance à grands pas, le monde n’en tourne pas toujours mieux pour autant.

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