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Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 19 septembre 2013

Publié le 21 septembre 2013 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 19 septembre 2013

Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 19 septembre 2013

Encore un exemple de la difficulté de concilier liberté de la presse et protection de la vie privée !

L'AFFAIRE DES PHOTOS DE LA PRINCESSE DE HANOVRE

S'agissant des personnes publiques, celles-ci ne peuvent pas prétendre à une protection de leur droit à la vie privée de la même manière que des personnes inconnues du public.  La haute juridiction européenne exécute la délicate opération de balancier des intérêts en présence et conclut que :Les juridictions allemandes ont respecté un équilibre raisonnable s’agissant du respect de la vie privée et familiale de la princesse Caroline de Hanovre.
Dans son arrêt de chambre, non définitif, rendu le 19 septembre 2013, dans l’affaire von Hannover (n° 3) c. Allemagne(requête no 8772/10), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité qu’il y a eu :
"Non-violation de l’article 8 (droit à la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme."

L’affaire concerne la plainte de Caroline de Hanovre à l’encontre du refus des juridictions allemandes d’interdire toute nouvelle publication d’une photo prise à leur insu pendant leurs vacances, la montrant avec son mari.
Cette photo est assortie d’un article dont le sujet est la tendance en cours parmi les gens fortunés à offrir à la location leurs propres maisons de vacances.
La Cour a jugé que les juridictions allemandes ont pris en considération les critères essentiels pour la mise en balance des différents intérêts en jeu dans l’affaire, ainsi que la jurisprudence de la Cour.
La requérante est la princesse Caroline de Hanovre, ressortissante monégasque, née en 1957 et résidant à Monaco. Elle essaie de faire interdire, souvent par voie judiciaire, la publication de photos portant sur sa vie privée. Ces procédures ont fait l’objet de l’arrêt Von Hannover c. du 24 juin 2004, dans lequel la Cour a conclu que les décisions judiciaires avaient porté atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie privée
Par la suite, Caroline de Hanovre et son mari engagèrent d'autres procédures tendant à l’interdiction de nouvelles photos parues dans des magazines allemands entre 2002 et 2004.
La Cour fédérale de justice les débouta partiellement de leurs demandes et la Cour constitutionnelle fédérale rejeta les recours de la requérante. Ces procédures ont fait l’objet de l’arrêt de Grande Chambre du 7 février 2012, dans lequel la Cour a conclu que les décisions judiciaires n'avaient pas porté atteinte au droit au respect de la vie privée de Caroline de Hanovre et de son mari.
Dans la présente requête, la photo litigieuse a été publiée dans le numéro du 20 mars 2002 du 7 Tage. Elle montre la requérante et son mari en vacances à un endroit inidentifiable. Sur la même page et la suivante sont reproduites plusieurs photos de la villa de vacances de la famille de Hanovre située sur une île au Kenya.
Ces photos sont accompagnées d’un article qui rapporte que les personnalités ont pris pour habitude de louer leurs maisons de vacances.
L’article décrit ensuite la villa de la famille de Hanovre et révèle le détail du mobilier, le prix de la location par jour et les différentes manières de passer une journée de vacances.
Un petit encadré au milieu du texte comporte deux phrases en caractères plus gros : « Les gens riches et beaux sont également « économes». Beaucoup d’entre eux louent leurs villas à des hôtes payants.»
La requérante engagea une procédure devant les juridictions allemandes visant à faire interdire toute nouvelle publication de la photo.
En dernier lieu, la Cour fédérale estima que celle-ci était un personnage public et que si la photo ne concernait pas un sujet d’intérêt général, la liberté d’expression de la société éditrice du journal ne devait pas céder devant le droit de la requérante à la vie privée, et exposa pourquoi le reportage écrit était à même de susciter un débat d’intérêt public, et pourquoi il pouvait de ce fait être assorti de cette seule image. La Cour fédérale de justice estima aussi que la photo en tant que telle n’avait pas d’effet de violation propre.
Devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, la requérante se plaignait du refus des juridictions civiles allemandes d’interdire toute nouvelle publication de la photo litigieuse parue dans le magazine 7 Tage du 20 mars 2002 comme étant contraire à cet article.
Sur ce la Haute juridiction européenne rappelle que dans ses arrêts Axel Springer AG et Von Hannover (n° 2) elle avait précisé les critères pertinents pour la mise en balance du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression :
"La contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée et l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication et, en ce qui concerne les photos, les circonstances de leur prise."

La Cour note que, dans la présente requête, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que si la photo litigieuse ne contribuait pas à un débat d’intérêt général, il n’en allait pas de même pour l’article qui accompagnait la photo et rendait compte de la tendance actuelle des célébrités de mettre leurs résidences de vacances en location.
La Cour constitutionnelle fédérale et, à sa suite, la Cour fédérale de justice ont relevé que l’intention du reportage était de rendre compte de cette tendance, et que ce comportement pouvait contribuer à un débat d’intérêt général.
La Cour note par ailleurs que le texte de l’article ne donne pas d’éléments appartenant à la vie privée de la requérante ou de son mari, mais se consacre aux aspects pratiques concernant la villa et sa location.
On ne saurait donc soutenir que l’article n’était qu’un prétexte afin de pouvoir publier la photo litigieuse et que le lien entre l’article et la photo était purement artificiel. La qualification, par la Cour constitutionnelle fédérale, puis par la Cour fédérale de justice, de l’objet de l’article comme événement d’intérêt général ne saurait passer pour déraisonnable.
La Haute Juridiction européenne peut donc admettre que la photo litigieuse ait apporté une contribution à un débat d’intérêt général.
En ce qui concerne la notoriété de la requérante, la Cour rappelle qu’elle a déjà estimé à plusieurs reprises que, la requérante et son mari, devaient être considérés comme des personnes publiques qui ne peuvent pas prétendre à une protection de leur droit à la vie privée de la même manière que des personnes inconnues du public.
Constatant que les juridictions nationales ont pris en considération les critères essentiels ainsi que la jurisprudence de la Cour pour la mise en balance des différents intérêts en jeu, la Cour conclut que les juridictions nationales n’ont pas manqué à leurs obligations positives et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
+Elisa VIGANOTTI 

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