La rareté n'a pas de prix !

Par Maigremont

Je ne vais pas vous parler du prix des vins, en relation avec la rareté. Non, pas de énième débat là-dessus. Vous en voulez de la nouveauté ? En v'là ! La thématique de notre dernière rencontre était "cépages rares ou oubliés". Si vous voulez préparer une dégustation complète qui réponde à ce thème sans avoir à cravacher partout en France ou à chercher sur le net, il n'y a qu'une solution étonnante : allo, Vins Etonnants ? Quelques échanges avec Eric Bernardin, que l'on connaît bien ici en Normandie, puisque c'est avec lui et l'ami Pierre que nous avions créé il y a quelques années le comité régional Haute-Normandie du forum LPV. Il a pas mal bourlingué voyagé depuis, mais je crois qu'il s'éclate désormais avec l'autre Eric (Repert) chez Vins Etonnants.
Sa mission du jour : nous préparer une liste d'OVNI (Objets Vinicoles Non Identifiés) à base de cépages rares et/ou oubliés !

Let's go. A l'aveugle, 2 verres de bulles sont servis pour lancer la soirée. Le premier est sur un registre très fruits (poire), sur une fine acidité, une pointe de rondeur et une longueur moyenne. Le second est radicalement différent : arômes de café qui dominent, le nez est d'emblée plus riche. En bouche, il y a plus de volume et de longueur. Il s'agit de deux domaines très proches physiquement : Vouvray Pétillant 2005 de Huet et le Vouvray Réserve 2007 du Clos Naudin de Philippe Foreau. Le premier sur la finesse, le second avance d'avantage de puissance. Bref, deux styles radicalement différents.

Passsons à notre thématique. Les vins sont servis étiquettes découvertes.

Champagne Laherte frères, cuvée "les 7" (dégorgement janvier 2013, dosage 3,5 g). Les 7 pour sept cépages qui entrent dans la composition de cette bulle : 10 % fromenteau (pinot gris), 8 % arbanne, 14 % pinot noir, 18 % chardonnay, 17 % pinot blanc, 18 % pinot meunier et 15 % petit meslier. A l'ouverture, la bulle est un peu envahissante. Je pense qu'un petit passage en carafe ou une ouverture une bonne dizaine de minutes avant pourrait la canaliser. Très joli fruit au nez, étayées par quelques notes fumées. L'attaque de bouche est une bombe : l'acidité élevée s'installe rapidement, en véritable sabre laser. C'est tendu, mais pas citrique. Très belle longueur, relevée par une pointe de sel. Ca commence bien avec ce Champagne de très haut niveau ! Superbe. Bon, 48 €.

Rav par six, Vin de France (lot 10), Cave Mondon-Demeure (Loire). Un blanc à base du cépage hybride Rava 6. Le vin est dans l'ensemble léger, aérien sur des notes muscatées (sans l'exubérance) et salines. Original et déroutant.

VDP des Côtes de Brian 2011, "Emmenez-moi au bout du Terret", le Clos du Gravillas (cépage Terret gris, 2500 bouteilles). Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça cause pas beaucoup dans le poste. C'est encore plus fin que le Rav 6. A moins que la bouche ne propose des saveurs citronnées soutenue par une légère amertume.

Vin de Table, "A Ferdinand", Privat frères (vin du Gard, sans soufre à base de plein plein de raisins différents : clairette rose et blanche, grenache noir et blanc, cinsault, bourboulenc, piquepoul, aubuns...). Couleur relativement claire. Vin sur les épices douces et les petits fruits rouges. Bouche légère, ne manquant pas de gourmandise, tannins très fins. Le parfait vin d'été qui ne vous fera pas mal à la tête. C'est bon.

Vin de France 2011, "les Mals Aimés", Pierre Cros (Aude. Aramon, alicante, piquepoul noir, carignan). Jolie couleur violine. Beau nez expressif, de fruits noirs et de poivre. Bouche juteuse, pleine de fruits, parfaitement structurée et équilibrée où la charge tannique viendra au moment du repas épouser avec bonheur la basse côte cuite au BBQ. Très beau vin, à la fois gourmand et sérieux.

Côtes de Brian 2012, Noir de Piquepoul : un noir de Piquepoul by Jeff Carrel himself. Le nez explose le jus de fruits rouges : c'est du jus de framboise même. Beau vin, gourmand, à l'aspect incisif et longiligne. Pour 6,5 €, on n'est pas volé et on a même le droit d'oublier son tirebouchon grâce à la capsule à vis !

Bordeaux 2010, château de Bouillerot, "Cep d'Antan" : un nom de cuvée évocateur, à l'assemblage qui ne comporte aucun des cabernets ni merlot, mais de carménère, petit verdot et malbec à parts égales. Le vin est encore jeune, annonçant en bouche une amertume prononcée et un trait végétal par vraiment bienvenue. Laissons lui quelques années qu'il se mette en place, car en l'état, même si ça reste bien fait, le plaisir n'est pas au rendez-vous. A suivre...

Vin de Table, Cave Mondon-Demeure (Loire), Baco (cépage Baco noir) : salin et citrique au nez. Bouche portée par une acidité très élevée qui surpasse un végétal modéré. Pas compliqué, mais amusant.

Gaillac doux 2012, domaine Plageoles (mauzac roux) : un bien joli vin encore, frais et digeste, jouant plutôt sur le moëlleux que sur le liquoreux, sur des notes de coing, d'abricot sec et de sucre candi. Finale un peu lâche, mais une remarquable aromatique. Bien

Vi Ranci, Laureano Serres (granche blanc et gris). Un catalan oxydatif élevé en solera (122 bouteilles pour ce fût). Une espèce de bombe vinicole évoquant le vieux Rhum, la rancio, l'Amontillado sur une oxydation ménagée. En bouche, ce sont fruits secs (noisette) et tilleul. Le vin s'étire longuement tout en complexité ! Magnifique vin, qui n'utilise pas de cépages rares ou oubliés, mais dans un style à part, très intéressant. Et à 23 € ça les vaut largement !