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Nos lointains ancêtres ont pu profiter de la lumière diffusée par notre trou noir

Par Memophis

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Il y a environ 2 millions d’années, à l’époque où nos ancêtres apprenaient à marcher debout, une lumière est apparue dans le ciel de la nuit, rivalisant avec la lune par sa luminosité et sa taille. La lueur venait du trou noir supermassif au cœur de notre galaxie…

Cette image romancée émerge d’une étude dévoilée cette semaine lors d’une conférence à Sydney, en Australie, qui a ingénieusement réuni deux morceaux, apparemment sans rapport, d’un puzzle galactique.

En plus d’offrir un bon moyen de résoudre deux énigmes à la fois, elle nous donne un aperçu inattendu sur la façon dont l’univers a pu apparaitre aux terriens (Homo erectus,Homo habilisAustralopithecus sediba) il y a 2 millions d’années*. Elle dépeint aussi destrous noirs supermassifs, imprévisibles et capables de générer certains des plus brillants jets de lumière dans l’univers, laissant la possibilité que les humains modernes puissent profiter d’un spectacle similaire dans le futur.

* Il ne pourrait exister aucune trace de cet évènement, sous une forme artistique, laissée par nos ancêtres, car le comportement artistique est estimé être apparue au cours des 100 000 dernières années.

Il peut sembler étrange de parler de trous noirs supermassifs comme étant la source des plus brillantes lumières de l’univers. Mais pourquoi le centre de certaines galaxies, appelé noyaux actif de galaxie ou AGN (pour Active Galactic Nucleus), brille avec tant d’éclat ? L’idée est que le trou noir supermassif attire la matière, celle-ci s’accumule dans un disque environnant, se réchauffe et commence à briller. Lorsque de grandes quantités de matière s’engouffrent dans le disque, l’énergie est libérée sous forme de jets de particules lumineuses perpendiculaires à la rotation du trou noir.

Représentation artistique d’un trou noir supermassif entouré par un disque chaud d’accrétion, alors que de la matière en rotation est dirigée dans un jet bleu effilé. (NASA)

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Simulation des jets de particules formé par un trou noir (noyaux actifs de galaxies ou AGN) en pleine activité (KIPAC) 

Le trou noir au centre de la Voie lactée, appelé Sagittarius A *, est actuellement assez tranquille, mais personne ne sait exactement ce qui fait qu’un trou noir se transforme en AGN. L’indice, que notre galaxie n’a pas toujours été aussi calme, est apparu en 2010, quand des astronomes à l’aide des télescopes du satellite Fermi, de la NASA, ont repéré une paire de spectaculaire et mystérieuse structure, appelée maintenant les bulles de Fermi (en rose dans l’image ci-dessous), dominant 25 000 années-lumière au-dessus et en dessous du plan galactique. Les théories pour expliquer ces bulles vont des rayons gamma émis par l’annihilation de la matière noire, aux vents supersoniques déclenchés par des éclats intenses de la formation d’étoiles.

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Puis en avril, lors d’une réunion à l’Université de Stanford en Californie, Bill Mathews et Fulai Guo, de l’Université de Californie, ont fait valoir que les bulles ont été causées par une explosion de Sagittarius A *. Leurs simulations ont montré que deux jets intenses de particules de haute énergie, comme ceux produits par un noyau actif de galaxie (AGN), diffusés à partir du voisinage du trou noir, auraient pu créer des bulles. La soudaine flambée, selon leur calcul, aurait eu lieu il y a entre 1 et 3 millions d’années pour durer quelques centaines de milliers d’années.

Après avoir entendu cela, le professeur Bland-Hawthorn (université de Sydney, Australie), qui était présent, s’est immédiatement rendu compte qu’une telle explosion pourrait résoudre un autre vieux mystère. En 1996, les astronomes ont découvert qu’une partie du courant Magellanique, un courant rapide de gaz, principalement composé d’hydrogène à environ 240 000 années-lumière de la Voie Lactée, s’illumine environ 10 à 50 fois plus intensément que le reste.

La plus récente image du courant gazeux/ magellanique présenté en rose. La Voie lactée est la bande bleu clair au centre de l’image. (via : Les origines de la longue, riche et chaude écharpe qui entoure une grande partie de notre galaxie)

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Est-ce que c’est cette explosion, qui a gonflé les bulles de Fermi ? Après tout, la partie lumineuse du courant se situe en dessous du centre galactique, comme vous pouvez le voir dans l’image ci-dessus.

Pour son enquête, Bland-Hawthorn a fait équipe avec d’autres astronomes, dont Gregory Madsen de l’Université de Cambridge, qui a étudié le courant Magellanique depuis des années. Une explosion de lumière UV pourrait expliquer pourquoi une partie du flux était si lumineux, car elle peut réduire en pièces les atomes d’hydrogène qui, en se recombinant, émettent de la lumière dans le processus.

Basés sur des données provenant d’autres galaxies avec des trous noirs supermassifs qui rejettent des particules sous forme de jets lumineux, les chercheurs ont estimé que, si Sagittarius A * avait été tout aussi actif, la lumière UV en résultant aurait effectivement ionisé (et donc éclairée) une partie du courant Magellannique. Ils ont ensuite calculé la période et l’énergie d’une telle explosion, basé sur le temps qu’il faudrait pour que la lumière UV atteigne le courant, la décroissance de l’intensité des émissions d’hydrogène dans le temps et le temps qu’il faut aux émissions pour nous atteindre. Cela correspondait bien au travail de Mathews et Guo pour expliquer les bulles de Fermi.

Ainsi, un AGN (noyau actif de galaxie) au centre de notre galaxie, il y a 2 millions d’années, résout potentiellement deux mystères à la fois. Qui plus est, il pourrait également soutenir un nouveau point de vue sur les trous noirs supermassifs : de nombreux théoriciens estiment que les AGN se produisent seulement quand des galaxies fusionnent. Mais ce n’est pas le cas de notre Voie lactée (depuis, au moins, des milliards d’années). Ainsi, il semble être possible d’obtenir un AGN dans d’autres circonstances.

Ceci faisant écho à de récents travaux de modélisation de Greg Novak de l’Observatoire de Paris et Jérémie Ostriker de l’Université de Princeton. Ils suggèrent que les AGN peuvent être déclenchées par le gaz galactique se déplaçant vers l’intérieur, après qu’une grande quantité de celui-ci se soit refroidie et par des disques instables de gaz et de poussière qui se disloquent et tombent dans un trou noir. Cela rendrait les poussées flamboyantes des AGN beaucoup plus erratiques et imprévisibles.

Pour Novak au vu des derniers travaux :

Cela indique qu’il y a seulement quelques millions d’années, un instant en termes galactiques, la Voie lactée était éclatante en terme de luminosité, liée à l’incroyable activité de son AGN.

Il est possible que Sagittarius A * puisse de nouveau avoir ce type d’activité (un AGN), selon Bland-Hawthorn. Ce serait catastrophique pour les mondes près du centre galactique. Mais les terriens modernes, tout comme leurs ancêtres beaucoup trop éloignés, profiteraient sans danger d’un bien étrange spectacle.

L’étude publiée sur Arxiv : Fossil imprint of a powerful flare at the Galactic Centre along the Magellanic Stream, arXiv, 2013, arxiv.org/abs/1309.5455.


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