Mes livres reposent sur des exemples. Pour leur en fournir, je me suis penché sur
les réformes de l’Etat. Voici un résumé ce que je retire de ces études. Premier
volet, les
gouvernements qui se sont succédés depuis 68 jusqu’à 2007.
Le principe de leurs réformes est une pensée magique : libéraliser l’économie française la
rendra plus efficace.
La stratégie des gouvernements d’après guerre était : plein
emploi. Ce qui amenait à maintenir
en vie des secteurs non concurrentiels. A partir des années 70, on a laissé
sombrer ces secteurs. Surtout on a combattu les rigidités : chômeurs,
intérimaires, intermittents, vacataires, pigistes se sont multipliés. Les petites
entreprises, plus récemment les auto-entrepreneurs, sont devenus une variable d’ajustement.
Mais cette flexibilité a un coût. Les chômeurs, par exemple, sont payés à ne
rien faire. D’où cercle vicieux.
Plus la France est flexible, plus cela coûte cher à l’Etat, plus il doit
prélever d’impôts, moins l’entreprise est compétitive, plus elle demande de
flexibilité. Le marché est aussi (surtout ?) déprimé. L’incertitude du chômage,
la perte de compétitivité de l’entreprise... conduisent probablement à un
phénomène de contraction (désinvestissement, etc.). Et les grandes entreprises
(cf. Airbus) quittent le pays.
La faille de notre modèle ? C’est la solidarité. Ceux
qui ne sont pas flexibles paient pour ceux qui le sont, et cela enlève tout
intérêt à la flexibilité. Pour casser ce cercle vicieux, M.Schröder a cassé la
solidarité. Logique.
H.Arendt propose une modélisation
de ce changement. C’est la « banalité
du mal ». Les gouvernements gaullistes et socialistes sont
fondamentalement antilibéraux (au sens financier du terme). Mais, en croyant
faire preuve de pragmatisme, ils ont compromis leurs valeurs. A petits pas, le
loup est entré dans la bergerie. L’Etat ne peut plus fonctionner. Et sans Etat,
notre « flexibilité » est de l’ultralibéralisme version Dickens.