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Droite/Gauche : un débat tranché par l'expérience

Publié le 08 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Philosophie | Politique

Droite/Gauche : un débat tranché par l'expérience

Publié le 8/10/2013

Les peuples ont été les cobayes des idéologues avec un résultat qui est aujourd’hui mesurable et incontestable.

Par Guy Sorman.

Droite/Gauche : un débat tranché par l'expérience

Si l'on devait ramener tout débat politique à sa nature essentielle, l'opposition entre la droite et la gauche, entre les socialistes et les libéraux ne repose que sur deux conceptions contradictoires de la société. Pour les socialistes, sociaux-démocrates, communistes – autant de déclinaisons plus ou moins radicales d'un même concept – il existe une condition humaine qui peut et doit être améliorée au nom du progrès et de la solidarité. Cette amélioration peut et doit être dictée par une élite éclairée qui façonnera la société par les moyens mécaniques de la politique et de l'économie. À l'inverse, les libéraux proposent une conception organique de la société : les individus quand ils sont libres de leur choix, évoluent naturellement vers un monde meilleur en empruntant le chemin de l'expérimentation. Cette démarche organique, spontanée et expérimentale – tout libéral en convient – n'opère que dans un État de droit dont l'État est le garant mais pas le gérant.

On peut faire remonter cette opposition de l'organique et du mécanique, des libéraux et des socialistes, aux débats philosophiques du 18e siècle dans l'Europe des Lumières ; mais c'est véritablement au 20e siècle, que ces conceptions philosophiques se cristalliseront en idéologies politiques. Mais comment trancher par la philosophie entre le vrai et le faux ? On ne le peut pas. En revanche, le 20e siècle ayant été celui des idéologies appliquées dans leur rigueur parfois extrême, c'est par leur résultat qu'il est permis de distinguer ce qui améliore la condition humaine ou l'appauvrit. On regrettera évidemment qu'il ait fallu graver de l'idéologie à même la peau des hommes pour en constater les vertus ou les dégâts, mais c'est ainsi : les peuples auront été les cobayes des idéologues avec un résultat qui est aujourd’hui mesurable et incontestable.

La vision mécaniste de la société, doucement social-démocrate ou cruellement communiste, n'aura propagé que la dépendance des hommes envers les apparatchiks : la perte de liberté individuelle, la réduction des choix, l'appauvrissement de la responsabilité personnelle – une sorte de déshumanisation lente – tel aura été le cortège du socialisme appliqué. Insistons sur les termes de « socialisme appliqué » car il s'agit bien ici du résultat concret de l'idée socialiste et non pas de l'idée en elle-même, une application qui aura parfois tenté les apparatchiks de droite autant que de gauche.

À l'inverse, depuis les années 1980, la chute du Mur de Berlin, l'abandon du communisme réel en Chine, du socialisme réel au Brésil, en Inde ou en Tanzanie, la faillite des États-providence en Europe occidentale, la reconversion des travaillistes et socialistes en Sociaux-libéraux de type Tony Blair ou Gerhard Schroeder ont démontré que le grand débat qui aura consommé deux siècles de politique, n'avait plus lieu d'être. Les libéraux ont expérimentalement gain de cause : la bonne société est celle où les individus sont libres de s'auto-organiser dans les limites du droit. L'économie qui progresse est celle où l'entrepreneur innove, pas celle que l'État planifie. La société juste est celle où la croissance permet la redistribution, celle aussi où les institutions de la solidarité, privée et publique, peuvent être librement expérimentées.

Que dans l'avenir la droite et la gauche alternent au pouvoir restera une norme, mais cette alternance perdra son caractère révolutionnaire : un consensus implicite réunit, de fait, les partis de gouvernement autour de la société organique plutôt que mécaniste. On s'étonnera qu'il ait fallu si longtemps et autant de peines pour reconnaître l'existence d'une Nature humaine qui ne cède pas aux injonctions totalitaires. C'est que, sans doute, individu ou nation, nul n'apprend jamais que par sa propre expérience.

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