Toubib, soigne moi, et je t'emmerde
Publié le 8/10/2013
La santé en France est un droit pour tous ; chacun a le droit d'être soigné, peu importe qu'il faille pour cela entraver la liberté des médecins.
Par Baptiste Créteur.
Il y a quelques mois, le gouvernement de la République Socialiste de France a réduit la marge de manœuvre des médecins. Après 10 ans d'études pour apprendre à sauver des vies, après des nuits interminables de gardes et des concours aux numerus clausus restrictifs, les médecins se voyaient dicter un peu plus leur conduite ; pour pérenniser la santé soviétique à la française, leur marge de manœuvre tarifaire devait être réduite.
Évidemment, il reste d'infâmes bougres pour penser qu'il n'est pas indécent de gagner leur vie par leur activité. En organisant efficacement leur pratique, en réduisant les coûts et en spécialisant les activités, certains médecins parviennent à réduire les coûts et les délais, et ça ne plait pas à l'ordre des médecins qui doit s'assurer que la médecine est accessible, mais pas trop. h16 en parlait récemment ; l'ordre des médecins en appelle au gouvernement pour que l'"ophtalmologie" fasse toujours l'objet d'une association d'idées avec "trois mois d'attente pour un rendez-vous".
Le conservatisme des médecins est compréhensible ; après tout, cela fait des décennies qu'on ne cesse de répéter que les résultats sont avant tout une question de moyens. Il n'est pas simple de comprendre que la pratique médicale peut, comme toute activité humaine, être optimisée - comme il n'est parfois pas simple de comprendre que cette optimisation a des limites, que l'esprit humain repoussera progressivement.
Compréhensible, mais déraisonnable. La question n'est pas de savoir si les médecins qui parviennent à offrir la même qualité plus rapidement et moins cher pratiquent une concurrence déloyale ; la question est de savoir ce qui sert le mieux les patients. La concurrence déloyale, c'est utiliser la force de l’État et se cacher derrière un ordre pour protéger un avantage, une rente, pour maintenir une pratique médicale d'un autre temps. Oui, le médecin de famille et le médecin de campagne ont de beaux jours devant eux. Non, ils ne sont pas la seule réponse possible aux besoins changeants d'une société en mouvement.
Le mouvement de la société française ne la dirige malheureusement pas dans le bon sens. La santé ne doit pas seulement être gratuite ; elle doit donner le droit à chaque Français, surtout s'il est pauvre et dépend des aides sociales, de choisir le médecin qui lui plait sans débourser un centime.
Concrètement, il existe en France trois types de "secteurs", soit trois modalités de facturation et de remboursement des médecins dits "libéraux" dont la marge de manœuvre, notamment tarifaire, a déjà été bien entamée par les gesticulations ministérielles récentes qui ont poussé les médecins à s'organiser et, pour certains, à prendre part au combat de plus en plus fédérateur contre l'immonde sécurité sociale qui détériore la qualité de vie des Français sous couvert de bonnes intentions, du genre de celles dont est pavé l'enfer socialiste.
Non contents d'offrir les soins avec l'argent des autres à une partie non négligeable des Français, le gouvernement veut obliger les médecins à soigner tous ceux qui le veulent au prix qu'ils souhaitent. Rien n'est gratuit ; que la santé soit "gratuite" signifie uniquement que quelqu'un d'autre paie. Et cela ne suffit pas.
Car il n'y a pas de raison que ceux qui ne paient pas leurs soins ne puissent pas choisir leur médecin. La ministre de la santé veut donc sanctionner les médecins de secteur 2, censés bénéficier d'une certaine liberté tarifaire, qui souhaiteraient effectivement l'exercer.
Ainsi, s'il soigne un patient qui n'a pas la CMU, le médecin peut exercer sa liberté tarifaire, déjà bien maigre ; mais si la Couverture Maladie Universelle passe par là, le médecin doit y renoncer. Les médias préparent habilement le terrain pour faire passer cette contrainte pour un juste retour à l'ordre ; on n'impose pas aux médecins un tarif, on les empêche "d'imposer aux plus pauvres des dépassements d'honoraires".
Comme si les plus pauvres devaient pouvoir choisir leur médecin et non les médecins leur tarification ; comme si le travail forcé était acceptable s'il vise à soigner les plus pauvres. Pour Marisol Touraine, c'est une évidence : il est impossible que les médecins ne soient pas d'accord et n'adhèrent pas aux lendemains qui chantent.
"Il y aura évidemment des sanctions. Les sanctions interviendront, et elles interviendront d'autant plus que ces comportements jettent l'opprobre sur l'ensemble d'une profession qui ne se reconnaît et ne peut pas se reconnaître dans de telles pratiques"
Le corps médical ne peut pas se reconnaître dans de telles pratiques. Il doit soigner, il soignera, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. La santé est un droit, elle doit être gratuite ; il est même scandaleux que les médecins demandent à être payés. Ne veulent-ils pas que les citoyens soient en bonne santé ? Refuseraient-ils le même droit à la vie aux masses populaires ? Ne gagnent-ils pas bien assez, n'ont-ils pas une chance folle de pouvoir ainsi travailler à l'édification d'une société nouvelle ?
On relève, fort heureusement, seulement 733 médecins "incriminés" sur 30 000. 733 salauds de riches qui auront voulu se faire de l'argent sur le dos des pauvres, malades qui plus est. Où sont passées vos années de dévotion, vos vocations à sauver des vies, vos rêves de grandeur et vos élans de bonté ? N'avez-vous donc aucun cœur ? La déférence avec laquelle on vous traite en vous appelant docteur ne vous inspire donc que le mépris ? Allons, docteur. Soignez-moi, et à l’œil. Vous serez gentil.
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