Ce soir, j’étais à mon entraînement de football quand j’ai reçu un appel de mon père: »Hervé veut te voir, la presse veut absolument l’interroger sur l’affaire et le procès; il te laisse l’exclusivité »; j’ai pas hésité, j’ai terminé ma séance et je suis parti rejoindre les deux compères.
Là, j’ai vu Hervé très détendu, presque impatient de me parler de son histoire.
Hervé Corps, c’est cet agent de sécurité qui ne devait pas être à cet endroit à cet instant, celui qui a miraculeusement échappé à la mort malgré un tir à bout portant en plein visage un jour de février 2011. .
Alors pour vous amis du Graoully, voici le premier entretien du miraculé du braquage de Woippy .
Picachu: »Salut Hervé; au Graoully pas de chichi, on se tutoie et on se fait la bise, ça ne te gêne pas? »
Hervé Corps: »Est ce que j’ai une tête à ce que ça me pose des problèmes? » (Petit sourire, Hervé s’allume une cigarette)
P: »Alors, quel est ton sentiment ce soir après avoir témoigné dans cette affaire? »
HC: »Un petit peu soulagé »
P: »Tu appréhendais? »
HC: »J’étais stressé, comme n’importe qui dans une situation similaire. Lundi, à l’énoncé des faits j’ai craqué. Ca m’a fait du bien de pleurer. Puis j’ai à nouveau craquer aujourd’hui quand j’ai vu les photos de ma voiture de service pleine de sang; j’ai auss ressenti un grand moment de stress quand le fusil à pompe a été manipulé, ça m’a fait sursauté quand il a été armé; ça m’a secoué; j’ai cru revivre le moment en partie. J’ai encore des zones d’ombre, ce n’est pas clair, je ne me rappelle pas de tout dans le bon ordre. Ma mémore est partiellement bloquée. »
P: »Tu as découvert le visage du tireur lors de ce procès; l’imaginais tu comme celà? »
HC: »Non, je l’imaginais plus âgé avec des traits plus durs; là j’avais un gosse en face de moi. Après mon témoignage, il a pleuré, tout comme mon ancien collègue. »
P: »Tu le connaissais bien ce collègue? »
HC: »Pas plus que ça, nous n’avions que des relations professionnelles »
P: »Tu lui en veux de t’avoir mis dans ce gûepier? »
HC: »Je me sens trahi; nous n’étions que deux à travailler sur ce site; en se désistant ce jour là, sachant ce qu’allaient faire ses complices, pour moi, il m’a envoyé à la mort. »
P: »Tu appréhendes la date anniversaire des faits? »
HC: »Quand elle approche, je ne dors plus, je ne sors plus de chez moi; une fois qu’on a connu ça, il n’y a que la mort qui soit pire, donc je n’ai pas peur, je l’ai vue de près; mais effectivement, j’ai des appréhensions »
P: »Tu as subi plusieurs opérations lourdes suite à cette affaire (une balle perforante au niveau de la fesse, une balle explosive en plein visage); comment se passe la reconstruction? »
HC: »Cinq opérations en deux ans, ça laisse des traces physiques et psychologiques. J’ai une paralysie faciale qui restera à vie. Je n’arrive plus à mâcher les aliments, je n’ai plus le plaisir de pouvoir croquer une pomme ou autre chose. Je ne peux plus. »
P: »Tu redoutes le regard des autres sur ton visage? »
HC: »Oui; mais je redoute déjà le mien le matin quand je dois me raser. Les chirurgiens ont fait u bon boulot, mais ça n’est plus mon visage. »
P: »L’attente du procès n’a pas été trop longue? »
HC: »Dans un sens si, mais vu le nombre de protagonistes, ça devait prendre du temps; ça m’a permis d’évacuer un peu les choses. »
P: »Tu as eu un suivi psy? »
HC: »La psychiatre de l’hôpital m’a vu alors que j’étais intubé; pas facile de parler (il rit); puis j’ai été voir un psy au centre médical; il m’a dit des banalités affigeantes du genre « c’est la vie il faut passer à autre chose »; j’avais pas besoin de ce psy pour entendre ça, j’avais pas besoin d’entendre ça. »
P: »As tu eu du soutien de ton employeur? »
HC: »Pas de son, pas d’image/ On est venu me voir à l’hopitâl une fois,quand j’ai été visible, puis pas un appel, rien. »
P: »Comment ont été les enquêteurs avec toi? »
HC: »Très bien. Patients, compréhensifs, ils ne m’ont pa brusqué et ont fait un gros travail d’enquête. Le responsable est venu me voir trois fois à l’hôpital. C’est quelqu’un à la fois de très humain et de très professionnel. Et il est bien entouré. »
P:« Ressens tu de la compassion pour les personnes misent en cause dans cette histoire? »
HC: »Aucune. Ils ont fait ce « coup » pour trois fois rien. Tout ça pour ça. Je veux bien essayer de comprendre, mais quand on fait une connerie, on assume. »
P: »Qu’attends tu de ce procès? »
HC: »Encore une fois, juste qu’ils assument. Ce procès m’a déjà permis de mettre un visage sur le tireur, c’est déjà un soulagement. Je veux pouvoir prendre un nouveau départ, même si à 51 ans ça va être compliqué au niveau professionnel surtout avec mon handicap au visage. Et je ne parle pas de ma vie sentimentale…(soupir). Je n’oublierai pas, ça fait partie de moi, mais je veux regarder devant moi, plus derrière. »
P: »On sens que tu es accroché à la vie, je me trompe? »
HC: »La vie continue, le reste c’est de la littérature. Je veux vivre, ce qui est arrivé c’est du passé, même si ça fera toujours partie de moi; mais sincèrement, c’est mieux que ça me soit arrivé à moi qu’à un père de famille. »
P: »As tu des projets pour l’avenir? »
HC: »Partir au soleil, quitter quelques temps la France , j’ai besoin de me ressourcer ailleurs; peut être je reviendrais, peut être pas. »
P: »Comment as tu ressenti notre entretien? »
HC: »Je suis calme , détendu, soulagé. J’en parle librement maintenant que j’ai témoigné et vu les visages. C’est plus facile pour moi de le faire avec une personne que je connais. C’est le bon moment avec la bonne personne. C’est mon ressenti et je marche au feeling. »
Merci à Hervé Corps pour cette primeure et bon courage à lui pour reconstruire sa vie, ça ne va pas être facile, mais il semble être déterminé malgré les obstacles. Une belle leçon de vie.