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Le foret cassé

Publié le 10 octobre 2013 par Rolandbosquet

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   Pendant de nombreux siècles, les territoires de notre beau royaume de France étaient certes divisés en duchés, comtés et autres baronnies. Mais l’unité de lieu de vie réel demeurait la paroisse, cet espace entourant l’église et servant de repère et de référence dans un monde en perpétuel mouvement. Les paroissiens se levaient alors à prime et se couchaient à complies selon le rythme des prières des moines bénédictins. L’organisation de la société découlait également des règles établies par l’Église. Le dimanche était ainsi réservé à la messe et à la poule au pot. Les paysans bénéficiaient toutefois de dérogations pour alimenter leur bétail ou traire leurs vaches. Mais le travail de la terre leur était interdit. L’artisan fermait également son atelier, le commerçant sa boutique. La Révolution mit bon ordre dans ces pratiques d’un autre âge. On se leva au lever du jour et on se coucha à la nuit. Le repos dominical perdura. Quelques professions obtinrent malgré tout ou se virent imposées des dérogations. Les personnels de bouche ou de soins par exemple. Puis la séparation de l’Église et de l’État instaura un aménagement laïc du temps. Le repos du dimanche devint alors une avancée sociale. Les bouchers, les boulangers, les charcutiers, les épiciers, les fleuristes, les cochets, les palefreniers et les joueurs d’harmonium ainsi que les soignants et les filles de salle dans les hôpitaux et les hospices, les pompiers et les gardiens du feu dans les hauts-fourneaux conservèrent leurs privilèges. Le monde aurait pu poursuivre ainsi  paisiblement sa route vers un avenir de plus en plus radieux. Las ! Fatigué, un jour, d’enfoncer ses vis avec son tournevis, un ingénieur inventif conçut la perceuse électrique, la ponceuse à aspiration et autres scies sauteuses. Il fallut créer des magasins pour vendre ces matériels à leurs apprentis du samedi. L’affaire connut un grand succès. Succès d’autant plus considérable que les bricoleurs, comme on appelait ces menuisiers-charpentiers-maçons du week-end, se lancèrent dans des travaux de plus en plus sophistiqués réservés autrefois aux artisans. La journée du samedi n’y suffit plus. Discrètement, dans le secret de leur domicile, ils percèrent, ils poncèrent et ils vissèrent aussi le dimanche. Et que se passe-t-il lorsque, à la première heure du dimanche matin, après avoir réveillé toute la maisonnée, vous casser le foret  qui vous permet de pratiquer un trou dans le mur de votre salon afin d’y glisser une cheville de plastique qui accueillera un crochet où suspendre le portait de votre belle-mère ? Vous êtes contraint d’attendre le samedi suivant pour pouvoir en acheter un autre. Une semaine entière de perdue. Et d’autant plus perdue que votre belle-mère arrive dès le jeudi suivant par le train de 18h32 en provenance de sa province natale. Le risque est trop grand de devoir essuyer ses remarques acerbes. L’idéal serait que vous sautiez sans plus attendre dans votre voiture jusqu’au magasin spécialisé dont vous êtes par ailleurs porteur de la carte de fidélité et bénéficiaire par voie de conséquence de réductions avantageuses. Hélas, comme l’ordonne la loi, il est fermé. Si vous étiez propriétaire d’une pelouse, vous pourriez acheter un rosier qui y jouirait du plus bel effet avec ses fleurs au teint aussi délicat que celui des joues de la mère de votre épouse. Mais pas le foret. Et c’est bien là que se situe le scandale. Nos décideurs sont manifestement bien trop éloignés des réalités bien tangibles du citoyen moyen. Or, les élections approchent. Tout laisse à penser qu’ils y deviendront de plus en plus sensibles. Mais le monde, alors, tournera-t-il beaucoup mieux ?

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