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Max | Le colonialisme expliqué aux débiles

Publié le 15 octobre 2013 par Aragon

couv_kanak.jpgT'es chez toi, enfin dans une maison dont tu jouis en indivision, peinard, heureux, tu vis peinard et heureux. T'es avec tes frangines et tes frangins ayants-droit de la baraque comme toi et un jour, un mec entre sans frapper, déguenillé, morveux, pas trop propre sur lui et sans dire bonjour il s'installe dans ton salon, vous êtes éberlués mais comme vous êtes polis et gentils vous laissez faire...

Le mec vous cause pas pendant des semaines, par contre il va et vient dans ta baraque, il ouvre ton frigo, se sert, il utilise ta baignoire et tes chiottes, il se requinque, grossit, retrouve sa superbe, un jour il va même prendre ton pieu et demander à ta femme de coucher avec lui. Là, t'es scié ! T'en reviens pas. Ta femme est consentante donc tu trouves rien à redire, déjà que terre et baraque ne sont pas propriété au sens strict pour toi et les tiens, alors penses-tu, ta femme, son coeur et son cul lui appartiennent et tu dis rien. Encore rien.

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Un peu plus tard dans le temps y'a un autre mec qui arrive, qui se comporte exactement comme le premier, puis un troisième, d'autres encore, ils sont vite copains comme cochons et ces mecs-là continuent de vous snober et de pas vous parler... Vous commencez à être un peu à l'étroit dans la cagna. et puis un matin ces gonzes qui t'avaient jamais parlé auparavant te disent que tu serais sympa de descendre vivre à la cave et de leur laisser le salon, la cuisine, le frigo (rempli), les chambres, la salle de bain et les chiottes. Tu trouves ça un peu fort de café ! La baraque est à toi et à tes frangines & frangins, en indivision depuis des milliers d'années...

Eh oui ! Et elle tient debout, et elle est belle et c'est la tienne, alors t'es pas d'accord. Mais le mec et ses potes - ni une ni deux - te laissent pas dire ouf, ta tronche dubitative a suffi pour provoquer chez eux le déclenchement de l'action : Pan, un coup de bourre-pif, pan un coup dans les valseuses, t'es plié en moins de deux et tu te retrouves à la cave comme un con. Pas fier de toi, t'as rien pu faire !

Quelques jours plus tard l'équipe de joyeux drilles descend à la cave et ils te disent que t'as cinq minutes pour dégager de la cagna car la cave les intéresse aussi pour stocker leurs vieux millésimes qu'ils n'ont pas encore mais ils se la pètent et te racontent ce genre de salades comme prétexte. T'es jeté, ça s'appelle comme ça, jeté comme un malpropre, exproprié...

Plus tard t'as les boules, t'es à poil dans la rue avec tes frangines et frangins car les mecs ont aussi piqué vos fringues, tu te cailles les meules et t'entends les autres enfoirés faire la fiesta dans ce qui était chez toi il y a peu...

Alors tu fais le con, tu fais ce que tu ne devais pas faire, tu vas déterrer ta vieille hache de guerre qui rouillait au pied du grand cocotier et tu reviens dans la maison et au premier mec qui ouvre la lourde tu lui ouvres à lui le citron en deux avec jubilation. Alarmés les autres voient la scène et tu sais pas ce qu'ils font ? Et bien ils te tuent et ils vont aussi tuer dans la rue tes frangines et tes frangins pour faire bonne mesure, en se disant que de vous tuer tous ça mange pas d'pain...

Fin de l'histoire.

Voilà l'histoire du colonialisme expliqué en vingt lignes aux débiles, aux négationnistes du colonialisme, à ceux - métropolitains et autres blancs - qui vivent encore de nos jours dans les paradis français ultramarins sans se soucier de rien sinon de leurs scandaleux pouvoirs d'achats généreusement indexés.

Voilà donc ce qui s'est passé dans l'Amérique du Nord au Sud, dans les Antilles, l'Océan Indien et tout le Pacifique

Je pense à ça aujourd'hui car je vais pas tarder d'aller voir "l'expo Kanak" à Paris. On te dit par les temps qui courent que rien n'est de ton fait. Que ce sont sont des histoires ancestrales qui n'incombent pas aux vivants de 2013. Le colonialisme envolé, la traite négrière envolée, les massacres coloniaux envolés, tout est envolé et n'est plus de la responsabilité des vivants de 2013. OK, comme c'est fastoche alors de vivre dans les îles, dans toutes les Amériques et ailleurs, comme c'est facile.

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Le grand chef Ataï est venu un jour devant le gouverneur à Nouméa il avait deux seaux à la main, il était paisible et il voulait parler. Il a versé un seau qui était rempli de bonne terre noire au pied du gouverneur en lui disant : "Voilà ce que nous avions !" Et il a jeté ensuite un seau rempli de cailloux en lui disant : " Voilà ce que tu nous laisses !" Le gouverneur a fait ensuite généreusement trancher la tête du grand chef Ataï et l'a expédiée par goëlette en France pour prouver à ses chefs qu'il s'en laissait pas compter par ces sauvages. Dernièrement on vient de la retrouver dans un tiroir du Jardin des Plantes du Muséum national d'histoire naturelle à Paris. Jean-Marc Ayrault va paraît-il la mettre bientôt dans un avion à destination de Nouméa pour la restituer, elle devrait voyager en classe business. La France est généreuse. 

http://boutique.telerama.fr/index.php/hors-series/kanak.html#

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/kanak-lart-est-une-parole.html



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