T'es chez toi, enfin dans une maison dont tu jouis en indivision, peinard, heureux, tu vis peinard et heureux. T'es avec tes frangines et tes frangins ayants-droit de la baraque comme toi et un jour, un mec entre sans frapper, déguenillé, morveux, pas trop propre sur lui et sans dire bonjour il s'installe dans ton salon, vous êtes éberlués mais comme vous êtes polis et gentils vous laissez faire...
Le mec vous cause pas pendant des semaines, par contre il va et vient dans ta baraque, il ouvre ton frigo, se sert, il utilise ta baignoire et tes chiottes, il se requinque, grossit, retrouve sa superbe, un jour il va même prendre ton pieu et demander à ta femme de coucher avec lui. Là, t'es scié ! T'en reviens pas. Ta femme est consentante donc tu trouves rien à redire, déjà que terre et baraque ne sont pas propriété au sens strict pour toi et les tiens, alors penses-tu, ta femme, son coeur et son cul lui appartiennent et tu dis rien. Encore rien.
Eh oui ! Et elle tient debout, et elle est belle et c'est la tienne, alors t'es pas d'accord. Mais le mec et ses potes - ni une ni deux - te laissent pas dire ouf, ta tronche dubitative a suffi pour provoquer chez eux le déclenchement de l'action : Pan, un coup de bourre-pif, pan un coup dans les valseuses, t'es plié en moins de deux et tu te retrouves à la cave comme un con. Pas fier de toi, t'as rien pu faire !
Quelques jours plus tard l'équipe de joyeux drilles descend à la cave et ils te disent que t'as cinq minutes pour dégager de la cagna car la cave les intéresse aussi pour stocker leurs vieux millésimes qu'ils n'ont pas encore mais ils se la pètent et te racontent ce genre de salades comme prétexte. T'es jeté, ça s'appelle comme ça, jeté comme un malpropre, exproprié...
Plus tard t'as les boules, t'es à poil dans la rue avec tes frangines et frangins car les mecs ont aussi piqué vos fringues, tu te cailles les meules et t'entends les autres enfoirés faire la fiesta dans ce qui était chez toi il y a peu...
Alors tu fais le con, tu fais ce que tu ne devais pas faire, tu vas déterrer ta vieille hache de guerre qui rouillait au pied du grand cocotier et tu reviens dans la maison et au premier mec qui ouvre la lourde tu lui ouvres à lui le citron en deux avec jubilation. Alarmés les autres voient la scène et tu sais pas ce qu'ils font ? Et bien ils te tuent et ils vont aussi tuer dans la rue tes frangines et tes frangins pour faire bonne mesure, en se disant que de vous tuer tous ça mange pas d'pain...
Fin de l'histoire.
Voilà l'histoire du colonialisme expliqué en vingt lignes aux débiles, aux négationnistes du colonialisme, à ceux - métropolitains et autres blancs - qui vivent encore de nos jours dans les paradis français ultramarins sans se soucier de rien sinon de leurs scandaleux pouvoirs d'achats généreusement indexés.
Voilà donc ce qui s'est passé dans l'Amérique du Nord au Sud, dans les Antilles, l'Océan Indien et tout le Pacifique
Je pense à ça aujourd'hui car je vais pas tarder d'aller voir "l'expo Kanak" à Paris. On te dit par les temps qui courent que rien n'est de ton fait. Que ce sont sont des histoires ancestrales qui n'incombent pas aux vivants de 2013. Le colonialisme envolé, la traite négrière envolée, les massacres coloniaux envolés, tout est envolé et n'est plus de la responsabilité des vivants de 2013. OK, comme c'est fastoche alors de vivre dans les îles, dans toutes les Amériques et ailleurs, comme c'est facile.
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