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Le Front National, parti d’extrême-droite ou extrême-étatiste ?

Publié le 16 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Le Front National, parti d’extrême-droite ou extrême-étatiste ?

Publié Par DoM P., le 16 octobre 2013 dans Politique

S’étant acheté une respectabilité, le FN ne fait plus preuve d’extrémisme que dans sa vénération du tout-État.

Par DoM P.

Marine Le Pen

On parle beaucoup du Front National, ces jours-ci. C’est normal : face au vide UMPiste et aux désillusions des militants socialistes, seules les extrêmes parviennent à rassembler. Et quel rassemblement ! Des gens en colère, aigris, révoltés… à tort ou à raison, peu importe. Le profil parfait pour organiser des manifestations et fomenter des révolutions, mais certainement pas pour réfléchir à des solutions intelligentes, dont les résultats attendus ont quelque chance de voir le jour.

Si aujourd’hui je veux vous parler du Front National, c’est que ce parti, qui fut celui d’une droite traditionnelle forte et nationaliste, a beaucoup évolué depuis que la fille a succédé au père. Au point que récemment, celle-ci a ouvertement exprimé ce que je défends moi-même depuis quelque temps : le Front National n’est pas un parti d’extrême droite. Et c’est vrai ! On pourrait en effet attendre d’un tel parti la défense extrême d’une politique de droite ou la défense d’une politique de droite extrême. Ou les deux. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit sans mal qu’il n’en est rien, bien au contraire.

Attardons-nous donc sur le programme officiel du Front National.

Cinq grandes sections :

  1. Autorité de l’État
  2. Avenir de la Nation
  3. Politique étrangère
  4. Redressement économique et social
  5. Refondation républicaine

Dans la première, on retrouve beaucoup des thèmes classiques d’un parti nationaliste : la primauté des Français, la restauration de la force de l’État, la défense de la nation, etc.

Mais au milieu de ceux-ci, déjà, bon nombre d’indices sur la nature de ce mouvement politique.

En effet, le programme propose une Stratégie de développement économique de l’Outre-mer et la priorité d’accès aux marchés publics locaux et nationaux aux PME/PMI françaises. Cela ne peut se faire, évidemment, qu’en imposant des règles économiques restreignant les possibilités d’action des entreprises et/ou en augmentant les coûts pour la collectivité. Deux résultats qu’on s’attend plus à voir chez les socialistes qu’à droite (nous admettrons qu’en France, le débat est biaisé, puisque la droite n’a de droite que le nom).

Le programme se poursuit par le Transfert progressif à l’État des compétences relatives aux transports régionaux et à l’action économique. Non content que les transports soient gérés par l’État, le FN souhaite une plus grande centralisation, laquelle se décline de bien d’autres manières dans la suite du programme. Façon de voir typiquement socialiste…

D’autres propositions valent aussi le détour : Arrêt de la transposition des directives de libéralisation des services publics marchands, contrôle intégral de la fixation des tarifs appliqués aux ménages et aux entreprises dans les secteurs stratégiques, obligation d’assurer une parfaite continuité territoriale à prix raisonnable vers l’Outre-mer, action au niveau des centrales d’achat pour rétablir un équilibre entre le commerce indépendant et la grande distribution, séparation par la loi des banques de dépôt et des banques d’affaires, en cas d’extrême nécessité et de risque pour les dépôts des particuliers, nationalisation, même partielle et temporaire, des banques de dépôts en difficulté, action déterminée de la France au niveau international pour une interdiction des produits dérivés spéculatifs et une taxe mondiale sur les transactions financières.

Cela, rien que dans la sous-section intitulée « État fort ». On comprend vite à quel usage cette force sera mise.

Dans celle nommée « Services publics », on nous rassure évidemment sur la pérennité de ceux-ci : interruption des processus de libéralisation liés aux procédures européennes, sanctuarisation des participations publiques dans les entreprises françaises, services publics garants du pouvoir d’achat en surveillant le marché, remunicipalisation de l’eau…

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On sent bien ici le fleuve de socialisme, si tant est qu’on comprenne le socialisme comme une idéologie qui veut régir la société sous une multitude d’aspects, et tout particulièrement l’économie.

Certes, un certain nombre de mesures sont plus typiques de la droite classique (sans parler d’extrême droite), comme les 40 000 nouvelles places de prison, l’application des peines de prison en supprimant les remises automatiques de peine, effort de défense suffisant, etc. mais il n’y a là rien d’extrême…

La deuxième section traite de l’avenir de la Nation. Et le festival de socialisme continue : Fonds d’intervention pour la campagne, transport fluvial favorisé, renforcement du rail, rapprochement entre la SNCF et RFF, prix unique du livre maintenu, dispositifs favorisant notre exception culturelle (quotas de diffusion d’œuvres françaises, aides spécifiques à l’industrie française, etc.), encadrement des pratiques agricoles et industrielles, politique énergétique écologique, etc.

Là encore, du socialisme à tous les étages, à peine modéré par quelques mesures typiques de la droite.

Et, malheureusement, les autres sections poursuivent sur le même registre : Création d’un Conseil stratégique permanent de la mer, grande politique de développement de l’Afrique, création d’une Caisse de compensation et d’amortissement de la dette paysanne, loi Achetons français, mise en place de droits de douane, etc.

Après ce survol rapide des propositions du Front National, grâce auquel on voit qu’une part importante de celles-ci est lourdement teintée de socialisme, on peut raisonnablement  penser que le qualificatif d’extrême-droite n’est guère applicable.

Suite à une analyse un peu plus poussée, on s’aperçoit que les propositions du FN tournent autour de trois axes :

  1. Son cheval de bataille historique : le nationalisme. Sur ce point, guère de changement, le FN est un parti sans conteste nationaliste et patriote.
  2. Les mesures économiques : une majeure partie d’entre elles sont d’inspiration socialiste.
  3. Les mesures sociétales : la plupart sont clairement de droite classique.

Dans aucun des ces axes ne se dessine clairement une politique extrême. Le mélange des trois ferait au contraire penser à une recette savamment dosée ayant pour but la captation d’un électorat aussi large que possible. Et ça marche ! Combien d’anciens communistes au FN ? Désormais le premier parti ouvrier, le Front National, pestant contre l’ultralibéralisme des étatistes d’en face qui lui renvoient l’accusation à juste titre, semble n’être plus qu’un parti parmi tant d’autres. S’étant acheté une respectabilité, il ne fait plus preuve d’extrémisme que dans sa vénération du tout-État.

Et finalement, c’est maintenant, et maintenant seulement, que ce parti si souvent accusé d’être nazi, offre un programme qui fleure bon son national-socialisme. Et du coup, s’il peut encore porter l’étiquète d’extrême-droite, c’est grâce à Staline et ses relais qu’il le doit. Il ne fallait surtout pas, à l’époque (comme aujourd’hui d’ailleurs), qu’on puisse voir deux formes de socialisme se battre. Par un tour de passe-passe incroyable, le National Socialisme est devenu, sinon dans les faits [1], au moins dans les esprits, significativement différent de la politique menée dans l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Il fallait en effet un ennemi comme il en faut un maintenant.
Combien de décennies la farce a-t-elle duré ? Combien durera-t-elle encore ?

Le résultat, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus guère qu’en France, qu’on trouve un choix entre socialisme rouge, socialisme vert, socialisme rose, socialisme bleu clair, et socialisme bleu… Marine.

Le libéralisme est inaudible, la droite a perdu ses repères, et l’extrême droite est à gauche. Que les français s’y perdent et cessent de voter, il n’y faut guère chercher plus loin…

[1] Le parti Nazi a appliqué huit des dix « commandements » décrits dans le Manifeste du Parti Communiste de Karl  Marx et Engels :

1. Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l’État.
Objectif non atteint, mais en bonne voie via le planisme agricole poussé et la limitation des fermages.

2. Impôt fortement progressif.
Fait

3. Abolition de l’héritage.
Objectif non atteint, mais en bonne voie via des taxations massives.

4. Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles.
Fait

5. Centralisation du crédit entre les mains de l’État, au moyen d’une banque nationale, dont le capital appartiendra à l’État et qui jouira d’un monopole exclusif.
Fait

6. Centralisation entre les mains de l’État de tous les moyens de transport.
Fait

7. Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production ; défrichement des terrains incultes et amélioration des terres cultivées, d’après un plan d’ensemble.
Fait

8. Travail obligatoire pour tous ; organisation d’armées industrielles, particulièrement pour l’agriculture.
Fait

9. Combinaison du travail agricole et du travail industriel ; mesures tendant à faire graduellement disparaître l’antagonisme entre la ville et la campagne.
Fait

10. Éducation publique et gratuite de tous les enfants. Abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Combinaison de l’éducation avec la production matérielle, etc.
Fait

Pour information, les points 2, 6, 7, et 10 sont atteints aujourd’hui en France, le point 3 est en cours, et les points 4 et 5 sont d’ores et déjà envisagés.

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