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« Il n’y a pas de repas gratuit »

Publié le 16 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

« Il n’y a pas de repas gratuit »

Publié Par Jean-Yves Naudet, le 16 octobre 2013 dans Économie générale

La face cachée de la gratuité : elle pousse à la surconsommation et, tôt ou tard, la facture est présentée.

Par Jean Yves Naudet
Un article de l’aleps.

gratuité

Phrase célèbre de Milton Friedman, prix Nobel d’économie : « There is no free lunch ». Mais connaît-on l’anglais, Friedman et le b.a.-ba de l’économie en France ? J’en doute. Chez nous, on aime tout ce qui n’est pas payé directement par l’utilisateur immédiat, parce qu’on croit que c’est gratuit. L’épisode du tiers-payant chez les médecins en est un exemple de plus, un autre exemple est celui de la garantie universelle des loyers (GUL) : le locataire n’a plus rien à payer. Tout cela crée une irresponsabilité générale où les revenus et le mode de vie sont désormais sans lien avec l’effort productif.

Mais il y a la face cachée de la gratuité : d’une part, elle pousse à la surconsommation, d’autre part, la facture est présentée tôt ou tard, via l’impôt ou le chômage.

Il y a gratuité et gratuité

La formule de Friedman a des racines anciennes. Elle fait allusion à certaines pratiques commerciales du XIX° siècle, consistant à donner un repas « gratuit » à ceux qui consommaient une boisson. Elle a un sens évident : il y a toujours quelqu’un qui paie, soit une autre personne, soit la personne elle-même qui ne s’en rend pas compte, parce qu’on lui a fait payer l’addition d’une autre façon plus indolore, du moins dans un premier temps.

Qu’on m’entende bien : la gratuité existe dans les relations humaines, elle prend corps à travers la charité, ou la solidarité personnelle, familiale ou communautaire. Mais il s’agit dans tous ces cas de l’utilisation volontaire d’un revenu légitimement gagné, que l’on va engager pour aider les autres. Cette gratuité-là n’est pas ici en cause et a une valeur morale certaine.

Mais il existe aussi et surtout une gratuité artificielle. Ici, la démarche est inverse : on affiche la gratuité d’un bien et on le fait payer par quelqu’un d’autre, sans lui demander son avis : la valeur morale de cette charité forcée est nulle.

Généralisation de la gratuité

Ces derniers mois ont vu en France l’accentuation d’une dérive déjà ancienne, transcendant les clivages politiques : au nom de la justice sociale, il faut multiplier les biens et services gratuits. N’est-ce pas, dit-on, la logique des services publics ? Gratuite l’éducation, de l’école à l’université ; gratuite la santé ; gratuits certains transports publics ; gratuite la justice ; gratuite la sécurité ; gratuits les loisirs et les spectacles « offerts » par les collectivités locales ; gratuit le crédit grâce au prêt à taux zéro. Et ainsi de suite…

Le gouvernement Ayrault s’est surpassé ces derniers temps, notamment dans le domaine de la santé. En 2017, ce sera la généralisation du tiers-payant chez les médecins libéraux : le malade n’aura même pas à sortir son carnet de chèque (sauf chez les médecins aux honoraires libres, ce qui lui apprendra à se rendre chez des médecins qui refusent de devenir des fonctionnaires). Ce qui semble intéresser nos ministres n’est pas de savoir si les Français sont bien soignés, mais si tout le monde peut être soigné gratuitement. Suite logique du tiers-payant chez le pharmacien ou le kiné.

Au nom de quoi ? De la justice sociale, concept discutable comme l’a montré Hayek ; mais en quoi est-il juste de subventionner tout le monde, riches et pauvres, par la gratuité ? La gratuité pour tous, est-ce la justice ? Ce phénomène, ici comme ailleurs, est un pas de plus vers la socialisation et l’étatisation. Rêve-t-on d’un système à l’anglaise, faisant des médecins des agents de l’État ?

Les pièges de la gratuité

La gratuité est mauvaise conseillère. Car elle fausse tous les choix de consommation et de production, et crée de la sorte des pénuries et des excédents. Dans une économie de marché, c’est le prix qui guide nos choix et c’est face à lui que nous devons choisir d’affecter nos « droits de vote monétaires » pour réaliser le « plébiscite quotidien du marché ». Nous regardons notre budget, le prix et le service que le produit acheté peut nous rendre.

Si le prix est moins élevé, à service égal, nous achèterons plus. Mais quand le prix est nul, nous consommons encore plus. La gratuité conduit toujours à une surconsommation. Pourquoi se gêner, pourquoi compter, pourquoi faire attention, puisque c’est gratuit ? Le déficit de l’assurance-maladie doit-il nous inciter à pousser encore plus loin la gratuité, afin de transformer le gouffre en tonneau des Danaïdes ?

En revanche, celui qui paye avec son propre argent réfléchit deux fois avant de consommer plus. Mais voici que les partisans de la gratuité avancent l’argument décisif : que faire pour ceux qui, ayant de faibles revenus, ne peuvent accéder à certains services vitaux ? La réponse n’est-elle pas dans la gratuité généralisée ? Certainement pas : elle est source de gaspillage dans tous les secteurs ? D’ailleurs la gratuité est une subvention versée aux riches aussi bien qu’aux pauvres. Il y a en fait de nombreuses réponses à l’impécuniosité de certains, ne serait-ce que les systèmes d’assurance, qui permettent de faire jouer la solidarité quand la charge financière est trop lourde. Et pour ceux qui n’ont pas de quoi s’assurer, on peut imaginer des systèmes spécifiques, comme l’impôt négatif ou les chèques santé. Enfin, pourquoi ignorer les miracles opérés par l’aide personnelle volontaire ?

Qui paie ce qui est gratuit ?

Dans la gratuité, il y a toujours une question qu’on évite de poser : qui paie ? Il faut bien que quelqu’un paie tout ce qui est « gratuit ». Le payeur en dernier ressort c’est le contribuable ou l’assuré social, frappé par les prélèvements obligatoires, impôts ou cotisations.

La gratuité implique que la charge financière sera portée par « les autres ». Qui sont-ils ? Des richissimes ? Quand les dépenses publiques dépassent 56% du PIB, il ne s’agit plus de faire « payer les riches » mais de faire payer tout le monde. Celui qui bénéficie de la gratuité finit par en payer lui-même le prix et, compte tenu du gaspillage engendré, il paie bien plus cher que s’il avait acheté directement le service.

Combien de Français connaissent le coût réel de l’assurance-maladie, des retraites ou des prestations sociales ? Ce coût leur est masqué, qu’il s’agisse des cotisations sociales pour lesquelles on ne prend pas en compte la part « patronale », pourtant prélevée sur la valeur du travail du salarié, ou qu’il s’agisse des impôts indirects « indolores », inclus dans le prix d’achat comme la TVA ou la TIPP. Voilà pourquoi l’ALEPS propose depuis des années la feuille de paie vérité ou, encore mieux, le versement du « salaire complet ».

Une autre façon de dissimuler le coût réel de la gratuité, c’est d’imposer de faux prix. Là encore, le gouvernement en a rajouté une couche, notamment dans le domaine du logement. En principe les prix contrôlés, comme ceux des loyers, sont inférieurs au prix que le marché aurait spontanément donné. Cette gratuité partielle induit une surconsommation, tandis que le faux prix réduit l’offre : la pénurie de logements en est le résultat immédiat.

Enfin, le principe de gratuité conduit aussi à généraliser de faux revenus, de « faux droits », qui permettent à beaucoup de gens de vivre avec le sentiment que tout leur est dû. Le revenu minimum offert aux plus jeunes en est un bon exemple : excellente façon de déresponsabiliser les jeunes et de les vouer au chômage.

Il faut avoir fait l’ENA, il faut vivre dans des cabinets ministériels, prendre ses repas aux frais du contribuable et monter dans sa voiture ministérielle avec chauffeur pour croire qu’il y a des repas gratuits. Les gens qui travaillent, eux, savent qu’il y a toujours quelqu’un qui paie et que connaître le vrai prix des choses, c’est la condition de vivre libre et responsable de ses choix.


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