Périple (3)
En sortant de Saint Alban, j’avise deux employés municipaux en train de réparer une croix. Ils m’accordent sans difficulté l’autorisation de les photographier. Le plus jeune commente : « Comme ça, y verront qu’en entretient l’patrimoine ! »
Dans le restaurant où je passe la soirée, je suis cerné par des drogués du smartphone. Ça tapote du pouce en continu et certains de ces zombies réussissent même l’exploit de continuer à lire et à envoyer leurs messages en mangeant les plats (excellents d’ailleurs) du dîner qui nous est servi.
L’atmosphère serait plutôt sinistre si deux des membres de l’équipe de football féminine d’Aumont Aubrac ne s’étaient assises sur les tabourets du bar. Tout en sirotant leurs demis, elles parlent avec le jeune patron de l’établissement. Sujet de la discussion qui est très animée : le match de la veille. Elles ont été battues sur le score sans appel de 31 à 0. Dans le coin tout le monde est au courant car le Midi Libre en a fait son chiffre du jour, la faute, soupçonne une des joueuses, au correspondant local de ce quotidien. Là dessus, l’épouse du barman fait son apparition. Ancienne joueuse, elle tente de réconforter ses ex coéquipières. En vain. Trop abattues, celles-ci ne se laissent pas consoler. Et quand elle insiste en prétendant qu’après tout une défaite ce n’est pas si grave, la plus affligée gémit : « Évidemment, toi tu t’en fous, c’est pas toi qu’auras ton nom dans le livre des records ! »
Mercredi 25 septembre 2013 La Chèze de Peyre – Le Gibertès – la Blatte
Traversée de l’Aubrac : forêts, prairies, rochers et une draille qui fut, paraît-il, une voie romaine avec, pour finir, le gîte du Gibertés, une grande bâtisse de pierres grises au milieu du hameau. A la fin du repas qu’elle leur a préparé (une bonne grosse soupe de légumes, de belles saucisses roses, poêlées accompagnées d’une plâtrée de pommes de terre sautées bien dorées et toutes frétillantes de graisse, une salade croquante, des fromages « de la ferme de mon fils » et un gâteau aux pommes à se lécher les doigts) la vieille dame qui tient le gîte d’étape raconte aux randonneurs un peu de son passé
Une vie si dure :
Vingt ans dans une maison isolée sans électricité, ni eau courante
Elle lavait son linge à la fontaine qui coulait devant la porte
Et quand le vent soufflait ça lui rabattait les jupes par dessus la tête
Les vaches à traire
Trois gosses en pension au village pour pouvoir aller à l’école
« Mais, conclut-elle, en regardant la petite fenêtre qui donne sur le mur d’en face,
Là-haut, on voyait large. »
(à suivre)
CHAMBOLLE