Périple (4)
De La Blatte au Plo de Grail, le sentier monte entre arbres et rochers avant de longer une estive, d’où on a une dernière vue sur l’Aubrac qu’éclaire le soleil levant. On entre ensuite dans un sous bois. Au bout d’une centaine de mètres, le chemin tourne à angle droit et commence à dégringoler plein sud en direction de la vallée du Lot. Quelques pas encore et les arbres s’écartent, Devant vous, du Lozère à l’Aigoual, les Cévennes et les grands Causses composent un paysage d’une beauté saisissante. Alors on s’arrête et on contemple la grandeur du monde.
Une demie heure plus tard on arrive à la petite auberge du col du Trébatut. Dans la salle du café il y a une photo dans un cadre de bois. Elle regroupe les quatre générations des hommes de la famille propriétaire du lieu. En même temps qu’elle sert aux pèlerins leur café du matin, la grand-mère s’entretient avec sa bru. Dehors chante un oiseau inconnu. Déjà le paysage n’est plus le même. Un bouquet de noisetiers suffit à cacher le mont Lozère.
Vendredi 27 septembre 2013 La Canourgue – Sainte ÉnimiePatous I
En sortant de La Canourgue, le sentier qui monte vers le causse de Villars est noyé dans les buis. En arrivant sur le plateau, on suit des pistes qui tutoient quelques dolmens et, au moins, un menhir. Elles sont semées de panneaux qui invitent à se méfier des chiens patous importés des Pyrénées pour la protection des troupeaux (le loup serait de retour). Les deux pérégrines qui me précèdent de quelques centaines de mètres, rencontrent deux de ces gardiens. J’entends résonner leurs abois menaçants et je me prépare mentalement à l’affrontement. A un détour du chemin, les patous apparaissent. Je prends la mine la plus détachée possible et j’avance comme si je n’étais au courant de rien. Miracle, les deux fauves me laissent passer sans même ouvrir la gueule. Mon soulagement (immense) est pourtant teinté d’un léger regret : il m’est, parfois, arrivé de me rêver en loup solitaire.
Patous 2
D’une conversation avec un indigène, il résulte que leur protection serait illusoire car les loups sont malins. Ils auraient mis au point la tactique suivante : pendant que deux ou trois d’entre eux provoquent les chiens et les écartent du troupeau, le reste de la meute se chargent de faire leur affaire aux brebis et agneaux nécessaires au repas du soir. Et mon interlocuteur de conclure : « Moi avec ces sales bêtes, je fais comme José Bové. Je prends le fusil ! » Je découvre ainsi que les divergences entre écologistes ne se limitent pas à la question des alliances aux municipales.
(à suivre)
CHAMBOLLE