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La punition des innocents

Publié le 17 avril 2008 par H16

C'est à la faveur de certaines aventures rocambolesques et autres péripéties gouvernementales idiotes qu'on se rend compte qu'en pratique, et de façon relativement contre-intuitive, tout se déroule ... comme prévu. Le projet Sarkozy Président 1.0 passe une à une toutes les étapes naturelles d'une bonne gestion de projet.

Tout projet, en effet, passe par 6 phases consécutives et fondamentales. La présidence Sarkozy, doublée d'une législature, n'échappe pas à la règle et passe donc en revue chacune de ces six phases.

La première phase, celle de l'enthousiasme sauvage, aura permis au petit excité d'arriver au pouvoir sans trop de problème. Devant une opposition complètement désorganisée qu'une pasionaria brouillonne et légèrement psychotique n'aura fait qu'agiter puérilement et en pure perte, le Nicolas n'aura eu aucun mal à déclencher l'enthousiasme, les frétillements et les votes de militants extatiques, mollement suivis par une moitié de Français moins acquis à sa cause que rebutés par les grimaces botoxées de son adversaire. Une fois les élections passées, c'est encore cet enthousiasme quasi-béat qu'on pouvait lire sur les mines réjouies des députés et des ministres fraîchement nommés. Evidemment, au fur et à mesure que les déconfitures se sont accumulées, nous sommes entrées dans la seconde phase du projet...

Et ce fut la désillusion, moment pénible où l'on se rend compte que si le roi n'est pas nu, le fait de l'habiller en Prada, Gucci ou autres marques de luxe ne permet pas d'occuper les Français, traditionnellement râleurs, bien longtemps. Il faut rapidement trouver d'autres moyens pour conserver ou recréer cette atmosphère d'ébriété hormonale que certains, naïfs, avaient pu connaître quelques soirs de mai 2007. A cette désillusion répondra donc dans les mois qui suivirent une agitation frénétique sur tous les sujets avec force lois plus ou moins idiotes, déclarations tonitruantes, et présence accrue dans des médias qui, ne pouvant s'empêcher de tremper avec délice leur biscuit journalistique dans la soupe audimat, s'en sont donné à cœur joie d'un côté en relatant chaque tic, chaque fait, chaque geste d'une présidence de plus en plus creuse, et de l'autre, en dénonçant une omniprésence dans leurs articles qu'ils ont pourtant tout fait pour provoquer.

Ce fut alors - et fort logiquement - le règne de la confusion totale où chacun trouve chez l'autre matière à critique, et où, finalement, personne ne sait plus exactement à quel saint se vouer. En pratique, le Français moyen sent bien qu'il s'est fait flouer : soit il a voté pour Ségo et ne peut pas encaisser Sarko, soit il a voté Sarko et commence à se demander s'il n'aurait pas dû voter Ségo, tant la différence entre les deux têtes de listes de mai semble s'amenuiser à chaque nouvelle protubérance médiatique de l'actualité... Une vache sous guronzan n'y retrouverait plus ses chatons.

Et c'est maintenant que les choses deviennent réellement intéressantes puisque nous sommes entrés dans la phase suivante, la recherche des coupables. Ne nous leurrons pas : si moi, petit bloggeur insignifiant, je peux tenir cette analyse, ne doutons pas que nos énarques ferrugineux et autres pyrotechniciens de la politique-bidon en sont aussi capables et sont donc tout à fait à même de comprendre qu'il va falloir, dans les prochains mois, jouer serrer. Cette tactique préparatoire à la phase suivante est d'ailleurs appliquée avec plus ou moins de bonheur.

Les moyens intellectuels des uns et des autres étant répartis de façon très peu homogène, on a le droit, parfois, à certaines saillies croquignolettes de députés - pardon, on écrit député-e-s dans ce nouveau monde - qui veulent absolument se faire mousser tant qu'ils le peuvent.

C'est le cas de Valérie Boyer : ayant probablement et cyniquement compris que la recherche de coupables pouvait fort bien l'incriminer en premier lieu, elle s'est rapidement chargée d'en trouver une poignée, pas bien gros en plus, en allant les chercher chez les anorexiques ; technique finalement efficace d'agitation poudrozyeuesque qui permet d'indiquer à la vindicte populaire un pouilleux supposé pour cacher à tous ses propres plaques de galle.

Grâce à son projet de loi, qui, au départ, vise presque nommément les blogs pro-anorexie, on va réussir à stigmatiser une population particulière, puisque - il faut bien le dire - les blogs pro-anorexie sont tenus généralement par ... des anorexiques. Boyer propose donc une bonne peine de prison aux anorexiques. Voilà qui est finaud : au moins, au pénitencier, on va pouvoir les nourrir décemment (surtout que les prisons françaises sont réputées pour leur bonne chère). Et puis, la prison, rien de tel pour requinquer les souffreteux, les malades ou les anorexiques, c'est bien connu.

Ce projet de loi ne sera d'ailleurs pas resté bien longtemps dans les cartons puisqu'il est passé comme un repas trop roboratif dans les toilettes et se voit déjà adopté sous les vivats des député-e-s de droite comme de gauche.

La lecture des articles du Moôonde permet d'ailleurs de se faire une idée assez précise de l'état d'avancement de la phase suivante, la punition des innocents : pour les uns, il s'agit effectivement de bien cogner sur les malades, et pour les autres, d'évacuer le débat bien vite en jouant à fond sur la carte de la prévention. Dans un cas comme dans l'autre, l'intervention de l'état semble indispensable, et plus personne n'ose simplement faire remarquer que les problèmes de poids ne concernent en rien la chose publique.

Ainsi, pour Philippe Jeammet et d'après l'article du Monde, cette proposition de loi et cette charte pourraient être l'occasion de, je cite le journaleux qui cite le psychanalyste de supermarché "lancer un grand débat sur les limites au droit à se faire du mal, et sur les dérives de notre société compassionnelle qui aboutissent à un 'total laissez-faire' ". Incroyable société qui s'empresse de voter des lois pour favoriser un bon coup l'euthanasie mais qui fait tout pour surtout surtout ne pas laisser les gens qui le peuvent se donner la mort en mourrant de faim. Je me demande exactement jusqu'où ira l'incohérence abrutissante de ces parangons de vertus en promo qui, semble-t-il, ne peuvent s'empêcher, comme des incontinents fiers de leurs odeurs d'urine, de nous pondre des lois idiotes sur tous les sujets à la mode qui passent sous leur nez inefficace.

Mieux : on utilise encore une fois l'argument éculé de la liberté d'expression qui ne pourrait aller trop loin pour justifier une censure pure et simple ; ""Les messages qui sont diffusés sont des messages de mort. Notre pays doit avoir les moyens de poursuivre et de condamner ceux qui se cachent derrière de tels sites" a déclaré la mère Bachelot. On notera que, pourtant, les sites révolutionnaires communistes prônant un renversement sanglant des "valeurs bourgeoises" ne sont pas inquiétés. On remarquera que les sites favorisant les actions de faucheurs volontaires, quitte à provoquer un suicide d'agriculteur, ne sont pas concernés.

Dans cette belle république, il y a des messages de morts, de destruction de biens ou d'atteintes au droit de propriété qui passent mieux que d'autres.

Enfin, alors que la phase de punition est en pleine activité (et ne nous y trompons pas, elle va durer un moment), se pointe le phase suivante : la promotion des non-participants. Parions qu'elle sera pleine de rebondissements et que la bousculade pour obtenir les hochets va être homérique.

Ce pays est foutu.


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