Je reviens ici, sur la première partie de ma communication que j'avais voulu plus théorique.
1 – la mémoire des salariés et transmission des savoirs
2 - l'histoire d'entreprises
Le terme « mémoire d'entreprise » désigne l'ensemble des savoirs et savoir-faire en action, mobilisés par les employés d'une entreprise pour lui permettre d'atteindre ses objectifs (produire des biens ou des services).
Le terme plus générique « mémoire d'organisation » (organisation du travail, coordination des activités et des tâches en vue d'améliorer les conditions de travail, fonctionnement,méthode, plannification) indique que cette notion de mémoire peut s'appliquer à n'importe quel type d'organisation, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un service ou département au sein d' l'entreprise, ou bien, à une échelle plus petite d'un projet. Dans ce dernier cas on parlera de « mémoire de projet ».
On vit au rythme de l’instant présent, passant d’un problème à l’autre, d’une situation à une autre, en tourbillonnant… Coment interrompre le sablier, faire basculer une entreprise dans la conscience d’une identité à préserver.
Comment mettre en commun les expériences acquises dans l'entreprise ?
Quelles sont les connaissances nécessaires à la bonne marche d'une activité ?
Que faire pour que ces savoir-faire perdurent après le départ ou la mutation d'un salarié ?
Depuis une décennie apparaissent principalement aux Etats-unis, des « knowledge managers », ou gestionnaires de la connaissance qui essayent d'orchestrer une approche systématique pour mieux utiliser les ressources intellectuelles de l'entreprise.
Le capital mémoire de l’entreprise est avant tout une valeur collective. Sa connaissance tend à favoriser la coordination des forces en présence dans une entreprise donnée en vue soit d’un objectif commun, soit d’un changement à venir. C’est un puzzle de savoir-faire, de savoir-être et de systèmes de fonctionnement qui favorisent la coopération. La notion, par elle-même, renvoie largement à celles de cohésion sociale et de valeurs immatérielles. L’idée est de développer un avantage compétitif fondé sur la connaissance de ses moteurs de développement et de ses forces d’impulsion au changement.
- une prise de conscience de ce capital « immatériel » qu'il convient de gérer au même titre que le capital financier, les machines et le bien immobilier.
- liée notamment à des départs massifs en retaite, des vagues de licenciement, au contexte de concurrence exacerbée dans lequel elles évoluent.
- nécessité de partager ce savoir.
Le cas d'école d'AZF (voir article sur les archives d'entreprises)
La mémoire d'entreprise peut inclure des connaissances et documents très variés : sonore, produit, machine de production, témoignages, papier (administratif, communication, comptable...)
Exemple de savoir-faire lié aux métiers du patrimoine avec entre autre une préoccupation de St Gobain
Que va-t-il rester des gestes de ces verriers, de ces savoir-faire
construits et partagés par les communautés d’hommes tout au long de l’histoire de l’entreprise si tous partent en même temps vers d’autres horizons ?Comment défier les agiles concurrents si ces gestes fondamentaux ne sont plus maîtrisés ?
Comment faire preuve de réactivité si les esprits sont occupés à les réapprendre ? Le souci de construire la mémoire est alors devenu général.
L’entreprise a vite senti que l'objet était moins le patrimoine à engranger que la construction d'une mémoire vivante et utilisable, exploitable au quotidien.
Mais que veut dire garder la mémoire ?La mémoire du verre est essentiellement dans les esprits, les mains et les gestes des verriers. La question est bien de mettre surtout l'accent sur la part du passé et du présent dont les générations à venir auront besoin.
La transmission des connaissances.
Une méthode de travail
La premiere étape consiste à:
1- opérer des sélections, c'est-à-dire faire des choix.
2- repérer l’existant car ne pas savoir ce que l’on possède, c’est déjà l’avoir perdu : mettre la main sur les procédures éparpillées aux quatre coins des sites, les milliers de plans-papiers de bâtiments et documents machines, périssables et parfois abîmés, rangés dans des armoires, tiroirs seulement connus des initiés, et encore… ;
3- identifier les archives à l’état d’unique exemplaire (précieux classeur des mille défauts du verre, photographié et annoté, qu’un feu ravageur aurait définitivement fait partir en fumée…)
4- traquer les souvenirs, constater les pertes.
La deuxième étape a consisté à
1- reconstituer cette réserve de la mémoire collective que les dispersions, la volatilité et les facéties des supports avaient rendue inaccessibles.
2- s'interroger sur les modes de stockage et donc sur les supports avec une volonté de conserver sur le long terme, de gérer la maintenance et la transmission infinie. Le support compte moins que l’accès à la modification, à l’utilisation, à la lecture ou à l’exploitation des informations recueillies car la mémoire du verre est aussi un secret de fabrication. Internet ouvre un espace inédit.
3- aborder les compétences avec un angle qualitatif.
La troisième étape a donc consisté à
1- identifier les compétences et à capitaliser grâce à un travail méthodique pour préserver ce que l’on estime utile à la mémoire collective : l’histoire du métier, la fierté des générations passées et présentes, à transmettre absolument pour que le métier continue, les savoir-faire actuels (l’étenderie, le four, la fumisterie…), les gestes essentiels des processus fondamentaux de production, les tours de main, les procédures qui le rendent économiquement viable et fiable face à une concurrence féroce ; la qualité, la sécurité, le respect de l’environnement, les événements qui prennent de suite, du fait de leur rareté, une dimension de référence que l'on doit filmer, raconter.
- des archives témoins : montrer les anciens à l’action pour refaire les gestes qu’en 30 ans de présence certains n’ont vus qu’une fois ou deux dans leur vie (par exemple, un changement des lèvres du four…).
Retracer l'histoire d'une marque, étudier les plans de communication et les documents de communication tels que les affiches publicitaires, les albums de cartes postales, les articles de presse, les émissions de radio, les interviews, les notes internes, de prestataires, les courriers, le papier en-tête peut permettre de redéfinir une stratégie de communication plus moderne tout en conservant la ligne identitaire de l'entreprise.
Conserver ces documents permet un gain de temps lors d'une nouvelle campagne de communication (cible identifiée, synthèse, bilan)
L'historien intervient toujours à un moment charnière de son existence (fusion, changement de dirigeant, nouvelle donne concurrentielle ou technologique) et c'est souvent le seul moyen d'accès aux informations et aux archives.
L'histoire d'une entreprise peut dans certains cas passer par une étude de la marque (Coca-cola...) et être utilisé comme un outil marketing de différenciation, de promotion ou de communication. L’histoire de la marque permet de retrouver les racines de sa longévité et les clés de sa modernité.
Les marques construisent un imaginaire autour de leur mémoire, de leur engagement dans la société.
Les documents iconographiques : n'oubliez pas de les dater et de désigner le nom des personnes présent, voir d'ajouter une description
Tous documents, films ou documentaires même amateurs et réalisés en interne lors d'événements particuliers (anniversaire, départ à la retaite, remise de médailles, grèves ou conflits sociaux) peuvent éclairer sur la vie quotidienne dans l'entreprise.
L'historien a une démarche et une méthode scientifiques, il doit s'appuyer sur des documents et faits, il doit pouvoir être en mesure de citer ses sources et il doit également apporter une analyse et un regard neuf sur le monde du travail.
Il doit connaître des sujets aussi variés que l'économie, le management, la production, la communication, l'ethnologie et etnographie, l'anthropologie, la sociologie...afin d'avoir une vision la plus large et la plus objective possible sur l'entreprise.
Cette pluridisciplinarité fait que l'historien d'entreprises s'entoure donc très souvent d'une équipe. Car il doit sans cesse jongler entre la microéconomie (interne à l'entreprise) et l'économie mondiale.
Recontextualiser l'entreprise pour mieux la comprendre
La notion d’histoire d’entreprises est intrinsèquement liée à la culture de l’entreprise.
Depuis trente ans, un véritable capital de connaissances historiques sur les entreprises françaises est ainsi en cours de constitution.
l'ANATEC (archives nationales audiovisuel du travail et des entreprises du Creusot)
les archives du monde du Travail à Roubaix
les interlocuteurs locaux:
- le musée municipal : en fonction de ses missions et objectifs
- les archives municipales et départementales
Nous pouvons tous contribuer à conserver et préserver des objets ou productions du monde industriel, vieilles boites d'emballage, photo d'une entreprise locale... réflechissez bien avant de jeter un objet ancien.
Merci à tous
(photo extrait de la revue Histoire d'entreprise)