A pleine bouche chez Bouchéry ?

Publié le 27 octobre 2013 par Les Assiettes De Juliette @AssiettesdeJu

Bon, je sais,  je vais en froisser plus d’un. Mais comme disait l’autre, « sans liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur ». Blâme, n’allons peut-être pas jusque-là. Blâme, c’est trop fort, un peu trop punitif, un peu trop définitif aussi. Non, disons plutôt, avertissement, mot sur le carnet, bref, gommette orange. Pourquoi ? Parce que sans carnet de notes, on n’est plus capable 48 heures après de citer la litanie des plats. Saint-Mémoire, priez pour nous. Saint-Palais, pardonnez-nous.

On avait tellement lu d’articles dithyrambiques sur Bouchéry (prononcez bien l’accent aigu, sinon, ça fait juste avatar de l’Entrecôte) qu’on y a réservé les yeux fermés, trop contente d’avoir une table un vendredi soir, toute prête à dépenser une belle part de SMIC sans regret et à imbiber notre palais de saveurs dont on reparlerait encore en 2014. On avait même religieusement composté dans le 60, puis dans le 43 pour se retrouver un peu humide, au fin fond d’Uccle, commune huppée chic de Bruxelles. Rassurez-vous, au retour, on a pris un taxi.

Le 812 A Chaussée d’Alsemberg présente une jolie maison blanche et une seule vitrine éclairée d’une ampoule nue. C’est un peu théâtral, un peu intriguant aussi, un peu façon Mortevielle Manor (attention, cette référence est exclue à ceux qui n’avaient pas d’Atari en 1989). Un escalier vous invite à monter (qui a dit que le meilleur moment, c’est quand on monte l’escalier ?) vers deux pièces en enfilade, également blanches, tamisée pour la première de bulbes bleu Miami, et pour la seconde, de curieux tissages de bois plaqués aux murs façon Arts Premiers et de deux grands clichés de lande irlandaise ou bretonne, c’est selon. C’est bien fait, net sans être froid, presque chaleureux.

A peine assis, on vous tend un porte bloc façon secrétaire de Mad Men. Tenu par une pince en métal, le menu, en plusieurs feuillets intitulés pour commencer, pour suivre, les fromages, les gourmandises… L’avant dernier nous attire l’œil : menu instant, selon arrivage, improvisation. On prend. Le six services svp. Déjà qu’on n’a plus le droit de fumer, on ne va pas mégoter, ça serait double peine. En fait de six services, c’est une douzaine de mini plats qui s’enchainent avec un rythme un peu fifty shades : très rapide au début, le service se fait plus lent à mesure que la soirée avance et que les convives arrivent.

Le menu improvisation, ok. On fait confiance au chef Damien qui a gagné ses galons à Paris, Dax et Londres avant d’atterrir à Bruxelles. Le teasing ok. Mais on aimerait tout de même savoir ce que l’on va trouver dans notre assiette histoire de choisir le vin, non, …Allo, la Bouchery sans eau ? Pas d’allergie, pas d’interdit ? Si, si, merci. Et c’est parti !

En bon mouton anhistorique, on passera sur les amuses bouche. Il avait de la crème de sésame, du saumon fumé en mini tartelette et aussi quelques herbes fraîches…mais impossible d’être plus précise. Puis, on fait son beurre avec la première entrée : fromage frais au lait de vache, coings, girolle et roquette sauvage. On apprécie le coing, pas confit, juste cuit, un peu acide-amer, la girolle aussi (notez le singulier), en revanche, le fromage frais est plutôt insipide, on aurait pu s’en passer.

La seconde présente le fameux œuf mollet du chef, servi dans une assiette creusée dans le granit, presque brûlante. C’est bien trouvé. Les morilles et le cromesquis de gnocchi aussi. L’ail des ours un peu moins, surtout après avoir souligné notre aversion quelques minutes plus tôt…le chef déboule en salle – Bonsoir –  inquiet et attentionné, mais le mal est fait.  Too late, too bad.

Dommage car la suite se révèle un cran au-dessus, notamment grâce aux coquilles Saint-Jacques aux choux, dont un chou-fleur violet juste croquant qui contrastait parfaitement avec la sauce épaisse au corail. Le meilleur plat sans aucun doute.

On retombe d’un étage avec le cochon, pourtant parfaitement tendre et cuit rosé (on a cru à un magret de canard), accompagné de rondelles de courgettes curieusement simples et fermes, légèrement non avenues pour tout dire.

Le dessert s’est révélé également légèrement too simple (un peu faible comme critique, je vous l’accorde, mais on s’attendait à mieux) : tuile craquante à la figue, figue cuite et quenelle de sorbet aqueux. La présentation, certes artistique n’a pas suffi à nous faire grimper aux rideaux. Et puis, le vin qui était censé l’accompagner est arrivé une fois la dernière bouchée engloutie. Mauvais timing.

Arrivent les « mignardises » en même temps que l’addition. Et là, malgré une guimauve très bien faite, on n’arrive pas à se défaire du goût presque urgo-pansementesque d’une gourmandise parfumée à une plante, sans doute très rare mais qui évoque surtout pour nous l’arnica et la bande velpo, les béquilles en moins. Ce n’était sans doute pas la meilleure façon de terminer j’en conviens.

Bref. On a été charmé par l’inventivité et l’envie de bien faire de DB. Malheureusement, aucun plat n’a vraiment réussi à nous épater. C’est bien exécuté, propre, sérieux, mais ce n’est pas encore singulier et épatant. Les idées sont là, les goûts un peu moins, c’est parfois un peu fade. On a malgré tout trouvé chez Bouchéry un petit rien de Noma. On espère y revenir et y trouver le tout, et pouvoir dire  à Damien qu’il nous en bouche un coin.

Où : 812 A Chaussée d’Alsemberg, Uccle, Bruxelles – +32(0)2 332 37 74

Quand : le soir uniquement. Le samedi à partir de 19 h.

Avec qui : Un esthète critique ou un néophyte admiratif. Ce soir-là, on parlé conflit irlandais et trèfle à quatre feuilles.

A vos pieds : ressortez les bottes en cuir, c’est tellement hiver 2013 !

Dans votre ipod : Bloody Sunday