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Et Hollande taxa l'épargne populaire, ou pas.

Publié le 28 octobre 2013 par Juan
C'était la dernière polémique fiscale du moment. Ne la sous-estimez pas. Le gouvernement s'en inquiète. Elle rassemble à droite et à gauche, et, pour une fois, avec les mêmes critiques: on touche au bas de laine, à l'épargne des petits, aux économies d'une vie.
Cette inquiétude, légitime, entraîne d'autres oublis: il faudrait abandonner la sacro-sainte idée que les revenus de l'épargne ne sauraient être traités comme ceux du travail. Pour la gauche, c'est un autre renoncement de premier plan (*).
Mais revenons sur le feuilleton, puisqu'il y a déjà plusieurs épisodes.
Mercredi, l'Assemblée nationale étudie le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Comme à chaque fois, les articles sont étudiés puis votés un à un. Et comme à chaque fois, les médias relayent l'adoption des principaux sans attendre le vote définitif. On oublie qu'il faut un vote du Sénat puis un dernier vote en commission mixte paritaire en cas d'amendements sénatoriaux.
Mercredi, donc, le financement de la Sécu déboule à l'Assemblée, avec cette mesure pourtant connue depuis une semaine au moins: supprimer les taux "historiques" qui s'appliquaient encore aux revenus de quelques placements d'épargne. Voici donc adopté l'article 8, sur la "Refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement". Il s'agit d'aligner au taux général (soit 15,5%, un taux porté à ce niveau par l'administration Sarkozy en 2009) les prélèvements sociaux (c'est-à-dire pour financer la Sécu) à prélever au moment de la liquidation des Plans d'Epargne en Actions, de l'assurance-vie multi-supports, de l’épargne salariale, "des primes versées dans le cadre des comptes et plans épargne logement (CEL et PEL), des intérêts acquis sur des plans d’épargne logement (PEL) de moins de 10 ans souscrits avant le 1er mars 2011, pour lesquels l’acquisition des produits n’est réellement constatée et mise à disposition qu’au moment du fait générateur par dénouement ou retrait (ou par décès concernant l’assurance-vie)". Reste épargnée l'épargnée règlementée (Livret A, Livret de développement durable), c'est-à-dire celle dont le placement n'est pas en Bourse mais fléchée vers des finalités précises (logement social en l'occurrence).
L'UMP Bernard Accoyer s'indigne: "Les placements concernés par cette surtaxation, qui trahit la confiance que l’on doit pouvoir avoir dans la parole de l’État, sont les PEA – 5,5 millions de nos compatriotes détiennent un PEA –, les PEL – 10 millions de nos compatriotes en détiennent un –, les contrats d’assurance-vie – nos compatriotes qui en détiennent sont encore plus nombreux."
Le sénateur UMP Philippe Marini a promis un recours contre le Conseil constitutionnel. Il dénonce une "rupture claire de l'égalité entre les contribuables", puisque "la situation fiscale est sensiblement différente entre celui qui ferme son PEL fin 2012, début 2013 et celui qui va le fermer aujourd'hui."
Troisième critique, taxer les revenus de l'épargne serait une double peine. "Quand on taxe cette épargne, on taxe une deuxième fois ces revenus, en réalité : c’est une double taxation !" criait l'UMP Jean-Pierre Barbier.  C'est faux. Le projet ne visait pas à taxer le "stock", c'est-à-dire l'épargne, mais les revenus qu'elle génère. 
Ces taux "historiques" sont d'un concept simple: la fiscalisation des rémunérations de quelques plans d'épargne dépendait du moment où ces dits plans avaient été ouverts. C'est un peu comme les loyers de 1948, jamais indexés. Ou comme si on ne devait taxer la plus-value sur vente d'un bien immobilier qu'au taux en vigueur au moment de l'achat dudit bien. D'aucuns ont passé ces derniers jours à qualifier la remise en cause de cette niche fiscale de rétroactive.

La critique de droite est classique: la droite se sert toujours d'exemples "populaires" pour justifier le maintien de privilèges qui profitent d'abord aux plus riches. De gauche, cette critique, identique dans son propos, était plus surprenante. Elle témoignait d'un ras-le-bol fiscal quand les hausses d'impôts frappent tout le monde. La lisibilité de la politique fiscale est en cause. Pourquoi ? Pour une raison simple, évidente, et connue: il n'y a pas eu de réforme fiscale. Plutôt que d'expliquer une fois pour toute le parcours fiscal qu'il entendait faire suivre au pays, François Hollande a choisi le redressement "impressionniste", par petites touches. Un vrai supplice de la goutte d'eau !
Seconde erreur, la dite mesure est venue concomitamment avec d'autres renoncements symboliques lors de la loi de finances de l'Etat: les oeuvres d'art, dont la fiscalité a été rehaussée en case de cessions, ont été soulagées d'une baisse des droits de douane sur les importations. Certains crient au scandale... Le sujet est si vaste qu'il mériterait un billet à part entière. Moins symbolique, le renoncement de taxer le trading à haute fréquence (ces achats/ventes de titres en Bourse dénoués dans la journée, coûte un milliard d'euros de recettes en moins.
Samedi, le gouvernement laisse entendre qu'il pourrait revenir sur cette initiative parlementaire, pourtant issue de ses rangs. L'info sort des services du premier ministre: des "améliorations peuvent être apportées pour le Plan d'épargne logement (PEL) et le Compte d'épargne logement (CEL)." Pire, les services de Matignon ajoutent: "Matignon a demandé à Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve de stabiliser les règles en matière de fiscalité de l'épargne. Des améliorations peuvent être apportées pour le PEL et le CEL".
Dimanche, Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, complète dans une interview au JDD:
"La droite veut semer la peur. Nous, nous voulons l’apaisement et la clarté. Nous avons donc décidé d’amender le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour sortir les PEL, les PEA et l’épargne salariale de la mesure pour épargner les patrimoines moyens et modestes."
Au passage, il précise que la hausse Sarkozy représentait une ponction de 6 milliards d'euros sur ces mêmes produits d'épargne, contre 600 millions envisagés cette fois-ci.
Mais nous sommes sous le coup d'un ras-le-bol fiscal général.
C'est un fait.
Lire le texte du projet de loi de financement de la Sécu. 
(*) Dans son programme présidentiel, Jean-Luc Mélenchon restait flou sur le sujet. Il promettait "d'augmenter l'impôt sur les revenus du capital" ("L'Humain d'abord", page 11), ou, ailleurs, de créer "une contribution de 10% sur les revenus financiers"

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