Dans son texte, Alain Dubuc déplore le fait que les services de santé ne soient pas assujettis aux lois du libre marché. Il conclue, avec raison, que cela a pour conséquence de le condamner à la stagnation.
Gracieuseté d' Ygreck
La santé est un besoin fondamental. C'est aussi une mission sociale essentielle. Si essentielle qu'on ne veut pas la corrompre en la soumettant aux contraintes de l'économie et à la logique marchande. Ces craintes, compréhensibles, expliquent pourquoi on a voulu mettre le monde de la santé à l'abri de ce genre de pressions, notamment en privilégiant un système public et gratuit.
La première, c'est qu'on se prive d'un levier important. Les dépenses de santé, on le sait, représentent un peu plus de 10 % du PIB, 39 % des dépenses publiques québécoises. En la mettant dans une bulle, dans un monde à part, on accepte que 10 % de nos ressources ne contribue pas à la création de richesse. La seconde, plus fondamentale, c'est qu'involontairement, on condamne, dans les faits, le monde de la santé à la stagnation. On voit maintenant la santé comme une dépense, un coût, une contrainte, une perception renforcée par le fait que le gros du financement provient du secteur public et donc des impôts. On a donc aussi tendance à vouloir combattre la croissance des dépenses en santé, en raison des pressions insupportables que cela exerce sur les ressources disponibles. Mais au nom de quelle logique ? Pourquoi faudrait-il dépenser le moins possible en santé ? Quand les dépenses augmentent dans un secteur, par exemple le loisir, personne ne grimpe aux rideaux. On pense plutôt au potentiel que permet cette consommation, en qualité de vie, en emplois, en développement du tourisme, en entreprises nouvelles. Pas en santé. Et pourtant, la croissance de ce secteur permet la création d'emplois de qualité, développe des activités de pointe, renforce l'économie du savoir, permet d'augmenter à la fois le niveau de vie et la qualité de vie. Dans une société qui s'enrichit, il serait normal qu'une portion croissante des ressources additionnelles aille vers ce secteur qui répond à des besoins et procure du bien-être. Mais pour qu'un raisonnement comme celui-là tienne la route, il faut que les activités liées à la santé puissent aussi, sans affecter leur mission première, contribuer à la création de richesse. Et c'est là qu'intervient le tabou. On a mis la santé dans une bulle, ce qu'on n'a pas fait avec d'autres besoins encore plus essentiels, comme la nourriture et le logement, ni avec d'autres missions sociales, comme l'éducation. Voilà un bel exemple. On a accepté que l'éducation ait une double mission, d'abord sociale, mais aussi économique. Et cela a transformé le réseau de l'éducation. Les activités sont largement financées par l'État, mais il y a aussi un réseau d'écoles privées qui ont un effet dynamisant sur le système. C'est un monde de concurrence, pas seulement entre le privé et le public, mais entre les cégeps, entre les universités. On pense en termes de développement et de croissance. On fait de l'argent, en acceptant des étudiants d'ailleurs. On exporte notre savoir-faire. Une telle logique, malgré ses risques, ferait du bien en santé. Par exemple, le choix de l'emplacement du CHUM aurait peut-être été différent si on avait tenu compte du levier technologique que proposait le projet d'Outremont. On réagirait moins négativement à l'idée d'avoir deux hôpitaux de pointe, un avantage évident dans une ville de savoir. On aborderait autrement le contingentement des professions médicales, une aberration dans une société qui dit vouloir plus de diplômés de haut niveau. On utiliserait plus intelligemment les pharmaciens, exclus parce que leur activité marchande dérange. On encouragerait aussi la création d'entreprises qui investissent, innovent, arrivent avec de nouvelles idées. On exporterait peut-être nos services. Et surtout, et surtout, on introduirait de la concurrence dans le système. Ce décloisonnement de la santé, même s'il heurte un tabou, refléterait davantage la réalité de la santé, qui dépasse largement le monde des soins curatifs. La santé, c'est aussi la prévention, l'environnement, la prise en compte des inégalités, le mode de vie. La façon dont on mange, nos choix de loisirs sont aussi des gestes liés à la santé. Il refléterait aussi le fait que les gens sont des consommateurs, y compris en santé, où ils ont les mêmes comportements qu'ailleurs. Ce type de raisonnement ouvre la porte à une place plus grande du privé. C'est vrai. Mais le gros de ces changements d'attitude peut se faire à l'intérieur d'un système public.
Nous avons commis une erreur en sacralisant la santé et en refusant d'accepter que, malgré son rôle essentiel, elle est également une activité économique. Ce refus a deux conséquences.
La première, c'est qu'on se prive d'un levier important. Les dépenses de santé, on le sait, représentent un peu plus de 10 % du PIB, 39 % des dépenses publiques québécoises. En la mettant dans une bulle, dans un monde à part, on accepte que 10 % de nos ressources ne contribue pas à la création de richesse. La seconde, plus fondamentale, c'est qu'involontairement, on condamne, dans les faits, le monde de la santé à la stagnation. On voit maintenant la santé comme une dépense, un coût, une contrainte, une perception renforcée par le fait que le gros du financement provient du secteur public et donc des impôts. On a donc aussi tendance à vouloir combattre la croissance des dépenses en santé, en raison des pressions insupportables que cela exerce sur les ressources disponibles. Mais au nom de quelle logique ? Pourquoi faudrait-il dépenser le moins possible en santé ? Quand les dépenses augmentent dans un secteur, par exemple le loisir, personne ne grimpe aux rideaux. On pense plutôt au potentiel que permet cette consommation, en qualité de vie, en emplois, en développement du tourisme, en entreprises nouvelles. Pas en santé. Et pourtant, la croissance de ce secteur permet la création d'emplois de qualité, développe des activités de pointe, renforce l'économie du savoir, permet d'augmenter à la fois le niveau de vie et la qualité de vie. Dans une société qui s'enrichit, il serait normal qu'une portion croissante des ressources additionnelles aille vers ce secteur qui répond à des besoins et procure du bien-être. Mais pour qu'un raisonnement comme celui-là tienne la route, il faut que les activités liées à la santé puissent aussi, sans affecter leur mission première, contribuer à la création de richesse. Et c'est là qu'intervient le tabou. On a mis la santé dans une bulle, ce qu'on n'a pas fait avec d'autres besoins encore plus essentiels, comme la nourriture et le logement, ni avec d'autres missions sociales, comme l'éducation. Voilà un bel exemple. On a accepté que l'éducation ait une double mission, d'abord sociale, mais aussi économique. Et cela a transformé le réseau de l'éducation. Les activités sont largement financées par l'État, mais il y a aussi un réseau d'écoles privées qui ont un effet dynamisant sur le système. C'est un monde de concurrence, pas seulement entre le privé et le public, mais entre les cégeps, entre les universités. On pense en termes de développement et de croissance. On fait de l'argent, en acceptant des étudiants d'ailleurs. On exporte notre savoir-faire. Une telle logique, malgré ses risques, ferait du bien en santé. Par exemple, le choix de l'emplacement du CHUM aurait peut-être été différent si on avait tenu compte du levier technologique que proposait le projet d'Outremont. On réagirait moins négativement à l'idée d'avoir deux hôpitaux de pointe, un avantage évident dans une ville de savoir. On aborderait autrement le contingentement des professions médicales, une aberration dans une société qui dit vouloir plus de diplômés de haut niveau. On utiliserait plus intelligemment les pharmaciens, exclus parce que leur activité marchande dérange. On encouragerait aussi la création d'entreprises qui investissent, innovent, arrivent avec de nouvelles idées. On exporterait peut-être nos services. Et surtout, et surtout, on introduirait de la concurrence dans le système. Ce décloisonnement de la santé, même s'il heurte un tabou, refléterait davantage la réalité de la santé, qui dépasse largement le monde des soins curatifs. La santé, c'est aussi la prévention, l'environnement, la prise en compte des inégalités, le mode de vie. La façon dont on mange, nos choix de loisirs sont aussi des gestes liés à la santé. Il refléterait aussi le fait que les gens sont des consommateurs, y compris en santé, où ils ont les mêmes comportements qu'ailleurs. Ce type de raisonnement ouvre la porte à une place plus grande du privé. C'est vrai. Mais le gros de ces changements d'attitude peut se faire à l'intérieur d'un système public.
Nous avons commis une erreur en sacralisant la santé et en refusant d'accepter que, malgré son rôle essentiel, elle est également une activité économique. Ce refus a deux conséquences.
L'important, c'est bien moins la présence plus ou moins grande du secteur privé, que l'introduction d'une dynamique de concurrence dans un système rigide.