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Bretagne: le tri sélectif des indignations peut enfin commencer.

Publié le 04 novembre 2013 par Juan
Il était temps.
La Bretagne est en passe d'être un territoire exemplaire. Les manifestations de samedi 2 novembre ont révélé combien l'analyse politique nécessitait davantage de précision que certains raccourcis médiatiques.
Après la suspension de l'éco-taxe sur les poids lourds, on avait cru à un embrasement collectif et solidaire. Mais les démonstrations de samedi ont permis de faire l'inévitable tri.

1. A Quimper ou Carhaix, la quasi-totalité des forces politiques et des organisations professionnelles et syndicales du pays étaient présentes: Europe Ecologie Les Verts, NPA, Front de gauche, UMP, Front national, UDI, Modem, et même quelques élus locaux du parti socialiste. De même, à Quimper et/ou à Carhaix, la quasi-totalité des "partenaires sociaux" étaient représentés: MEDEF et FO (à Quimper), CGT et CFDT (à Carhaix), sans compter la FDSEA. Ces manifestations ont parfaitement illustré combien la crise est ample, mais sans angle majoritaire; combien la contestation peut-être collective mais sans unité. C'est là le plus dangereux.
2. Pendant quelques jours, deux semaines quand même, la description de la contestation bretonne fut caricaturale chez nos médias dominants: il a fallu attendre la manifestation prévue samedi pour réaliser que le front était hétéroclite. Quel aveuglement ! Le Figaro, samedi 2 novembre, s'est ainsi réveillé dans un article à quelques heures des manifestations de l'après-midi sur les "divergences" au sein du mouvement.
3. Le tri sélectif, c'est donc maintenant. Ce tri est important, car comment répondre à une crise sans comprendre qui souffre ? Samedi, il y avait donc deux cortèges. L'un à Quimper, mené par la FDSEA, l'UPA (premier syndicat des artisans), le collectif « Vivre, décider, travailler en Bretagne », le syndicat Force ouvrière (avec notamment des représentants des salariés de Doux), le NPA (avec Philippe Poutou), mais aussi … le Mouvement des entreprises de France (Medef) du Finistère. Le slogan était « anti-crise » et « pour l'emploi en Bretagne ». Au total, "entre 10 000 et 30 000" participants selon les sources.
Certains, comme le le maire DVG de Carhaix, Christian Troadec qui est membre du collectif Vivre, Décider, Travailler en Bretagne, réclament la suppression de l'eco-taxe: "Nous n’attendions pas une suspension, mais une suppression de l’écotaxe. Le gouvernement n’est pas allé assez loin". Dans ce cortège, on pouvait aussi trouver l'UMP, le  FN,(Florian Philippot), des identitaires de Jeune Bretagne, et des opposants au mariage pour tous.
4. A Carhaix, une contre-manifestation était organisée par la Confédération générale du travail (CGT), du Front de gauche ou encore d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Jean-Luc Mélenchon était l'une des figures emblématiques évidentes de ce second front. Lequel voulait taper à « 360 degrés »: contre les"bonnets rouges" de Quimper, mais aussi contre le gouvernement; pour l'emploi mais contre le retrait de l'éco-taxe. Ce mouvement avait une vertu, clarifier le débat breton.
"Encouragé par la timidité et la pleutrerie du gouvernement qui leur cède tout, le patronat et les cléricaux des départements bretons vont faire manifester les nigauds pour défendre leur droit de transporter à bas coût des cochons d'un bout à l'autre de l'Europe dans des conditions honteuses. (…) A Quimper manifestent ceux qui veulent que continue la souillure de notre belle Bretagne par les nitrates de l'agriculture productiviste. A Quimper manifestent ceux qui veulent les salaires de misère pour les agriculteurs et le règne de la grande distribution. A Quimper les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres". Jean-Luc-Mélenchon, 2 novembre 2013
5. Il y a eu des violences. Au nord de Vannes, au passage de quelques centaines de manifestants, un portique Ecotaxe a été incendié et totalement détruit. Coût: 500.000 euros. D'après le Parisien, le «collectif des Bonnets Rouges», "à l'origine de ces mobilisations en Bretagne, s'est instantanément réjoui de cette destruction". A Montauban-de-Bretagne sur la RN12, un autre incendie a été déclenché sur un portique similaire. A Quimper, les CRS ont usé de lacrymo contre quelques manifestants qualifié de "minoritaires". "On a le sentiment qu'il s'agit d'un groupe marginal", a déclaré le préfet du Finistère. Il s'est aussi félicité de l'absence de heurts majeurs. Il a quand même fallu démonté une belle partie du mobilier urbain...

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6. Dimanche, le ministre de l'agriculture est sorti du bois. Stéphane Le Foll était au Grand Jury. Il s'opposait au retrait de l'eco-taxe, avant l'annonce de la suspension de cette dernière, mardi dernier, par Jean-Marc Ayrault. Ce dimanche, il avait quelques annonces - l'investissement d'une entreprise saoudienne dans l'entreprise Doux, une visite en Bretagne dans la semaine.
7. L'un des leaders de la manifestation à Quimper s'est félicité de ce qu'il a qualifié de "grand succès pour l’emploi en Bretagne". Ah bon ? On cherche à comprendre. Le défilé de 30.000 personnes allait donc permettre de nouvelles embauches ?
[NDR: Ce tri sélectif des indignations est capital, comme toujours. Patronat et UMP tenterons toujours de capitaliser sur des révoltes pour appuyer leur propre critique de l'action du gouvernement. Mais comme l'a très justement décrit Mélenchon, tout ceci n'est qu'arnaques, crimes sans botaniques.]

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