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Bill de Blasio, le nouveau visage de New York

Publié le 06 novembre 2013 par Guy Deridet

Bill de Blasio, a été élu maire de New York. C'et le premier démocrate à diriger Big Apple depuis 20 ans. La plupart des hommes politiques souhaitant être élus passent leur temps à lisser leur image. Ce n'est pas son cas ! Lui et sa famille ne correspondant vraiment pas aux canons habituels de la politique traditionnelle. Sa femme, est une poétesse afro-américaine qui n'a jamais caché son homosexualité et qui lui vole la vedette dans les meetings. Son fils monopolise les médias people avec une coupe afro pour le moins spectaculaire. Sa fille est couverte de piercing. Quant à De Blasio, son mètre 95 ne passe pas non plus inaperçu.



Bill de Blasio et son épouse Bill de Blasio et son épouse Bill de Blasio, nouveau maire de New York, entend améliorer le sort des laissés pour compte.
REUTERS/Lucas Jackson

Leurs mondes ne peuvent être plus différents. Leurs vies plus éloignées. Michael Bloomberg, maire de New York depuis 2002, par ailleurs propriétaire multimilliardaire du groupe d'information financière Bloomberg L.P, niche dans un hôtel particulier à 30 millions de dollars à l'angle de la cinquième avenue. Son successeur, Bill de Blasio, déjà assuré d'emporter les élections municipales du 5 novembre contre le républicain Joe Lhota, loge depuis près de vingt ans dans la même maison vieillotte et bohème de Brooklyn, au coeur d'un quartier, Park Slope, longtemps connu comme le fief de Spike Lee et de la middle class noire urbaine. Les contrastes ne manquent pas, entre "Bloomie", haut d'un mètre soixante-huit et engoncé dans ses éternels costumes trois pièces, et Bill, une armoire débonnaire de près de deux mètres. Plus que le hasard des renouvellements politiques américains, ils révèlent d'eux-mêmes le profond désir de changement des New Yorkais.

12 ans, trois mandats de Bloombergisme ont assurement révolutionné la mégapole. Ravagée par les attentats du 11 septembre 2001, déprimée ensuite par l'exode des sièges sociaux d'entreprise, New York n'en a pas moins relevé la tête grâce à la détermination impavide de son maire businessman. La ville n'a jamais été aussi prospère, sure, propre et attractive pour les 52 millions de touristes qui s'y pressent chaque année. Si les New-Yorkais apprécient les nouveaux espaces verts, la floraison des gratte-ciels et le maintien de l'emploi malgré la crise de 2008, ils n'attendent pas moins une véritable alternance, et un nouvel édile décidé à aborder les revers du miracle.

Combattre les inégalités sociales
Bill de Blasio, un démocrate élu en 2009 comme médiateur de la ville, un poste qui l'a érigé en porte-parole officiel des mécontents, a bâti sa campagne sur le combat contre les inégalités sociales criantes de New York. Son mantra électoral, le "conte de deux villes", pastiche du célèbre livre de Dickens, raconte une ville où la croissance mirifique des revenus des veinards de Wall Street s'accompagne d'une stagnation du pouvoir d'achat des ménages de la classe moyenne, et d'une augmentation constante du nombre de familles défavorisées voire sans logis. Le phénomène est certes national, mais le candidat n'a cessé de promettre d'en adoucir les symptômes locaux, en assurant l'accès à de nouveaux logements aux loyers accessibles, en investissant dans les écoles publiques, et en augmentant la fiscalité sur les plus hauts revenus pour financer les maternelles.

Le chantre du grand retour démocrate est aussi à l'avant-garde des protestations contre la politique sécuritaire du maire sortant. Soucieux de dissuader le port ou le recel d'armes, Bloomberg a promu "le stop and frisk", la fouille de suspects par la police sur la voie publique, une opération décriée comme un gigantesque profilage racial.

Le prochain maire ressemble enfin à New York

Mieux que quiconque, Bill de Blasio croit pouvoir incarner les inquiétudes des minorités ethniques new-yorkaises. Ses spots vidéo de campagne, ses affiches électorales présentent en quadrichromie le portrait idéal de la famille post raciale américaine. Bill, fils de Warren Wilhelm, un économiste de lointaine souche allemande, et d'une mère, Maria de Blasio née de parents immigrés d'Italie, a épousé en 1995 la poétesse et militante féministe noire Chirlane McCray. Leur fils Dante, âgé de 15 ans et brillant élève du lycée public "Brooklyn Tech" arbore en couverture de tous les tabloïds de la ville une superbe coupe afro qui lui a valu les compliments amusés de Barack Obama en personne, autre figure du métissage élitaire. Leur fille Chiara, 18 ans et criblée de piercing, étudie dans une fac californienne, d'où elle enregistre régulièrement des plaidoyers en vidéos pour son père, le front ceint d'une jolie couronne de fleur. Toutes ses couleurs, ce monde bigarré, ne pouvaient trancher plus avec la grisaille rationnelle et la froide blancheur de l'univers Bloomberg. En voyant la presse, et même l'influent humoriste Jon Stewart, (star du Daily Show, et principale source d'information des moins de 25 ans) se féliciter que le prochain maire "ressemble enfin à New York", une mégapole dont 46% seulement des habitants sont blancs, l'ancien édile n'a pu retenir sa colère, qualifiant de "raciste" la campagne de son successeur.

Le portrait idéal de la famille post raciale américaine

Si la famille de Blasio reflète la diversité new yorkaise, sa palette ne se limite pas aux races. Chirlane, prochaine première dame de City Hall, n'a jamais caché ses penchants homosexuels. Bill l'a rencontrée en 1989 quand tous deux travaillaient pour l'administration de David Dinkins, premier maire noir de New York. En voyant arriver dans son bureau la jeune rédactrice des services de presse, haute d'un mètre cinquante et affublée ce jour-là d'un anneau dans le nez délirant, Bill n'a pu cacher son coup de foudre. Pour repousser ses avances, Chirlane a cru lui asséner l'argument massue, en lui montrant son article paru dix ans plus tôt dans le magazine noir Essence, où, sous le titre "Je suis lesbienne", la jeune femme abordait de front le sujet tabou des gays noirs. Mais rien n'y a fait.

Mariés en 1995, le couple a fondé, aux dires même de Chirlane, "la famille non conventionnelle la plus conventionnelle qui soit". Leur ménage, singulier mais notoirement harmonieux, tranche certes avec le chaos qu'avait connu le candidat dans son enfance.

Bill se nommerait Wilhelm, s'il n'avait décidé, à l'âge adulte, de prendre le patronyme de sa mère, rompant ainsi son dernier lien avec un père qui avait quitté le foyer quand il n'avait que 7 ans. Warren Wilhelm, atteint d'un cancer terminal, s'est donné la mort en 1979, d'une balle en pleine poitrine, achevant dans sa voiture, sur le parking d'un motel sordide, une existence gâchée par la rancoeur, la dépression et l'alcoolisme.

Engagé dans l'infanterie pendant la seconde guerre mondiale, peu après ses études à l'Université Yale, Warren a perdu une jambe durant la terrible bataille d'Okinawa. Le retour à la vie civile n'a pas adouci son traumatisme. Dès 1950, le jeune économiste et son épouse, employée elle aussi par l'administration fédérale, ont subi une enquête de la commission maccarthiste chargée des activités anti américaines. Motif ? Warren avait pris un cour à Yale sur l'Union Soviètique, et sa femme, employée des services d'information de l'armée, semblait manquer de zèle patriotique dans ses communiqués de presse pendant la guerre. Faute de confirmer leur sympathie communiste, la commission s'était contentée de les priver de leurs accréditations permettant l'accès aux documents confidentiels, bloquant pour toujours leurs carrières de fonctionnaires.

Ascension classique chez les démocrates

Leur fils a hérité de leur culture, indéniablement progressiste, au point de se rendre au Nicaragua sandiniste pendant ses années étudiantes, et, non sans provocation, d'aller passer sa lune de miel à Cuba en 1995. Quoi qu'en dise aujourd'hui son adversaire républicain Joe Lhota, un temps acharné à prouver ses tendances gauchistes, le parcours de Bill de Blasio au parti démocrate s'apparente plutôt à la classique ascension d'un homme d'appareil. Bénévole efficace des campagnes démocrates, puis membre de l'équipe du maire David Dinkins ; nommé chef de l'administration fédérale du logement social pour les Etats de New York et du New Jersey en 1997 pendant la présidence Clinton, puis directeur de campagne d'Hillary Clinton lors des élections sénatoriales de 2000, ce professionnel de la politique a ensuite été réélu deux fois au conseil municipal pour un large district de Brooklyn, avant de gagner en 2009 le poste stratégique de médiateur de la ville.

Bill de Blasio doit sa carrière à ses qualités de tribun

Au contraire du maire sortant, un milliardaire capable de payer seul ses campagnes et donc de s'affranchir des groupes de pression de la ville pour diriger la ville à la guise, Bill de Blasio doit sa carrière à ses qualités de tribun, autant qu'à sa connaissance des complexes arcanes électorales de New York. Sa victoire, après 12 ans de pouvoir absolu de Bloomberg, sonne le retour de la politique à l'ancienne dans une cité aux allures d'archipel de communautés ethniques rivales, d'intérêts économiques divers et conflictuels en quête d'attention de City Hall. Saura-t-il s'élever au-dessus de la mêlée pour poursuivre la massive rénovation de New York ? Aura-t-il le cran de mécontenter les puissants syndicats des 300 000 fonctionnaires de la ville ? Aussi roué soit-il, le nouveau maire montre peu d'expérience du leadership face à une mégapole connue pour sa bureaucratie et l'intransigeance de ses lobbys. Joe Lhota, aux abois, peut décrier un rival dont les "galons de chef se limitent à la direction de ses propres campagnes électorales". Promis à la victoire ce 5 novembre, Bill de Blasio, le nouveau visage de New York, peut déjà apprécier ce compliment, en attendant de faire ses preuves à City Hall.


Par notre correspondant à New York, Philippe Coste, publié le 05/11/2013 à 11:22

Source : L'express.fr
Bill et ses deux enfants Bill et ses deux enfants N.D.L.R

Je ne sais si De Blasio parviendra à tenir ses promesses. Ce ne sera pas facile. New York est quand même la vile des Etats-Unis qui compte le plus de millionnaires.

Par ailleurs son prédécesseur, le milliardaire Mike Bloomberg a réussi, en trois mandats, à faire de New York la ville la plus "secure" des States. Ce qui, là non plus, ne fut pas facile.

Enfin, le prédécesseur démocrate de De Blasio avait laissé une très mauvaise impression et une ville dans un état lamentable.

Dans tous les cas, l'Amérique est tout de même un pays extraordinaire pour permettre à des politiciens aussi atypiques que De Blasio d'accéder à la tête d'une des plus grandes villes du monde. New York compte 300 000 employés et fonctionnaires municipaux ! Qui, au passage, réclament depuis des années 7 milliards de dollars de salaires impayés.

Vous aurez noté que la presse, pourtant si friande de personnages atypiques, est loin d'avoir fait ses choux-gras avec cette élection.

A ce sujet je vous donne à lire le billet d'aujourd'hui de Daniel Schneidermann pour arretsurimages.net


DE BLASIO, NAISSANCE D'UNE ICÔNE FAMILIALE
Par Daniel Schneidermann le 06/11/2013

Montagnes russes du matinaute. Etranges réveils. Libé consacre sa Une à Chistiane Taubira, qui se plaint de ne pas être davantage soutenue, dans les attaques racistes récurrentes dont elle fait l'objet. Et comme en écho, voici Raffarin, cuisiné par Aphatie sur RTL, qui se dépêtre comme il peut d'une question sur ces attaques, en en reportant la responsabilité...sur le gouvernement. Il faut les entendre, tous, à droite, expédier du bout des lêvres une condamnation de principe, avant, surtout, de parler d'autre chose. Ca leur écorcherait donc la bouche, à droite, d'exprimer simplement, sans restrictions ni conditionnels, solidarité et sympathie avec l'être humain Christiane Taubira, ignoblement attaqué ?

Oui mais voilà. Le même matin, dans le même mouvement, on est saisi par une photo. Mais oui, c'est une photo politique, une des images de l'élection de Bill de Blasio, comme maire de New York, étreignant son fils de 15 ans. Et cette photo du New York Times, cette photo inouïe de Bill et Dante de Blasio célébrant la victoire, cette photo que nous envoie l'Amérique, on ne se lasse pas de la contempler, avec nos yeux écarquillés de lepéno-vallsisés en douceur. La famille de Blasio est un véritable festival de signes, un paradis profus pour sémiologues, dans lequel on se promène avec ravissement, et sur lequel nous reviendrons dès que possible.

Le plus étonnant, dans l'émergence soudaine de l'icône familiale collective de Blasio (il parait que Chirlane, dans les bains de foule, vole la vedette à son mari, et l'on peut parier que Dante, le fils, accèdera plus vite que son père à la célébrité mondiale), c'est qu'elle soit passée, jusqu'à l'élection, largement au-dessous des radars médiatiques mondiaux (et, au hasard, français). De Chirlane, lesbienne assumée et épouse comblée, à Dante et sa coiffure afro adoubée par Obama, en passant par l'engagement passé de Bill au Nicaragua, n'y aurait-il pas eu largement de quoi nourrir une copieuse cover story des hebdos français, en panne de bonnes idées, parait-il ?

La famille de Blasio est la preuve vivante que l'on peut écrire des success-stories "de gauche", selon les canons traditionnels des "success stories", avec ce qu'il faut de sexe, de people, et d'amour familial, et finalement bien plus riches, bien plus émouvantes, que bien des success stories du business, du luxe et de la haute-couture, dont on nous bombarde jour après jour. C'est aussi, dans le même mouvement, la preuve vivante que le système, dans ses canons actuels, n'en veut pas, et s'en protège.

N.D.L.R
On ne saurait mieux dire.

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