Il est vrai que le trouble de déficit de l’attention / hyperactivité (TDAH) apparaît de plus en plus fréquent chez les enfants, mais est-ce une réalité ou seulement un diagnostic plus systématique ou même un sur-diagnostic ? C’est ce qu’affirme cet article d’opinion, publié dans le British Medical Journal, qui appelle à plus de prudence dans le diagnostic, et encore plus dans la prescription de médicaments.
Le TDAH touche environ 5 à 10% des enfants dans de nombreux pays industrialisés et en particulier des garçons chez qui il est de 3 à 3,5 fois plus fréquent. Les symptômes du TDAH incluent la distraction, l’agitation ou l’hyperactivité, l’absence de concentration et…l’ennui et ce comportement de l’enfant devient la cause de problèmes dans sa vie sociale, familiale et scolaire. La définition du TDAH (Voir Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM- 5) s’est élargie au cours des dernières années, la sensibilisation des professionnels aussi, expliquant la forte augmentation des diagnostics et des prescriptions de médicaments chez les enfants.
Sur la prévalence, rappelons les dernières données américaines qui font état dans le Mortality Weekly Report d’une hausse de 21,8% en 4 ans, donc d’une prévalence qui passe de 7,8% en 2003 à 9,5% en 2007. Selon ces chiffres, le déficit de l’attention et l’hyperactivité touchent désormais un enfant sur 10, ce qui représente plus de 4 millions d’enfants, pour les seuls Etats-Unis. Or, les études sont concordantes sur ce point, 78% des enfants avec diagnostic de TDAH à l’enfance présentent toujours le trouble, plus tard dans la vie.
Conséquence de cette prévalence en hausse de TDAH diagnostiqués, l’augmentation du nombre d’enfants mis sous traitement médicamenteux. Ainsi, de plus en plus d’enfants reçoivent de la Ritaline. Si les Etats-Unis nous ont précédés dans l’augmentation des prescriptions de ces médicaments stimulants, une récente étude française révèle que les ventes de Ritaline ont augmenté aussi en France et de 70% en 5 ans. Cette nouvelle étude indique, qu’au Royaume-Uni, les ventes de Ritaline auraient ainsi explosé de 50% en 5 ans.
Les conditions « normales » du diagnostic :
Pour qu’un enfant soit diagnostiqué avec le TDAH, il doit présenter au moins 6 symptômes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité, et cela de manière continue durant au moins 6 mois, dans des situations différentes (à la maison et à l’école, par ex.). Ces symptômes doivent impacter la qualité de vie, sur le plan social ou scolaire.
Les raisons de la prudence : Ici, les chercheurs des Universités de Bond (UK), du Queensland (Australie) et de Groningen (Pays-Bas) présentent et documentent de nombreux arguments sur le sur-diagnostic :
· Près de 86% des enfants diagnostiqués avec TDAH sont décrits comme ayant des troubles légers à modérés et que le risque d’opinion subjective sur les cas moins graves est élevé.
· Les modifications apportées aux critères diagnostiques pour le TDAH dans les éditions successives du DSM ont considérablement élargi le champ de diagnostic, augmentant ainsi la prévalence des diagnostics (voir schéma) et le risque de confusion entre TDAH et développement normal.
· Les intérêts commerciaux dont ceux de laboratoires pharmaceutiques et de possibles conflits d’intérêts peuvent conduire au sur-traitement. Or, les médicaments du TDAH entraînent des effets indésirables tels que la perte de poids, des troubles hépatiques, des pensées suicidaires et leurs effets à long terme sur la croissance sont inconnus.
· De plus, être étiqueté « TDAH » pour un enfant, peut causer des dommages psychologiques et les résultats scolaires plus faibles.
· Enfin, cette tendance au sur-diagnostic dévalorise le diagnostic chez les patients réellement et sévèrement atteints.
En conclusion, ces chercheurs appellent les cliniciens à une approche plus prudente, graduelle pour le diagnostic, avec une période de vigilance d’au moins 10 semaines avant orientation thérapeutique. Quant au traitement médicamenteux, il devrait être mis en œuvre qu’en dernière intention dans la plupart des cas diagnostiqués, et, réservé en fin de compte aux patients qui ne répondent pas aux autres formes de thérapie.
Source:BMJ2013;347:f6172 November 5 2013Attention-deficit/hyperactivity disorder: are we helping or harming?
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