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L’évasion du Nord, et après ?

Publié le 08 novembre 2013 par Rbruderm

Cet article fait suite à un précédent article concernant la fuite périlleuse des Nord-Coréens vers le Sud.

Bien que le trajet vers la Corée du Sud soit très difficile, le nombre de réfugiés ne cesse d’augmenter de façon considérable. Après être arrivés, ils font cependant face à des difficultés vis-à-vis de la culture, de la manière de vivre, des valeurs, mais aussi des préjugés des Sud-Coréens. Malgré le fait que les Nord-coréens et les Sud-coréens aient les mêmes origines, ils ont autant de différences qu'avec les autres pays voisins (la Chine ou le Japon), ceci à cause de leur longue division. Quelques réfugiés se sont bien adaptés à la société coréenne, mais pour d’autres, c’est beaucoup plus difficile.

Il existe un appareil du ministère de l’Unification appelé Hanawon. Cet organisme, destiné aux réfugiés admis en Corée du Sud, leur offre une formation professionnelle et leur enseigne l’histoire contemporaine. De plus les réfugiés sont aidés dans leur adaptation sociale, reçoivent un soutien psychologique et peuvent finalement obtenir leur état civil sud-coréen et des aides financières. Selon les cas, certains, comme d’anciens cadres supérieurs ou commandants en chef, sont gardés dans des locaux spéciaux, mais en général, une fois terminé le programme du Hanawon, les réfugiés sont livrés à eux-mêmes.

Surmonter le choc culturel et prendre un nouveau départ en Corée du Sud

Un réfugié, Chol-Hwan Kang, avait été accusé d’avoir fredonné une chanson sud-coréenne par un collègue et il a dû être conduit en prison. Il s’est cependant enfui pendant son transfert, avec l’aide d’un navire militaire hondurien en 1992. Il est devenu ensuite journaliste et conférencier. Pierre Rigoulot, historien français et journaliste, a entendu parler de lui et s’est rendu en Corée pour le rencontrer. Pendant une année, il s’est entretenu avec Chol-hwan Kang, puis tous deux ont publié ensemble un ouvrage en français : « Les Aquariums de Pyongyang », dans lequel il dénonce le problème des droits de l’homme et décrit la vie actuelle en Corée du Nord pour la première fois au monde. Ce livre a été reconnu dans le monde entier et a eu beaucoup d’impact sur le public.  Il est devenu un best-seller en France, et a été traduit en anglais, en japonais, en italien, en hollandais et en bulgare. De plus, il a été désigné dans la liste du « Times Book of the Year » en 2002. George W. Bush a lu le livre, a rencontré l’auteur et lui a offert la chance de donner des conférences aux Etats-Unis.

Chol-hwan Kang rencontre George W. Bush

Chol-hwan Kang rencontre George W. Bush

« Beaucoup d’enfants en Corée du Nord subsistent en se nourrissant de farine de vannure, d’herbe des prés ou de lombrics, et en conséquence ils attendent la mort. Donc les réfugiés s’évadent au risque de leur vie. C’est mon devoir de crier ces vérités publiquement. Je ne dois pas me taire. », dit Chol-Hwan Kang. Il souhaite que son fils savoure le bonheur et la liberté en Corée du Sud.

« Les Aquariums de Pyongyang »

« Les Aquariums de Pyongyang »

Autre exemple, il y a une entreprise alimentaire, Baekdo Sikpum, fondée en 2000 par Donghyuk Shin, Young-il Cheon, Songnam Yi et 4 autres réfugiés. Ils s’étaient tous enfuis entre 1995 et 1997, et se sont rencontrés dans une association en Corée du Sud. Ils ont décidé de créer une entreprise prospère, mais ils n’avaient d’autres compétences que celles qu'ils possédaient de Corée du Nord. Donc ils ont commercialisé de la nourriture à base de feuilles d’orme en poudre, qui sont très précieuses au Nord, à tel point que l’on n’en sert qu’aux visiteurs importants. Cette entreprise a été déficitaire pendant plusieurs années à cause du prix élevé de la matière première, du manque de connaissances administratives de ses fondateurs, mais aussi des préjugés sur les réfugiés. Pour comble d’infortune, un employé a détourné des fonds. Pourtant ils ont persévéré chaque jour, sans congés. Enfin l’entreprise a pu dégager des bénéfices en 2004, se rendant célèbre pour ses produits bio. Aujourd’hui elle réalise un profit de 150 millions de won chaque mois. Les cogérants sont contents d’avoir fait la preuve que des réfugiés aussi peuvent réussir.

Des employés de Baekdo Sikpum

Des employés de Baekdo Sikpum

Certains réfugiés n'arrivent pas à s’adapter à la vie sud-coréenne. Ce serait bien si tous aimaient leur nouvelle vie au Sud, mais certaines personnes y vivent péniblement. Ils rencontrent parfois des problèmes d’argent, alors ils décident d’entrer dans la criminalité. Un réfugié, Kim Kwang-Ho, une fois en Corée du Sud, a rencontré des problèmes financiers avec un usurier. Il ne pouvait pas le rembourser et a fini par être poursuivi en justice. Suite aux belles promesses venant de Corée du Nord, il a décidé d’y retourner, mais faisant face aux mêmes soucis, il a réussi à s’en évader de nouveau. Cependant, une fois revenu en Corée du Sud, il s’est fait appréhender par les autorités. Comme lui, beaucoup de réfugiés ont des problèmes financiers avec des usuriers. Une femme a été en procès avec un usurier parce que ce dernier réclamait d'elle une partie trop importante de son allocation logement

Kim Kwang-Ho tenant une conférence de presse en Corée du Nord en Janvier 2013

Kim Kwang-Ho tenant une conférence de presse en Corée du Nord en Janvier 2013

D’après une enquête de la Commission des affaires étrangères et de l’unification, plus de la moitié des réfugiés sont tourmentés par la vie en Corée du Sud et envisagent de se suicider. Environ 55% des réfugiés ont répondu qu’ils pensaient souvent à la mort et 78% qu’ils ont eu le blues. Jusqu’à maintenant, 26 personnes se sont déjà tuées parmi les 25000 réfugiés qui sont entrés dans le pays. En 2007, une réfugiée a perdu la vie après s’être précipitée du dixième étage : elle voulait aller en Chine pour y revoir ses enfants, mais ne pouvait pas obtenir de visa. En effet, la Chine conserve un registre des tentatives d’évasion. Cette femme ayant réussi à ne quitter la Corée du Nord qu’à sa cinquième tentative, la Chine lui a refusé l'entrée sur son territoire par la suite.

Plus de vingt mille réfugiés habitent ici mais la plupart des Sud-coréens ne sont pas conscients de leur existence, ni de la différence entre les Nord-coréens et les Chinois d’origine coréenne. Par exemple, une personne a protesté sur le fait qu’il y avait un enfant nord-coréen dans une école maternelle. Les médias soutiennent que l’hostilité contre la Corée du Nord en Corée du Sud est liée à celle contre les Nord-Coréens et les réfugiés. Il est vrai que le nombre de réfugiés augmente de jour en jour, mais leur présence reste méconnue et les malentendus ne dissipent pas. Une chose est certaine : les réfugiés sont des personnes comme nous et ils sont venus en Corée du Sud pour y trouver une meilleure existence.

Les réfugiés font partie des rares personnes ayant fait l’expérience des deux sociétés, donc ils sont très importants dans la perspective d’une future réunification. Ils espèrent surtout que l’on s’intéresse plus à la Corée du Nord, qui souffre sous un régime dictatorial, une idéologie totalitaire, et sur laquelle pèse un système de responsabilité collective qui viole la dignité humaine des Nord-coréens.


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