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« douze balles montées en breloque ». Une nouvelle de Louis Guilloux à lire dans nos collèges

Publié le 08 novembre 2013 par Micheltabanou

Le Bihan est un paysan qui ne connaît que le breton et combat pendant la bataille de la Marne au début de la guerre. Lors d'une échauffourée, il est blessé à la main par une balle. Ne pouvant plus tirer, il s'adresse à son capitaine qui l'envoie à un poste de secours.

"Il se mit en route et après quelque temps arriva au poste où il montra sa blessure à un major, qui parut extrêmement intéressé. Le major lui posa diverses questions auxquelles Le Bihan ne répondit pas, ne les ayant pas comprises [...] Le major n'insista pas. D'une part, il n'avait pas de temps à perdre et d'autre part il avait ses idées arrêtées sur la discipline aux armées, et la manière de les faire observer. Il griffonna quelque chose sur un bout de papier qu'il remit à Le Bihan et donna l'ordre à un planton de le conduire plus loin encore à l'arrière, ce qui fut fait. Quant à panser la blessure de Le Bihan, il n'en avait même pas été question.Le Bihan se laissa conduire où l'on voulut. Rien ne ressemble tant à un aveugle qu'un homme qui ignore la langue du pays où il se trouve. Mais le Bihan avait un guide et il était plein de confiance. Pourquoi pas ?Or, aussitôt "remis aux autorités" et le billet du major déchiffré, le soldat Le Bihan fut conduit au poteau et fusillé. Accusation : blessure volontaire à la main droite."La nouvelle se poursuit sur le conflit entre la mère de Le Bihan qui œuvre pour réhabiliter son fils et lui faire décerner une médaille et son épouse Jeanne, qui considère au contraire comme une bassesse de revendiquer auprès de coupables l'honneur de son frère "comme si dans cette affaire, ce n'avait pas été les "autres" qui avaient perdu l'honneur !". En effet il faut souligner que les soldats fusillés pour l'exemple ne se sont pas déshonorés mais encore faudrait-il que l’Etat puisse reconnaître qu'une grande partie des tribunaux qui les ont jugés, eux, se sont déshonorés et ont terni l'image de la République. Ce n'est pas tant la sentence de mort elle-même qui nous paraît scandaleuse, que le caractère expéditif de la procédure qui la précédait et l'arbitraire de ceux qui la prononçaient. Les relations des procès nous montrent que la plupart de ces accusés n'avaient que très peu de moyens de se faire entendre.
Dans sa nouvelle Louis Guilloux décrit le combat de la réhabilitation de son défunt mari par une femme outrée par une République trahie dans ses principes, il décrit l'obtention de cette médaille posthume voulues par la mère qui est vécue par Jeanne comme une trahison à laquelle elle répond par une provocation au milieu d'un banquet où l'on célèbre le défunt "mort au champ d'honneur". Guilloux termine sa nouvelle en opposant l'amour que la mère portait au soldat Le Bihan et celui de son épouse : "elle laissait à sa mère à son faux amour, qui oublie, s'arrange et pardonne. Aimer, pour elle, cela voulait dire autre chose. Son amour n'était pas faux : c'était un amour fidèle, qui n'oublie rien, qui veille, au contraire, et sait se venger."

Puisse notre mémoire à l'égard des mutins fusillés de 14-18 être aussi vigilante et fidèle à la vérité que l'amour de Jeanne pour son mari fusillé.

Conseil de l'adjoint à la Culture pour LIRE ou RELIRE LOUIS GUILLOUX: D'une guerre l'autre, édition établie par Philippe Roger, éd. Gallimard, « Quarto », 1 120 p., 29 euros. Ce volume regroupe sept livres : La Maison du peuple, Compagnons, Le Sang noir, Douze balles montées en breloque, OK, Joe !, Labyrinthe et L'Herbe d'oubli.

Ce qui m' a toujours sensibilisé chez Guilloux, l'ami de Jean Grenier qui fut le professeur d'Albert Camus à Alger ( Albert Camus dont on célébrait hier le 100eme anniversaire ) c'est son entêtement d'insoumis, sa volonté de ne jamais déserter la Maison du Peuple, c'est d'avoir été le traducteur des aspirations sociales et populaires. Il ne peut en rien dans son oeuvre avoir initié un abandon social, s'être délesté de son engagement. Une oeuvre sociale fidèle. Il faut avoir le peuple au coeur pour le lire, pour l'apprécier et ne pas se réclamer des économies de marché, de la sociale médiocratie! Au temps des abandons rares sont les socialistes qui auront la joie de le goûter mais il est toujours d'actualité de se reprendre! Et j'en connais qui s'inscrivent dans cette perspective.


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